Le blocage chez Boeing : grève de 3 200 ouvriers menace la production de chasse

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3 200 salariés Boeing en grève depuis le 4 août 2025 bloquent l’assemblage des chasseurs F‑15, F/A‑18 et retardent le programme F‑47.

Le 4 août 2025, environ 3 200 employés de Boeing spécialisés dans l’assemblage d’avions de combat ont lancé une grève sur trois sites aux États‑Unis (Missouri et Illinois). Ces salariés, membres du District 837 de l’International Association of Machinists and Aerospace Workers, ont rejeté l’offre de contrat proposée par Boeing comportant une augmentation salariale moyenne de 20 % sur quatre ans, un bonus de ratification de 5 000 USD, des révisions sur les congés et la retraite. Face à ce refus, Boeing a activé son plan de continuité, mobilisant du personnel non syndiqué pour maintenir les chaînes d’assemblage critiques. Cette action vise à défendre la sécurité financière des familles des ouvriers et leur expertise technique, dans un secteur stratégique de défense nationale. L’enjeu immédiat porte sur la production en cours des chasseurs F‑15 et F/A‑18, ainsi que la montée en cadence du programme du futur avion de 6e génération, le F‑47, dont la fabrication doit s’intensifier sur le site de St. Louis.

Le contexte industriel et syndical

L’entreprise Boeing traverse une période critique marquée par une mobilisation accrue des syndicats. Cet arrêt du District 837 intervient moins d’un an après la grève de 33 000 machinistes en 2024, qui avait duré sept semaines et entraîné une hausse salariale de 38 %, mais aussi une perte de chiffre d’affaires estimée entre 5 et 10 milliards de dollars pour l’avionneur. Cette nouvelle grève est la première du genre dans le Missouri depuis 1996 et la plus longue depuis lors, ayant duré 99 jours chez McDonnell Douglas juste avant sa fusion avec Boeing.

Le salaire annuel moyen de ces ouvriers est estimé à 75 000 USD, auquel Boeing proposait d’atteindre environ 102 000 USD en fin de contrat, soit globalement +40 % en incluant les bonus et évolutions de pension. Pourtant, les syndicats jugent cette offre insuffisante, notamment parce que les travailleurs les plus expérimentés ou placés en haut d’échelon restaient pénalisés sur les augmentations horaires et la flexibilité des horaires de travail.

Les répercussions sur la production des jets militaires

Les opérateurs concernés par la grève sont directement impliqués dans l’assemblage des chasseurs F‑15 Eagle et F/A‑18 Super Hornet, mais aussi dans la fabrication du T‑7A Red Hawk (trainer) et du drone ravitailleur MQ‑25 Stingray. Le site de St. Louis abritera à terme la chaîne principale du F‑47A, appareil de sixième génération sélectionné par le gouvernement américain début 2025, avec un objectif de 185 unités à produire.

Si le conflit s’interrompt rapidement, Boeing estime pouvoir compenser les retards ; en revanche, toute durée prolongée risquerait d’obliger à replanifier les tests, retarder les livraisons aux fournisseurs et repousser les phases d’entretien, voire négocier un ajustement du calendrier avec le Pentagone. Le groupe assure que l’impact est beaucoup moins significatif que la grève commerciale d’octobre 2024, tout en reconnaissant un risque pour les chiffres trimestriels à venir.

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Les enjeux financiers et de réputation

Le segment Défense, Space & Security génère environ 36 % du chiffre d’affaires total de Boeing, soit près de 23,9 milliards USD dans l’exercice précédent, et 42 milliards USD au premier semestre 2025. Malgré une amélioration par rapport à l’année précédente, Boeing reste fragilisé par les coûts liés aux précédents incidents : deux crashs du 737 Max en 2018‑2019, défaillances en vol en 2024, et un accord de 1,1 milliard USD de peine négociée en 2025 avec les autorités américaines.

L’action du groupe a décliné d’environ 1 % à l’ouverture lundi, malgré une performance boursière positive de +25 % sur l’année 2025, signe que les investisseurs jugent l’impact limité pour l’instant. Toutefois, cette situation alimente les critiques sur la culture interne de l’entreprise et la marge de manœuvre managériale du nouveau directeur général, Kelly Ortberg, en poste depuis juillet 2024.

Analyse technique et prospective

D’un point de vue industriel, la grève affecte la chaîne logistique de pointe. Sur un effectif de 3 200 grévistes, Boeing estime pouvoir isoler les opérations critiques grâce à des effectifs redondants, ce qui suggère que la majorité des travaux de décoquillage, montage des sections principales, intégration des systèmes avioniques pourraient se poursuivre partiellement. En revanche, les opérations de finition, tests finaux ou intégration des moteurs restent à risque.

L’enjeu technique est double : maintenir la capacité de montée en cadence du F‑47 et préserver la fiabilité des livraisons F‑15 et F/A‑18. Or le Pentagone exige un taux de disponibilité élevé des appareils pour ses opérations de soutien global, ce qui rend tout retard potentiellement critique dans un contexte géopolitique tendu.

Si le conflit perdure au-delà de deux à trois semaines, l’entreprise pourrait devoir solliciter un report des jalons contractuels ou moduler les programmes connexes tels que le T‑7A ou le drone MQ‑25. De plus, un conflit ouvert pourrait renforcer l’influence syndicale dans la défense industrielle nationale, incitant d’autres centrales à mener des actions similaires sur d’autres segments sensibles.

Cette grève de 3 200 ouvriers spécialisés marque un moment de tension aigu : les revendications salariales s’inscrivent dans un contexte de reprise après une grève majeure en 2024, alors que Boeing tente de rétablir sa réputation et ses performances financières. La pression exercée sur les programmes F‑15, F/A‑18, T‑7A et F‑47 est réelle. Boeing affirme disposer d’un plan de continuité opérationnelle, mais l’ampleur du conflit et sa durée détermineront l’impact réel sur les délais, les coûts et la relation avec le client américain. Une résolution rapide permettrait de limiter les dommages ; à l’inverse, un blocage prolongé pourrait contrarier les ambitions du constructeur dans le domaine de la défense et altérer la dimension stratégique du programme F‑47.

Dans ce contexte technique et social complexe, l’avenir de la production des jets de chasse Boeing dépendra autant de l’issue des négociations que de la capacité de l’entreprise à concilier besoins industriels et exigences salariales.

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