F-35 en Europe: les pays qui ont résisté à l’avion américain

F-35 Europe

Alors que le F-35 s’impose en Europe, certains pays ont refusé l’avion américain. Un choix stratégique aux lourdes conséquences industrielles et budgétaires.

En résumé

Le F-35 Lightning II est devenu l’avion de chasse dominant en Europe. Plus d’une quinzaine de pays européens l’ont commandé ou intégré en service, faisant de l’appareil américain un standard de fait pour l’OTAN. Pourtant, plusieurs États ont fait le choix de ne pas acheter le F-35, malgré les pressions politiques, industrielles et opérationnelles. Derrière ces décisions se cachent des enjeux majeurs : souveraineté militaire, dépendance technologique, orientation budgétaire et survie de l’industrie aéronautique européenne. L’achat d’un F-35 ne se limite pas à une acquisition initiale ; il engage un pays sur plusieurs décennies via la maintenance, les mises à jour logicielles et les chaînes logistiques américaines. Cet article dresse un état précis des pays européens qui ont résisté au F-35, analyse leurs motivations et mesure les conséquences financières et stratégiques d’une Europe dont une part croissante des budgets de défense aérienne est captée par les États-Unis.

Le F-35 comme pivot de la défense aérienne européenne

En moins de quinze ans, le F-35 est devenu l’avion de chasse le plus acheté en Europe. Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Belgique, Pologne, Norvège, Danemark, Finlande, Allemagne, Suisse, Tchéquie ou encore Grèce ont tous fait le choix de l’appareil américain. À terme, plus de 600 F-35 devraient être en service sur le continent.

Ce succès n’est pas uniquement technique. Il repose sur une stratégie globale : intégration OTAN, interopérabilité immédiate avec les forces américaines, accès à une chaîne logistique mondiale et promesse de supériorité informationnelle. Mais cette domination pose une question centrale : quels pays européens ont refusé ce modèle, et pourquoi ?

La France, pilier du refus stratégique

La France est le cas le plus emblématique. Elle n’a jamais envisagé l’achat du F-35, préférant investir dans le Rafale, avion de chasse développé et produit sur son territoire. Ce choix est avant tout politique et industriel.

Paris considère que la maîtrise complète de la chaîne de combat aérien, du capteur au missile, est un pilier de la souveraineté nationale. Le F-35, avec ses logiciels propriétaires, sa dépendance au système logistique ODIN et ses mises à jour contrôlées par les États-Unis, est jugé incompatible avec cette vision.

Sur le plan budgétaire, l’investissement est massif mais orienté vers l’industrie nationale. Un Rafale coûte environ 90 à 100 millions d’euros à l’achat, mais chaque euro dépensé irrigue l’écosystème français et européen. À l’inverse, un F-35 représente un flux financier sortant, tant à l’acquisition qu’en maintenance.

La Suède et la logique de l’autonomie industrielle

La Suède n’a pas acheté le F-35 et reste fidèle au JAS 39 Gripen. Ce choix repose sur une doctrine claire : conserver une capacité aérienne nationale indépendante, adaptée à la défense territoriale et financièrement soutenable.

Le Gripen est moins furtif que le F-35, mais il offre des coûts d’exploitation très inférieurs, estimés autour de 7 000 à 8 000 euros par heure de vol, contre plus de 30 000 euros pour le F-35 selon plusieurs évaluations. Pour Stockholm, la dépendance logistique et logicielle vis-à-vis des États-Unis représente un risque stratégique.

La Suède privilégie également la flexibilité : capacité à opérer depuis des bases dispersées, maintenance rapide, et contrôle national des mises à jour. Autant de critères difficiles à concilier avec le modèle F-35.

L’Espagne et l’arbitrage budgétaire contraint

L’Espagne n’a pas, à ce stade, commandé de F-35 pour son armée de l’air. Madrid exploite des Eurofighter Typhoon et prépare leur évolution, tout en repoussant les décisions concernant le remplacement des F-18 les plus anciens.

Si des discussions existent pour une version navale du F-35B destinée à la marine, le coût global du programme freine toute décision rapide. L’Espagne doit composer avec des budgets de défense limités et des priorités multiples.

