Un faux astronaute, des dizaines de victimes et une cavale incroyable

Robert Hunt

Robert Hunt a usurpé l’identité d’un astronaute de la NASA. Il a trompé l’opinion publique, escroqué des dizaines de personnes et fini en prison.

En 1989, un certain Robert Hunt, se présentant comme astronaute de la NASA et pilote de chasse des Marines, a réussi à duper des associations aéronautiques, à se faire inviter par des élus, à séduire plusieurs femmes et à soutirer plus de 60 000 dollars. Sans aucune formation aéronautique ni licence, il a bâti un récit fictif mêlant jargon militaire, détails techniques et manipulations affectives. Ses victimes comprenaient des particuliers, des proches, des institutions, voire des administrations étrangères. Son arrestation mettra en lumière l’absence de vérifications dans certaines sphères, mais aussi la puissance de la fiction lorsqu’elle est bien racontée.

L’élaboration méthodique d’un personnage crédible

Dès 1989, Robert Hunt multiplie les apparitions publiques vêtu d’une combinaison bleue de la NASA, arborant des écussons de mission et un insigne de pilote. Lors d’une conférence à l’Experimental Aircraft Association de Boston, il se présente comme capitaine des Marines et astronaute ayant participé à une mission secrète à bord de la navette Atlantis. Il décrit des manœuvres en F/A-18 depuis le porte-avions USS Coral Sea, affirme avoir bombardé la Libye, et exhibe même deux carreaux qu’il prétend avoir été calcinés lors de la rentrée atmosphérique.

Les participants, amateurs d’aéronautique ou pilotes privés, se laissent convaincre par la précision apparente de son discours. Il esquive les questions trop précises avec des réponses vagues ou classifiées. Le public, peu formé à détecter les incohérences techniques, adhère à son récit.

Chiffres clés : en quelques mois, Hunt soutire environ 60 000 dollars (soit environ 55 000 euros actuels) par différents stratagèmes : détournements, fausses promesses d’emploi, cartes bancaires de proches ou de conjoints.

L’ingénierie du mensonge technique et militaire

Hunt n’est pas un novice du mensonge. Dès l’adolescence, il vendait des moineaux peints comme des canaris. Il maîtrise l’usage de terminologies militaires, connaît le nom des bases, les grades, les procédures. Il falsifie des Service Record Books, achète sur commande des insignes d’astronaute et manipule des formulaires pour recevoir des tenues officielles.

Il prétend avoir intégré le programme de formation de la NASA, suivi un entraînement au Johnson Space Center, étudié les boosters chez Morton Thiokol, et passé par Pensacola pour sa formation initiale. Il décrit en détail l’effet des forces G à bord d’Atlantis et les trajectoires de rentrée sans propulsion depuis 67 kilomètres d’altitude.

Rien de tout cela n’est vérifiable, mais sa capacité à combiner vocabulaire spécialisé, contextes cohérents et références croisées (CIA, Marine, NASA) donne une illusion d’authenticité.

Un faux astronaute, des dizaines de victimes et une cavale incroyable

Dommages familiaux et manipulation affective

Robert Hunt ne s’est pas contenté de manipuler des inconnus. Il a aussi abusé de la confiance de ses proches. Il épouse successivement plusieurs femmes sous identités falsifiées : faux diplômes, faux contrats professionnels, fausses entreprises. Il se fait passer pour producteur télé, officier supérieur, ou encore entrepreneur à succès.

Avec Ann Sweeney, jeune ingénieure chez Polaroid, il mène une vie mondaine, voyage en jet privé, conduit une Jaguar louée, prétend que tout est pris en charge par la NASA. Il tente même d’influencer les cercles économiques via des rumeurs sur des informations internes à l’entreprise.

Son père, Leo Hunt, ancien plombier, l’aidait malgré lui à entretenir cette fiction, ayant lui-même construit un récit imaginaire de carrière militaire. Ce climat familial a probablement nourri les dérives de Robert, où l’imposture est devenue une forme d’identité sociale.

L’enquête policière et l’effondrement du récit

C’est un policier du Massachusetts, Andrew Palombo, qui commence à recouper les incohérences. Il découvre que Robert Hunt n’a jamais eu de licence de pilote, qu’il a été brièvement inscrit comme réserviste mais a été renvoyé pour problèmes psychologiques. Il identifie également les fournisseurs de ses équipements militaires, commandés frauduleusement.

La perquisition révèle des médailles fictives, uniformes trafiqués, tuiles de salle de bain maquillées en matériel spatial, badges médicaux volés. Hunt est arrêté en janvier 1989, inculpé pour vol par fausses représentations, usage frauduleux de cartes de crédit et escroquerie.

Il est condamné à deux ans de prison avec sursis, mais ne rembourse aucun centime, quitte la région et redevient fugitif.

Le rôle de la psychologie sociale dans la réussite de la supercherie

Le cas Hunt est un exemple d’ingénierie sociale à grande échelle. Il repose sur ce que les psychologues appellent “le biais de vérité” : la tendance à croire spontanément ce qui est dit, surtout par des figures perçues comme légitimes. Les grades militaires, les uniformes, les références institutionnelles renforcent cette autorité apparente.

Autre levier : l’effet de halo. La tenue de vol bleue, les connaissances techniques, le comportement affirmé, créent l’illusion de compétence globale. Enfin, l’effet de conformité sociale pousse les sceptiques à se taire, comme l’a montré l’isolement de la jeune femme ayant osé critiquer son discours à Boston.

L’après-1989 et les mesures de protection contre l’usurpation

Après sa première condamnation, Hunt reprend ses activités frauduleuses. Il tente de se faire passer pour médecin, agent fédéral, et même chef de l’unité SEAL Team 6 au Presidio de San Francisco. Il est à nouveau arrêté, puis condamné en 1994 à un an de prison.

L’adoption du Stolen Valor Act aux États-Unis en 2005 rend illégale toute revendication frauduleuse de décorations ou fonctions militaires. Ce type de loi, encore peu étendue en Europe, a pour but de freiner les imposteurs qui exploitent le respect populaire pour les corps militaires.

Le cas Hunt, encore étudié par les experts en psychologie sociale et criminalité, est un exemple de fraude narrative fondée sur la maîtrise des codes institutionnels. Il montre aussi que même les milieux techniques ne sont pas à l’abri des manipulations si les protocoles de vérification sont absents ou superficiels.

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