La France livre l’essentiel de sa production militaire à l’Ukraine

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La France livre l’essentiel de sa production militaire à l’Ukraine : drones UX11, artillerie Caesar, munitions. Analyse d’une stratégie industrielle et tactique.

La France fait partie des principaux partenaires militaires européens de l’Ukraine. En 2024, Paris a choisi d’allouer l’essentiel de certaines productions d’armement à Kyiv, tout en accélérant la montée en cadence industrielle. Cette aide comprend notamment 2 000 drones UX11, des munitions de 155 mm, et la poursuite de la livraison de canons automoteurs Caesar. Le soutien repose sur deux logiques : tester en conditions réelles des systèmes récents, et soutenir les lignes de production françaises à moyen terme. Le drone UX11, léger et consommable, est conçu pour des frappes rapides contre des cibles non blindées. Le canon Caesar, monté sur camion, s’impose comme l’un des systèmes d’artillerie les plus efficaces du conflit. À travers ces livraisons, la France vise à conjuguer efficacité tactique sur le terrain, soutien politique à Kyiv et rentabilité industrielle.

Une livraison massive de drones UX11 en soutien à l’infanterie ukrainienne

En janvier 2024, la France a livré à l’Ukraine 2 000 drones UX11, également désignés sous le nom de Colibri. Ce modèle, développé par KNDS en coopération avec Delair, est une munition rôdeuse d’entrée de gamme, pensée pour les combats de proximité. L’UX11 pèse 1,5 kg, possède une envergure de 1,1 mètre, et atteint une vitesse maximale de 60 km/h. Il est propulsé par un moteur électrique alimenté par batterie et offre une autonomie d’environ 45 minutes, avec une portée effective de 5 km depuis le poste de contrôle.

L’opérateur utilise un retour vidéo en direct pour identifier une cible. Une fois verrouillée, le drone pique vers sa cible et explose à l’impact, emportant une charge équivalente à plusieurs grenades à main, suffisante pour neutraliser des groupes de combattants ou des véhicules non blindés. L’UX11 est conçu comme un consommable : le coût des premiers modèles est estimé à environ 21 000 euros l’unité. Cependant, KNDS prévoit de ramener le coût unitaire à moins de 950 euros en phase de production de masse.

Cette stratégie repose sur deux intérêts convergents. D’un côté, l’Ukraine recherche des munitions intelligentes bon marché, capables de frapper sans engager de pilote. De l’autre, l’industrie française souhaite valider en conditions réelles la pertinence de ses innovations. Le UX11 offre un complément léger aux drones plus lourds de type Bayraktar ou aux drones FPV ukrainiens artisanaux. Sa faible masse le rend difficile à intercepter par les moyens de guerre électronique russes.

L’initiative française participe également à une logique d’investissement accéléré dans les capacités industrielles. En 2024, le ministère des Armées a triplé les investissements dans les chaînes de production de munitions et de drones. Cela permet à Paris de répondre à court terme aux besoins ukrainiens, tout en reconstituant ses propres stocks, mis sous tension par les livraisons de 2022 et 2023.

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L’artillerie Caesar : pilier de la contre-batterie ukrainienne

Parmi les matériels français livrés à Kyiv, le système d’artillerie Caesar s’est imposé comme un multiplicateur d’efficacité tactique. Ce canon de 155 mm monté sur camion, fabriqué par Nexter, est capable de tirer jusqu’à 6 obus par minute, avec une portée maximale de 40 à 50 km, selon les munitions utilisées. L’ensemble est monté sur un châssis routier, ce qui réduit son poids total à environ 17 tonnes, contre 30 à 45 tonnes pour un canon automoteur sur chenilles.

Dès les premières livraisons en 2022, les forces ukrainiennes ont souligné la mobilité et la précision du Caesar. Le système peut quitter sa position de tir moins de 90 secondes après avoir envoyé une salve, ce qui le rend particulièrement résistant aux ripostes russes. Il a été intégré dans des doctrines de tir dispersé, consistant à déployer des pièces isolées mais coordonnées, pour éviter la concentration et accroître la flexibilité.

La France a adapté son industrie à cette demande. La production, initialement limitée à six exemplaires par mois, doit passer à huit d’ici fin 2024. De nombreuses améliorations ont été apportées, à partir des retours d’expérience des utilisateurs ukrainiens. Parmi celles-ci :
nouveau système de chargement semi-automatique, réduisant la fatigue des servants,
compatibilité avec plusieurs types d’obus (fumigènes, éclairants, à portée étendue),
système de contrôle de tir amélioré, incluant des modules GPS et INS,
intégration possible sur différents porteurs, y compris les camions Renault Sherpa et Arquus.

L’artillerie Caesar a permis à l’Ukraine de mener une guerre de contre-batterie efficace, en association avec des radars de trajectographie fournis par l’OTAN. Ces capteurs détectent en temps réel la trajectoire des obus russes et permettent de calculer l’origine du tir. Les pièces Caesar peuvent alors riposter rapidement, souvent avant que les canons ennemis aient quitté leur position.

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Un modèle industriel compétitif face aux solutions américaines et russes

Les performances du système Caesar ont été renforcées par les faibles coûts d’exploitation et de maintenance. Contrairement aux systèmes chenillés comme les PzH 2000 allemands ou les M109 américains, le Caesar est plus facile à entretenir. Il utilise un moteur routier, consomme moins de 60 litres de carburant aux 100 km, et nécessite moins de personnel pour la logistique. Son autonomie tactique et sa facilité de mise en batterie le rendent adapté aux guerres de mouvement.

En comparaison, les obusiers lourds sur chenilles tirant des obus guidés coûtent nettement plus cher à produire et à entretenir. Les obus Excalibur américains, à guidage GPS, dépassent 80 000 euros l’unité. Le Caesar, avec ses obus classiques ou à charge propulsive modulable, peut tirer à 40 km pour moins de 2 000 euros par coup.

Cette capacité à conjuguer coût faible, cadence élevée et grande mobilité en fait une solution appréciée sur le marché. Le retour opérationnel en Ukraine a permis de consolider des contrats export, notamment avec la Lituanie, la République tchèque ou la Belgique. En outre, la complémentarité entre Caesar et d’autres systèmes à longue portée comme HIMARS ou M270 MLRS (jusqu’à 80 à 500 km de portée) permet une segmentation fine des cibles.

L’exemple ukrainien a également souligné la valeur des moyens simples, robustes et adaptables, face à des systèmes russes souvent trop lourds ou lents à réagir. L’armée russe, en dépit d’un nombre supérieur de canons en dotation, peine à opérer en environnement dynamique, faute de coordination tactique et de systèmes d’information modernes. Les Caesar opérant en duo avec des drones d’observation et des radars occidentaux offrent un schéma intégré que les forces russes ne parviennent pas à reproduire.

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