
Le PDG de Dassault Aviation nie la perte de Rafale au combat, conteste les allégations pakistanaises et défend la polyvalence de l’avion de chasse.
Une polémique entre communication stratégique et guerre informationnelle
Le 15 juin 2025, à quelques jours du Salon du Bourget, Eric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, a tenu une conférence de presse afin de clarifier les accusations formulées par l’armée pakistanaise. Selon un communiqué publié deux semaines plus tôt par Rawalpindi, trois Dassault Rafale indiens auraient été abattus lors de l’opération Sindoor, une série d’engagements aériens signalés au-dessus du Cachemire le mois précédent. Cette affirmation, largement relayée par certains médias régionaux et par des canaux de propagande numérique, a rapidement été contestée par New Delhi, puis par Dassault lui-même.
Eric Trappier a qualifié ces allégations d’« inexactes et infondées », rappelant qu’aucun avion de chasse Rafale indien n’avait été perdu en combat durant cette opération. Il a toutefois admis la perte d’un appareil, sans contact ennemi, en lien avec une défaillance technique à haute altitude, désormais sous enquête. Ce positionnement vise à contenir la spéculation, tout en maintenant l’image opérationnelle du Rafale, engagé dans plusieurs zones de tension depuis son introduction en Inde en 2020.
Dans le même temps, Trappier a comparé les performances du Rafale à celles du F-22 Raptor et du F-35A Lightning II, soulignant des écarts réels, mais aussi des atouts fonctionnels spécifiques au chasseur français. La déclaration s’inscrit dans une stratégie commerciale et diplomatique ciblée, dans un contexte où Dassault défend activement ses positions à l’export.

Une affirmation contestée : aucun Rafale abattu au combat selon Dassault
Une mise au point en réaction aux accusations officielles du Pakistan
Le ministère pakistanais de la Défense a affirmé, début juin, que l’armée de l’air indienne avait perdu trois avions de combat Rafale durant des affrontements non confirmés au nord du Ladakh, dans le cadre de l’opération Sindoor. Cette opération, bien que non reconnue officiellement par l’Inde, aurait impliqué plusieurs appareils indiens et pakistanais au-dessus d’une zone contestée proche de Skardu. Les autorités pakistanaises ont mentionné des tirs réussis de missiles PL-15, et l’interception de plusieurs intrusions en profondeur.
En réponse, le ministère indien de la Défense a démenti toute perte en combat, reconnaissant uniquement la perte d’un appareil Rafale dans des conditions non hostiles. L’incident se serait produit à plus de 12 000 mètres d’altitude, durant une mission d’entraînement prolongée, sans implication ennemie ni contact radar hostile.
La prise de parole d’Eric Trappier, en amont du Salon du Bourget, visait à cadrer cette communication sous un angle technique, en réfutant formellement l’idée d’un échec opérationnel. Il a précisé que les systèmes de guerre électronique Spectra n’avaient enregistré aucun engagement hostile sur le créneau horaire concerné. De plus, les dispositifs d’identification ami/ennemi et les journaux de vol transmis à Dassault n’indiquaient aucune perte en combat réel.
Trappier a évoqué une stratégie de désinformation délibérée, visant à saper la crédibilité du Rafale alors que plusieurs compétitions sont en cours, notamment en Colombie, en Serbie et en Malaisie. Il a également rappelé que Dassault n’a jamais dissimulé les pertes opérationnelles de ses appareils, comme l’ont montré les retours documentés des forces françaises au Sahel.
Une comparaison technique assumée face au F-22 et au F-35
Différences de doctrine, de mission et de modularité
Profitant de cette prise de parole médiatique, Eric Trappier a volontairement élargi le débat en abordant la place du Rafale face aux deux appareils américains de cinquième génération. Il a reconnu, sans détour, que le F-22 Raptor bénéficie d’un avantage en furtivité passive et en capacité de combat à très haute altitude. Il s’agit d’un avion de chasse pur, conçu pour des engagements air-air à longue portée avec une architecture dédiée à la domination aérienne.
Cependant, il a insisté sur le fait que le Dassault Rafale, malgré son positionnement générationnel antérieur, conserve un avantage tactique dans les scénarios mixtes et multithéâtres. À la différence du Raptor, le Rafale peut passer, sans reconfiguration, d’un engagement air-air à une mission d’appui sol ou de reconnaissance stratégique. Il intègre en standard des capteurs optoélectroniques OSF, un radar AESA RBE2, une nacelle Reco NG, ainsi que le système Spectra, assurant la protection électronique active et passive de l’appareil.
Quant au F-35, Trappier a tenu à rappeler que malgré une furtivité accrue, cet avion reste dépendant de sa connectivité à un réseau C2 avancé, qui le rend vulnérable en environnement brouillé. Il a souligné que dans des engagements récents, notamment en Syrie, le Rafale avait opéré de manière autonome, sans relais de guerre électronique américain ni appui AWACS constant.
Enfin, il a précisé que le coût total d’un F-35A américain dépasse aujourd’hui €220 millions sur l’ensemble du cycle de vie, contre €150 millions pour un Rafale F4. Ces chiffres incluent le prix d’achat, la maintenance, les infrastructures et les munitions compatibles.

Un enjeu d’image pour Dassault dans un contexte commercial tendu
Le maintien de la crédibilité opérationnelle au cœur des exportations
Depuis 2020, l’avion de chasse Rafale s’est imposé comme une des plateformes les plus exportées de Dassault. Il a été commandé par l’Inde, l’Égypte, le Qatar, la Grèce, les Émirats arabes unis, la Croatie et l’Indonésie, totalisant plus de 290 unités vendues hors de France. Chaque perte éventuelle est donc immédiatement exploitée sur le plan politique, médiatique et commercial.
Les allégations du Pakistan tombent à un moment stratégique. Dassault défend actuellement sa proposition pour le programme MRFA indien (114 avions), ainsi que des offres actives en Arabie saoudite, en Colombie et au Bangladesh. Une perception de vulnérabilité ou d’inefficacité pourrait affaiblir ces candidatures, même en l’absence de données objectives.
L’intervention publique d’Eric Trappier s’inscrit dans une volonté de reprise du récit narratif, en positionnant Dassault comme acteur crédible, transparent, et capable de répondre sur le fond. La stratégie repose sur un discours technique, sur la démonstration des données empiriques et sur une logique de performance vérifiée en condition réelle.
Dassault sait que le vol en avion de chasse Rafale, tel qu’expérimenté par les forces indiennes ou émiriennes, reste son meilleur argument marketing. À condition de contrôler la perception publique, notamment face à des campagnes d’influence orchestrées par des États concurrents.
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