Livraison de nouveaux Su-35S : la Russie accélère la production

Russie SU-35S

UAC livre une nouvelle vague de Su‑35S, renforce la flotte tactique russe. Production accrue et efficacité visée : + 30 % de productivité d’ici 2030.

En juin 2025, l’United Aircraft Corporation (UAC) a remis un nouveau lot de chasseurs Su‑35S à la défense russe, consolidant la flotte tactique en pleine opération militaire en Ukraine. Cet avion « 4++ » génération, dérivé de la plateforme Su‑27, offre de grandes capacités en supériorité aérienne et frappes de précision, grâce à son radar avancé, ses moteurs à poussée vectorielle, et un encombrement tactique polyvalent. Rostec et UAC visent à accroître la productivité de 30 % d’ici 2030 pour répondre à la hausse des commandes d’État, confirmant une montée en cadence malgré les sanctions occidentales.

Russie SU-35S

Livraison et contexte industriel

En juin 2025, l’United Aircraft Corporation (UAC), branche aéronautique du conglomérat russe Rostec, a confirmé la livraison d’un nouveau lot de chasseurs Su‑35S à l’armée de l’air russe. Cette livraison s’inscrit dans le cadre du programme annuel du State Defense Order visant à renforcer la flotte tactique, notamment dans le contexte du conflit en Ukraine. Il s’agit du troisième envoi de Su‑35S depuis le début de l’année, après des livraisons effectuées les 29 mars et 12 mai 2025.

Le nombre exact d’appareils livrés n’a pas été communiqué. Toutefois, sur la base des précédentes livraisons de chasseurs de cette catégorie, les lots comprennent en général entre deux et trois appareils. Ainsi, pour le premier semestre 2025, il est raisonnable d’estimer que six à neuf Su‑35S ont été intégrés aux forces russes. Ces chiffres s’inscrivent dans une stratégie de montée en cadence annoncée en 2023, notamment pour les gammes Su‑30, Su‑34 et Su‑35.

Avant leur transfert vers les unités opérationnelles, chaque avion passe par un cycle complet de validation industrielle. Ce processus comprend des essais statiques au sol, suivis de vols d’essai dans diverses configurations : manœuvres à haute et basse altitude, vol supersonique, évaluation des systèmes d’armes et vérification de l’intégrité avionique. Une fois homologués, les avions sont convoyés vers leurs bases d’affectation, dont l’emplacement reste classifié pour des raisons opérationnelles.

Ces livraisons confirment la continuité industrielle de la production militaire russe malgré les sanctions occidentales et les contraintes logistiques accrues.

Données chiffrées

  • 3 lots reçus entre mars et juin 2025.
  • Estimation : 6 à 9 avions délivrés au premier semestre.
  • Depuis 2012, environ 135 Su‑35S ont été livrés.
  • Inventaire total estimé : 118 à 128 appareils en service.

Ces chiffres illustrent une production soutenue, consolidée par la décision de Rostec de doubler la cadence (Su‑30, Su‑34, Su‑35) depuis 2023.

Caractéristiques techniques de l’appareil

Le Su‑35S est un avion de chasse multirôle classé dans la catégorie 4++, ce qui signifie qu’il se situe technologiquement entre les avions de quatrième et de cinquième génération. Il est dérivé du Su‑27 Flanker, mais profondément modernisé pour répondre aux exigences contemporaines des conflits de haute intensité. L’appareil intègre plusieurs technologies issues du programme Su‑57, notamment au niveau de l’avionique, de la motorisation et de la détection.

Le radar Irbis-E, à balayage électronique passif (PESA), constitue un atout central. Il permet de suivre simultanément jusqu’à 30 cibles aériennes et d’en engager 8. Sa portée peut dépasser 350 kilomètres contre une cible de type chasseur. Ce système radar confère au Su‑35S une capacité de détection multirôle, adaptée à l’interception, à la chasse et à l’appui tactique.

L’appareil est doté de moteurs AL‑41F1S avec poussée vectorielle tridimensionnelle, lui procurant une super‑maniabilité exceptionnelle. Il peut encaisser des facteurs de charge supérieurs à 9 G, effectuer des virages serrés à basse vitesse et exécuter des manœuvres impossibles pour des chasseurs classiques. Il dispose également d’une capacité de supercroisière limitée, avec un vol supersonique à environ Mach 1,1 sans postcombustion.

