
Le Dassault Rafale prépare sa modernisation pour 2030 avec plus de furtivité, des drones intégrés et des armements plus puissants et connectés.
Face à l’évolution des menaces et à la montée des capacités aériennes chinoises, américaines et turques, la France prépare une refonte complète de son avion de chasse multirôle, le Dassault Rafale, à l’horizon 2030. Lancé dans les années 1980 et entré en service en 2001, le Rafale reste l’épine dorsale de l’armée de l’air et de la marine françaises. Il s’est imposé à l’exportation grâce à sa polyvalence, sa fiabilité et sa capacité d’adaptation.
Mais à la fin de cette décennie, de nouveaux standards technologiques s’imposeront : interopérabilité avec des drones autonomes, furtivité accrue, armement à longue portée, guerre électronique étendue et réduction de la charge cognitive du pilote. Pour rester compétitif, Dassault Aviation, Safran, Thales et MBDA travaillent à une version Rafale F5, qui intégrera des systèmes de coordination avec des drones de combat, un nouveau moteur plus performant, une architecture avionique ouverte et des missiles plus rapides et plus discrets.
Le Rafale F5 est également vu comme une solution de transition stratégique avant le programme SCAF (Système de combat aérien du futur), prévu pour les années 2040. Il devra affronter la concurrence des F-35, J-20 et des projets de 6e génération. Cette modernisation engage non seulement la crédibilité militaire française, mais aussi la place du Rafale sur le marché international de l’aviation de combat.

Un moteur repensé pour plus de poussée et d’autonomie
La modernisation du Dassault Rafale passe d’abord par une amélioration de sa propulsion. Le moteur actuel, le M88-2 conçu par Safran, délivre une poussée de 75 kN avec postcombustion. Ce niveau de performance, suffisant dans les années 2000, atteint aujourd’hui ses limites pour répondre aux exigences de missions étendues avec charges externes multiples et pour suivre l’accélération technologique mondiale.
Un programme conjoint entre Safran et la DGA (Direction générale de l’armement) vise donc à développer une version M88-X. Ce moteur offrira une poussée augmentée de 15 à 20 %, soit un objectif de 90 kN, sans augmenter significativement la consommation spécifique. Cette progression permettra au Rafale F5 de décoller avec des charges supérieures tout en conservant une capacité de manœuvre à haute altitude et en supersonique prolongé.
L’enjeu principal reste le compromis entre puissance, masse et durée de vie. Le nouveau moteur devra intégrer des matériaux à haute résistance thermique, notamment des alliages monocristallins et des revêtements céramiques sur les aubes de turbine. Cela permettra de maintenir une température interne de plus de 1 800 °C, tout en respectant les contraintes de maintenance cyclique imposées par les armées.
Cette motorisation renforcée vise aussi à compenser l’accroissement de la masse globale du Rafale F5, liée à l’intégration de nouveaux équipements (capteurs, liaisons de données, brouilleurs, drones). Elle facilitera aussi des opérations prolongées en configuration bi-bombes ou avec réservoirs supplémentaires, sans dégrader les performances en combat aérien.
Une intégration native de drones furtifs tactiques
L’un des axes structurants de la version F5 repose sur l’intégration directe de drones de combat autonomes, appelés Remote Carriers, développés par Airbus et Dassault dans le cadre du programme FCAS. Ces drones, lancés depuis le Rafale ou opérant en coopération, agiront comme capteurs avancés, brouilleurs, plateformes de guerre électronique ou vecteurs d’attaque autonome.
L’architecture avionique du Rafale F5 est conçue pour dialoguer en temps réel avec plusieurs drones, sur des liaisons cryptées à large bande, afin de constituer un essaim tactique dynamique. Ces drones, plus petits, peuvent s’approcher des défenses adverses pour en cartographier les émetteurs ou pour engager des cibles sans risque pour le pilote.
Cette coopération homme-machine exige une nouvelle interface dans le cockpit, avec une automatisation accrue de la gestion tactique. Le pilote ne contrôle plus chaque drone manuellement, mais donne des ordres d’ensemble à un système de commandement embarqué, qui répartit les tâches entre les vecteurs. L’objectif est de ne pas surcharger l’opérateur, tout en multipliant les capacités offensives et de survie.
L’armée de l’air française prévoit de commencer à tester cette interopérabilité dans les exercices combinés dès 2025. Elle vise une capacité opérationnelle complète des Rafale F5 avec drones tactiques à partir de 2030. Cette brique sera essentielle pour faire face à des défenses multicouches comme celles déployées autour de Pékin ou de Kaliningrad.
Une évolution discrète de la furtivité et de la signature radar
Le Rafale n’est pas un avion de chasse furtif par conception, contrairement au F-35 ou au J-20. Mais sa modernisation F5 vise à réduire encore sa signature radar et infrarouge, sans toucher profondément à sa cellule. Dassault Aviation travaille avec Thales sur des revêtements RAM (Radar Absorbent Material) de nouvelle génération, compatibles avec les contraintes thermiques et mécaniques des missions intensives.
La cellule conservera sa forme actuelle, mais les nouvelles antennes, capteurs, trappes d’armement et bords d’attaque seront profilés pour réduire la réflexion radar, notamment dans les bandes X et Ku. Le gain visé n’est pas de rivaliser avec un avion furtif pur, mais de retarder la détection à moyenne portée, ce qui suffit pour percer un dispositif sans confrontation directe.
Parallèlement, la réduction de la signature infrarouge est à l’étude. Elle passerait par un meilleur refroidissement de l’échappement moteur et une régulation thermique des surfaces chaudes. Des études sont menées pour intégrer un système de masquage dynamique de la tuyère, inspiré de certains dispositifs testés sur drones. L’objectif est d’abaisser la probabilité d’interception par missiles à autodirecteur infrarouge, de plus en plus précis.
Enfin, les pylônes et emports externes feront l’objet d’un traitement particulier. Les configurations de mission pourront intégrer des carénages aérodynamiques furtifs, réduisant la traînée et la surface équivalente radar. Ces modifications permettront de garder une modularité d’emport sans sacrifier l’allonge tactique du Rafale.

Un arsenal modernisé pour la supériorité air-sol et air-air
Le Rafale F5 sera doté d’un nouvel éventail d’armements, porté par MBDA et conforme aux standards OTAN. La priorité porte sur les missiles air-air de longue portée. Le Meteor, déjà en service, reste une référence avec sa portée de plus de 200 km. Mais une évolution est prévue, avec une liaison de données améliorée, une ogive plus sélective, et un autodirecteur à double bande. Cette version pourra engager des cibles furtives ou manœuvrantes à très longue portée.
En parallèle, un missile air-sol furtif de nouvelle génération est en cours de conception, pour remplacer le SCALP-EG. Il pourrait reprendre des éléments du projet franco-britannique FMAN/FMC, avec une portée supérieure à 500 km et une capacité de pénétration renforcée. Ce vecteur serait compatible avec les drones Remote Carriers, qui serviraient de relai ou de désignation avancée.
Le canon de 30 mm interne reste en dotation, mais des améliorations logicielles permettront une meilleure gestion des salves en vol supersonique. Les roquettes guidées (AASM) verront leur précision accrue par l’ajout d’une liaison GNSS de secours, pour compenser le brouillage GPS.
Cette évolution de l’arsenal vise à garantir une capacité d’entrée en premier dans des théâtres contestés, sans dépendre exclusivement de l’effet de saturation ou du nombre. La doctrine française repose sur la capacité à frapper vite, précisément et en coordination, y compris avec des alliés OTAN.
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