Investir dans le F-35 impliquerait non seulement un achat initial élevé, mais aussi un engagement à long terme sur la maintenance américaine, estimée sur le cycle de vie à plus de 70 % du coût total de l’appareil. Un poids difficilement soutenable sans arbitrages sévères.

La Hongrie et la continuité des choix existants

La Hongrie n’a pas acheté le F-35 et exploite des Gripen loués puis acquis auprès de la Suède. Ce choix, bien qu’ancien, s’est consolidé avec le temps.

Budapest privilégie une solution déjà intégrée, maîtrisée et adaptée à ses besoins régionaux. Passer au F-35 aurait impliqué une refonte complète de la formation, des infrastructures et du soutien logistique, pour un gain opérationnel jugé marginal au regard des menaces perçues.

F-35 Europe

La Serbie et la rupture assumée avec le modèle occidental

La Serbie n’a évidemment pas acheté le F-35, mais son cas illustre une autre réalité européenne. Belgrade s’oriente vers des solutions non occidentales ou hybrides, incluant des appareils russes ou chinois.

Ce choix relève autant de considérations géopolitiques que budgétaires. Il montre surtout que le F-35 n’est pas un standard universel, mais un outil profondément lié à l’architecture stratégique américaine et atlantiste.

Les pays européens sans aviation de chasse moderne

Plusieurs États européens n’ont tout simplement pas d’aviation de chasse, ou plus de capacité de combat aérien autonome. C’est le cas de pays comme le Luxembourg, la Slovénie ou les États baltes, qui s’en remettent à la police du ciel de l’OTAN.

Dans ces pays, la question du F-35 ne se pose même pas. Leur dépendance est totale, mais assumée, faute de moyens financiers et industriels.

Les budgets captés par les États-Unis

Chaque F-35 acheté en Europe représente un transfert massif de budget vers les États-Unis. Le prix d’acquisition moyen se situe autour de 80 à 90 millions de dollars, mais ce chiffre est trompeur.

Sur un cycle de vie de 40 ans, le coût total par appareil peut dépasser 200 à 250 millions de dollars, en incluant maintenance, pièces détachées, mises à jour logicielles et soutien. Ces dépenses sont majoritairement captées par l’écosystème américain.

À l’échelle européenne, cela représente des dizaines de milliards d’euros qui ne seront pas investis dans des programmes européens, qu’il s’agisse du Rafale, de l’Eurofighter ou des futurs projets comme le SCAF.

Une dépendance structurelle et durable

Acheter le F-35, c’est accepter une dépendance à long terme. Les mises à jour logicielles, essentielles pour maintenir les capacités opérationnelles, sont centralisées. Les données de mission transitent par des systèmes américains. La maintenance lourde dépend de hubs agréés.

Cette dépendance pose une question stratégique : que se passe-t-il en cas de divergence politique majeure avec Washington ? Même théorique, ce scénario inquiète certains États, qui préfèrent conserver une marge d’autonomie.

Une Europe aérienne fragmentée

Les pays européens qui n’ont pas acheté le F-35 apparaissent aujourd’hui comme des exceptions plutôt que comme une alternative structurée. Leur point commun est une volonté, plus ou moins affirmée, de préserver une autonomie stratégique ou budgétaire.

Mais cette résistance reste minoritaire. La domination du F-35 crée une Europe à deux vitesses : d’un côté, des forces aériennes profondément intégrées au système américain ; de l’autre, quelques États tentant de maintenir une capacité indépendante.

Cette fracture aura des conséquences durables. Elle conditionnera la capacité de l’Europe à concevoir ses propres avions de combat, à financer des programmes communs et à décider seule de l’emploi de sa puissance aérienne.

Sources

  • Données publiques des ministères européens de la Défense
  • Rapports du Government Accountability Office sur le programme F-35
  • Analyses industrielles sur les coûts de cycle de vie du F-35
  • Publications spécialisées en aviation militaire européenne
  • Études de think tanks sur la souveraineté et la dépendance militaire européenne

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