Le rayon d’action atteint 3 600 kilomètres sans ravitaillement, ce qui est supérieur à la plupart des chasseurs de même catégorie. Sa charge utile maximale est estimée à 8 tonnes, répartie sur 12 points d’emport. L’armement comprend des missiles air-air à longue portée (R‑77, R‑73), des missiles air-sol guidés, des bombes à guidage laser et satellite, ainsi que des missiles antinavires Kh‑31 ou Kh‑35.

Son coût unitaire, selon les données disponibles pour la version export complète, avoisine les 65 millions de dollars américains en 2009, soit environ 60 millions d’euros au taux actuel, hors inflation et maintenance.

Avec cette combinaison de portée, de manœuvrabilité et de charge offensive, le Su‑35S est concurrentiel face à des appareils comme le F‑15EX américain, tout en demeurant moins coûteux que les avions furtifs de cinquième génération. Il constitue ainsi une plateforme tactique intermédiaire, adaptée aux besoins russes en matière de puissance aérienne et de projection régionale.

Enjeux stratégiques et mission en Ukraine

Le Su‑35S occupe un rôle central dans le dispositif aérien russe engagé en Ukraine depuis février 2022. Conçu pour offrir une supériorité aérienne dans des environnements contestés, il a été déployé de manière intensive sur plusieurs fronts, notamment pour contrer les drones, les avions de reconnaissance, les missiles de croisière, ainsi que pour appuyer les forces au sol.

Sa mission première reste la maîtrise de l’espace aérien. Le Su‑35S est utilisé pour intercepter les aéronefs ukrainiens, protéger les bombardiers russes lors des frappes stratégiques, et supprimer les capacités d’interdiction aérienne adverses. Grâce à son radar longue portée et à ses missiles R-77, il peut engager des cibles à plus de 100 kilomètres. Cette capacité est essentielle pour empêcher la progression de drones armés TB2 Bayraktar, utilisés par l’Ukraine dans les premières phases du conflit.

Le Su‑35S est également mobilisé pour des frappes de précision contre des cibles terrestres et navales. Équipé de capteurs multibandes, il peut neutraliser des centres de commandement, radars et systèmes de défense anti-aérienne, y compris les positions équipées de missiles occidentaux comme le NASAMS ou le Patriot. Son autonomie élevée lui permet de mener des missions de longue durée au-dessus du Donbass ou du sud de l’Ukraine sans ravitaillement immédiat.

Cependant, les performances de l’appareil doivent être relativisées. Selon l’Institut international d’études stratégiques (IISS), plusieurs Su‑35S auraient été abattus depuis le début du conflit, principalement par des systèmes sol-air occidentaux (IRIS-T SLM, S-300 modernisés, voire missiles Patriot PAC-3). Ces pertes, bien que non officiellement reconnues par Moscou, montrent que l’appareil n’est pas invulnérable face à des défenses aériennes modernes et bien coordonnées.

Malgré ces limites, le Su‑35S reste considéré comme un vecteur clé des opérations russes. Il combine une bonne survivabilité, une charge utile conséquente, et une flexibilité d’emploi dans différents types d’opérations, y compris en environnement de guerre électronique. Sa présence permet également à la Russie de réduire l’emploi de ses Su‑57, plus rares et coûteux, en réservant ceux-ci à des missions spéciales.

Enfin, les données diffusées par Rostec et le commandement russe suggèrent que le Su‑35S continue à recevoir des ajustements en cours d’opération : amélioration des contre-mesures électroniques, coordination renforcée avec les drones tactiques, et optimisation des frappes sur cibles prioritaires. Dans ce cadre, son déploiement en Ukraine constitue à la fois un test opérationnel à grande échelle et un levier pour affiner sa doctrine d’emploi futur.

Russie SU-35S

Production, productivité et perspectives 2030

L’objectif de montée en cadence des Su‑35S s’inscrit dans une stratégie industrielle clairement définie par United Aircraft Corporation (UAC). Selon Vadim Badekha, son directeur général, la production de ces chasseurs multirôles reste stable et planifiée, avec une priorité donnée à l’amélioration des rendements d’ici 2030. L’objectif affiché est une hausse de la productivité de 30 % à capacité industrielle constante, sans déploiement massif de nouveaux sites.

