L’Allemagne conçoit un drone spatial armé de missiles IRIS-T

L’Allemagne conçoit un drone spatial armé de missiles IRIS-T

L’Allemagne développe un drone spatial réutilisable équipé de missiles IRIS-T, en partenariat entre Diehl Defence et POLARIS Raumflugzeuge.

L’entreprise allemande Diehl Defence s’associe à POLARIS Raumflugzeuge GmbH pour créer un système de frappe aérienne non piloté, appelé AirLAS. Ce programme intègre le missile IRIS-T, déjà utilisé par des forces de l’OTAN, dans un véhicule spatial réutilisable capable d’opérer dans plusieurs milieux : air, mer, et sol. L’objectif est d’étendre la portée des missions, tout en limitant les coûts et les risques humains. Ce système pourrait s’intégrer aux futures architectures de défense comme le SCAF (FCAS), et répondre aux exigences de combat distribué. Les premiers vols d’essai sont prévus en 2025. Il s’agit aussi d’une étape dans le programme allemand d’aviation hypersonique, avec la mise au point d’un véhicule biplan expérimental capable de lancer des satellites ou des charges militaires à haute altitude.

Une alliance industrielle entre Diehl Defence et POLARIS pour un drone de frappe innovant

Le partenariat signé au Salon du Bourget 2025 entre Diehl Defence, spécialiste des munitions guidées, et POLARIS Raumflugzeuge, entreprise allemande développant des avions spatiaux réutilisables, marque un virage dans l’approche allemande de la défense aérienne. Le projet, baptisé Airborne Launching and Attack System (AirLAS), consiste à intégrer des missiles IRIS-T sur un vecteur autonome non piloté, avec des capacités de décollage et d’atterrissage horizontal.

Cette coopération s’inscrit dans une logique de mobilité accrue, de réduction des coûts et de polyvalence opérationnelle, en remplaçant les systèmes sol-air fixes par une plateforme mobile réutilisable. Le système AirLAS repose sur un vecteur déjà testé en vol par POLARIS, avec des performances orbitales ou suborbitales. Il permettrait une allonge accrue, tout en contournant les contraintes de l’espace aérien hostile.

Le missile IRIS-T est un missile à courte portée (jusqu’à 25 km) à haute manœuvrabilité, utilisé sur des chasseurs comme le Eurofighter Typhoon ou le Gripen. L’adapter à un drone permet de réaliser des frappes au-delà des lignes ennemies sans risquer de pertes humaines. C’est aussi une réponse à la tendance actuelle des armées à intégrer des systèmes distribués et autonomes, notamment face à la saturation des systèmes antiaériens par drones bon marché.

Ce partenariat fait suite à un contrat public signé en février 2025 entre POLARIS et le BAAINBw (Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr), confirmant la volonté de Berlin d’investir dans l’hypersonique et l’autonomie opérationnelle. L’appareil visé est prévu pour des usages multiples, civils comme militaires.

Vers un système modulaire pour la guerre distribuée et l’hypersonique

Le système AirLAS est présenté comme modulaire, ce qui signifie qu’il peut évoluer selon les besoins opérationnels et être configuré pour différentes missions : interception, frappe rapide, observation ou lancement spatial. Cette approche s’aligne sur les doctrines de guerre moderne qui privilégient la dispersion des plateformes, la survivabilité et la reconfigurabilité face à une menace multi-domaines.

En intégrant une plateforme réutilisable, le programme permet une réduction du coût unitaire par mission. À titre de comparaison, un missile IRIS-T coûte environ 400 000 euros, tandis que le développement d’un drone réutilisable peut réduire drastiquement les coûts logistiques et les besoins en personnel qualifié. Un avion de chasse nécessite en moyenne 30 heures de maintenance pour 1 heure de vol, alors qu’un drone automatisé peut être programmé pour des cycles plus courts, avec moins d’intervention humaine.

