
L’Australie teste le drone MQ-28 Ghost Bat sous contrôle d’un E-7 Wedgetail, ouvrant la voie à une nouvelle doctrine de guerre aérienne collaborative.
L’Australie a franchi un cap technologique en testant le drone de combat MQ-28 Ghost Bat, contrôlé depuis un avion de surveillance E-7A Wedgetail. Ce test, mené par la RAAF (Royal Australian Air Force), démontre le concept d’intégration homme-machine dans une architecture modulaire, au sein d’une future flotte mixte d’aéronefs habités et non habités. Le MQ-28 est un drone conçu par Boeing Australia, capable d’assurer des missions de protection, de reconnaissance et d’interception en soutien aux avions pilotés. Le test a validé la possibilité pour un seul opérateur à bord d’un E-7 de diriger plusieurs drones MQ-28, y compris dans des scénarios de combat simulé. Cette avancée s’inscrit dans le programme CD25 (Capability Demonstration 2025), qui vise à redéfinir la doctrine d’emploi des drones dans la RAAF. Le projet bénéficie d’un investissement public australien de 260 millions de dollars américains, accompagné de la construction d’un centre de production de 9 000 m². Cette expérimentation marque une étape dans la mise en place d’un modèle de drone de combat collaboratif (CCA) adapté aux besoins stratégiques de l’Australie et de ses alliés.

Un drone de combat collaboratif pour missions offensives et défensives
Le MQ-28 Ghost Bat est un drone de combat modulaire développé par Boeing Defence Australia, dans le cadre du programme Airpower Teaming System (ATS) lancé en 2019. Ce drone mesure 11,7 mètres de long pour une envergure de 7,3 mètres, et possède une autonomie opérationnelle de plus de 3 700 kilomètres, selon les données communiquées. Il est destiné à opérer en formation avec des avions de combat habités comme le F-35A ou le F/A-18F Super Hornet, mais aussi avec des avions de commandement comme le E-7A Wedgetail.
La caractéristique principale du MQ-28 réside dans sa capacité à exécuter des missions de surveillance, de brouillage, de reconnaissance ou d’interception, en coopération directe avec des plateformes habitées. Cette approche répond aux exigences d’un combat aérien distribué, où chaque plateforme joue un rôle décentralisé, souvent partiellement automatisé.
Le système de contrôle testé lors de cette mission permet à un seul opérateur, embarqué dans un E-7A, de prendre la main sur plusieurs drones simultanément, via un logiciel de mission développé conjointement par Boeing, le Defence Science and Technology Group australien, et l’US Air Force Research Laboratory. Ce logiciel s’intègre nativement dans l’architecture ouverte du Wedgetail.
Les MQ-28 sont équipés de nacelles modulaires, notamment un nez avant interchangeable pouvant accueillir un capteur infrarouge de type IRST, utilisé pour détecter et suivre des cibles furtives ou à signature réduite. La structure du drone est pensée pour être adaptée à différents profils de mission, selon les menaces et l’environnement.
À ce jour, huit exemplaires du MQ-28 en version Block 1 ont été livrés à la RAAF, et trois autres sont en cours de production dans une configuration Block 2, censée améliorer les capacités d’intégration et de traitement autonome. Le programme prévoit aussi des tests de tirs réels air-air, avec une possible extension vers des munitions air-sol.
Un test opérationnel en environnement réel pour valider le concept CCA
Le test dirigé depuis un E-7A Wedgetail a permis d’engager une cible aérienne simulée, tout en intégrant un troisième drone virtuel dans un environnement numérique. L’ensemble de l’essai a été mené dans le cadre du programme Capability Demonstration 2025 (CD25), qui regroupe plusieurs expérimentations coordonnées tout au long de l’année par la RAAF.
L’intérêt du MQ-28 dans ce contexte réside dans sa capacité à protéger des plateformes vulnérables mais critiques, comme les avions de surveillance, les ravitailleurs ou les postes de commandement aéroportés. Ces appareils, bien que dotés de moyens de détection avancés, ne disposent généralement pas de capacités d’autodéfense suffisantes en environnement contesté.
Avec une escadre de drones Ghost Bat, un E-7A peut ainsi repousser une menace ou détecter un intrus, tout en restant à distance. Ce rôle d’aile protectrice loyale (loyal wingman) diminue la dépendance à des chasseurs pilotés pour assurer l’escorte, libérant ces derniers pour des missions offensives. Le concept permet également d’exploiter les MQ-28 comme nœuds de capteurs, augmentant la portée et la densité du réseau de surveillance.
Les essais futurs dans le cadre du CD25 prévoient l’intégration des MQ-28 avec des F/A-18F et des F-35A, en vue de démontrer une coordination air-air complète. Le but est de vérifier la capacité à transmettre des ordres, partager des pistes radar et attribuer des cibles à partir d’une seule plateforme de commandement, qu’elle soit habitée ou non.
Cette expérimentation sert également à définir des procédures d’engagement, de transfert de commande, de reprise manuelle, et de gestion des pertes de liaison. L’enjeu est de garantir que le système reste contrôlable à tout moment, tout en maximisant l’autonomie tactique des drones.

Un programme industriel structurant pour la souveraineté technologique australienne
Le programme MQ-28 ne se limite pas à un démonstrateur technologique. Il s’inscrit dans une stratégie industrielle et capacitaire portée par le gouvernement australien, qui a investi en 2024 une enveloppe supplémentaire de 260 millions de dollars américains (environ 240 millions d’euros) pour accélérer le développement du système.
Parallèlement, Boeing Australia a annoncé la construction d’un site industriel de 9 000 m², destiné à assembler les futurs drones Ghost Bat. Ce site servira également à la maintenance, à la mise à jour logicielle et à l’intégration de charges utiles spécifiques à la doctrine australienne. Ce projet renforce la base technologique du pays, réduit sa dépendance aux chaînes logistiques étrangères, et prépare une intégration progressive dans les forces armées d’ici à 2027.
La modularité du drone, avec son architecture logicielle ouverte, permet aussi d’envisager la naissance d’une famille de drones dérivés, aux capacités distinctes : ravitaillement, guerre électronique, capteurs ELINT, ou relai de communication. Ce principe s’apparente à celui du programme Gambit développé aux États-Unis, ou du concept de “family of systems” promu par l’US Air Force.
Toutefois, la RAAF précise que les drones de Block 1 ne sont pas destinés à une mise en service directe. Il s’agit de prototypes de validation. La version Block 2 pourrait, si le gouvernement valide cette orientation, faire l’objet d’une première commande opérationnelle dans les prochaines années. Les débats internes portent sur le rapport entre portée, charge utile, autonomie décisionnelle, et coût à l’unité.
Enfin, les implications de cette technologie dépassent l’échelle nationale. Le programme MQ-28 est intégré dans une coopération bilatérale avec les États-Unis depuis 2023. L’US Navy s’intéresse également à ce type de drone pour équiper ses futures escadres, notamment dans le contexte indo-pacifique. L’Australie se positionne ainsi comme un partenaire stratégique dans la définition des futurs systèmes de combat collaboratif.
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