Le centre névralgique de cette production est l’usine KnAAZ (Komsomolsk‑on‑Amur Aircraft Plant), où sont assemblés les Su‑35S. Pour atteindre cette progression, UAC mise sur plusieurs leviers techniques : automatisation de certains postes d’assemblage, modernisation des lignes logistiques internes, réduction des opérations en doublon, et optimisation de l’organisation du travail. En parallèle, une partie des ressources humaines est réaffectée à des tâches à plus forte valeur ajoutée, ou remplacée par des systèmes semi‑automatisés dans l’usinage.

Rostec, maison mère de UAC, agit également en amont, en consolidant les chaînes d’approvisionnement en composants électroniques et mécaniques. Malgré les sanctions occidentales, le complexe militaro-industriel russe a vu son activité multiplier ses volumes de production par 2 à 10 entre 2022 et fin 2024, selon les catégories (chars, artillerie, aviation, munitions). Pour l’aéronautique, cela s’est traduit par une cadence annuelle estimée entre 6 et 12 Su‑35S, en fonction des priorités militaires.

Le plan prévoit de dépasser cette moyenne à partir de 2026, pour atteindre une production régulière de plus de 15 unités par an d’ici à 2030. Cette ambition repose en partie sur une meilleure intégration des logiciels de gestion industrielle, des délais d’approvisionnement plus courts, et un recours accru à des composants produits localement, notamment en remplacement des équipements autrefois importés.

Enfin, ces perspectives s’inscrivent dans une logique de réponse à la demande croissante du ministère russe de la Défense. Le volume des commandes liées à l’ordre de défense étatique (ГОЗ) pour 2025 est déjà supérieur à celui de 2024, ce qui oblige les industriels à ajuster leurs capacités sans alourdir leurs coûts structurels. En maintenant un niveau de production soutenu, tout en gagnant en efficacité, UAC cherche à stabiliser la flotte de Su‑35S tout en préparant la transition vers des appareils de cinquième génération comme le Su‑57 ou les futurs programmes dérivés.

Conséquences et implications futures

La montée en puissance de la flotte de Su‑35S génère des effets tactiques et industriels directs. D’abord, elle renforce la capacité militaire immédiate de la Russie, en consolidant sa supériorité aérienne sur le théâtre ukrainien et en stabilisant sa posture face aux forces de l’OTAN en Europe de l’Est. Cette présence accrue améliore la couverture aérienne, tout en soutenant les opérations d’interdiction et de reconnaissance.

Ensuite, cette densification de la flotte joue un rôle dissuasif : la modernisation des vecteurs aériens russes rend plus risquées les incursions ou frappes occidentales. Toutefois, cette stratégie a un coût. La priorité donnée à l’aviation russe retarde les exportations prévues à des clients stratégiques comme l’Algérie (24 appareils annoncés), l’Iran ou l’Égypte, dont les contrats dépendent désormais de la capacité industrielle restante.

À l’échelle opérationnelle, la concentration de Su‑35S dans un théâtre dense entraîne une charge logistique croissante. L’entretien, les pièces détachées et la maintenance augmentent le besoin en infrastructures, tout en exposant davantage d’appareils aux défenses ukrainiennes, comme les systèmes Patriot ou S‑300.

Enfin, le Su‑35S constitue une plateforme de transition vers les avions de 5e génération. Les innovations qu’il embarque (radar, motorisation, systèmes d’armes) forment une base technique pour les futurs Su‑57 et programmes associés.

Même sans furtivité complète, le Su‑35S demeure un chasseur hautement performant par sa maniabilité, sa portée et sa puissance. Sa modernisation industrielle répond à la pression de conflit en Ukraine et aux sanctions. Avec un objectif de +30 % de productivité, le programme est calibré pour maintenir la flotte au-delà de 2025, assurer la supériorité aérienne tactique russe et préparer les prochaines générations de chasseurs. Il s’agit d’une stratégie industrielle puissante, pragmatique et techniquement fondée.

Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.

A propos de admin 1726 Articles
Avion-Chasse.fr est un site d'information indépendant dont l'équipe éditoriale est composée de journalistes aéronautiques et de pilotes professionnels.