L’utilisation de l’IRIS-T comme munition ouvre aussi la voie à des évolutions : des configurations avec missiles air-sol, voire missiles hypersoniques, sont envisageables. AirLAS pourrait ainsi devenir une plateforme de lancement pour de nouveaux systèmes de frappe à longue portée.

Les constructeurs envisagent déjà une intégration dans les futurs programmes européens, comme le FCAS (Système de combat aérien du futur), porté par l’Allemagne, la France et l’Espagne, ou dans des modules embarqués sur bâtiments navals. Cette flexibilité logistique permettrait une projection rapide de puissance, notamment dans des contextes comme les missions OTAN en Mer Baltique ou au Sahel.

L’Allemagne conçoit un drone spatial armé de missiles IRIS-T

Un démonstrateur pour le futur spatial allemand et européen

En parallèle, le drone hypersonique de POLARIS conçu dans le cadre du contrat avec le BAAINBw est biplan et entièrement réutilisable. Il s’agit d’un projet d’envergure, avec décollage et atterrissage horizontal, ce qui élimine le recours aux infrastructures spatiales verticales comme les rampes de lancement. Le véhicule pourrait atteindre des vitesses supérieures à Mach 5, et servir à la fois de banc d’essai technologique, de plateforme militaire expérimentale, et de lanceur de petits satellites.

La capacité de lancer une charge utile en orbite basse offre à l’Allemagne une autonomie stratégique dans l’accès à l’espace. Ce point est d’autant plus important que les tensions géopolitiques actuelles incitent les puissances occidentales à réduire leur dépendance aux services de lancement américains ou à des plateformes commerciales.

Un tel véhicule servirait aussi de test pour la résistance thermique, la navigation à haute vitesse, et les technologies de guidage inertiel avancé. Ces technologies sont cruciales dans le développement de systèmes hypersoniques offensifs, comme les missiles planants à longue portée. À l’échelle industrielle, cela pourrait déboucher sur une base de production souveraine, à l’image de ce que développe la France avec MBDA pour ses programmes ASN4G et Aquila.

Le fait que le drone soit aussi utilisable pour des missions scientifiques renforce l’intérêt du programme : il peut, selon sa configuration, embarquer des capteurs, instruments optiques ou modules de recherche, et effectuer des vols suborbitaux sans charge militaire.

Perspectives opérationnelles pour l’Allemagne et ses alliés européens

Le système AirLAS et son vecteur spatial intégré répondent à trois grandes priorités militaires contemporaines : allonge stratégique, réduction du risque humain, et adaptabilité interdomaines. En tant que plateforme non pilotée, AirLAS pourrait fonctionner en zone contestée sans nécessiter de suppression préalable des défenses adverses. Il est aussi envisageable d’en déployer plusieurs exemplaires en essaim, ou d’utiliser le drone comme relai de communication tactique.

Pour les forces de l’OTAN, la mutualisation d’une telle technologie offre un avantage économique et stratégique. Les flottes de chasseurs européens — notamment les Eurofighter, Gripen, et Rafale — pourraient bénéficier de capacités déportées de tir, avec des drones pouvant pré-positionner des missiles IRIS-T dans des zones éloignées.

Le coût d’entrée d’un tel système reste à préciser, mais les industriels misent sur un coût opérationnel par mission inférieur à celui d’un chasseur, grâce à la réutilisabilité du drone et à l’automatisation. Si ces promesses sont tenues, AirLAS pourrait concurrencer des systèmes comme le Loyal Wingman australien ou le Kratos Valkyrie américain.

L’enjeu, enfin, est aussi politique : en développant une telle technologie en autonomie, l’Allemagne envoie un signal sur sa capacité à maîtriser le cycle complet de production et d’usage d’un vecteur spatial militaire, y compris dans le cadre européen. Cela contribue à redéfinir le rôle de l’industrie allemande dans la future dissuasion conventionnelle européenne, alors que les programmes comme le SCAF avancent à un rythme lent.

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