BAE Systems, Boeing et Saab s’allient pour proposer le T-7A Red Hawk comme fast-jet trainer de la Royal Air Force, avec assemblage final et emplois au Royaume-Uni.
En Résumé
BAE Systems a signé une lettre d’intention avec Boeing et Saab pour proposer le T-7A Red Hawk comme futur fast-jet trainer de la Royal Air Force. Le trio entend faire du T-7 la colonne vertébrale d’un système complet de formation des pilotes de chasse, combinant vols réels, simulateurs avancés et environnement « live-virtual-constructif ». BAE Systems piloterait l’offre et assurerait un assemblage final au Royaume-Uni, avec un renforcement de la chaîne d’approvisionnement britannique et la création d’emplois qualifiés.
L’avion, développé par Boeing et Saab pour remplacer le T-38 Talon dans l’US Air Force, est un avion d’entraînement avancé numérique, pensé dès l’origine pour préparer les pilotes aux avions de 4ᵉ, 5ᵉ et 6ᵉ génération. L’US Air Force a déjà commandé 351 exemplaires pour environ 9,2 milliards de dollars (environ 8,5 milliards d’euros), ce qui légitime la plateforme, mais le programme a aussi connu des retards et des ajustements techniques.
Pour la RAF, ce partenariat est autant un choix opérationnel qu’un pari industriel et politique : remplacer une flotte de Hawk vieillissante, préserver une base industrielle nationale et rester crédible dans le domaine de la formation avancée, tout en évitant de dépendre entièrement d’un avion étranger produit hors d’Europe.
Le partenariat industriel autour du T-7A pour la Royal Air Force
L’information de base est claire : BAE Systems, Boeing et Saab ont signé une lettre d’intention pour répondre ensemble au besoin britannique de fast-jet trainer. Le T-7A Red Hawk serait proposé comme remplaçant du Hawk T1/T2, avec une offre structurée autour d’un système de formation complet.
Le 2025 Strategic Defence Review a acté le futur retrait des Hawk T1 de la patrouille des Red Arrows d’ici 2030 et la nécessité de remplacer les Hawk T2 utilisés pour la formation avancée. Le ministère britannique de la Défense a indiqué sa préférence pour une solution associée à un fort contenu industriel national, sans pour autant imposer un avion intégralement « conçu en Grande-Bretagne ».
Dans ce contexte, la configuration proposée est politiquement habile :
- Boeing et Saab apportent une plateforme déjà sélectionnée et financée par l’US Air Force.
- BAE Systems prend la tête de l’offre, assure l’assemblage final sur un site britannique et se positionne comme référent pour la RAF et les clients export.
- Les trois partenaires s’engagent à développer un système de formation intégrant simulateurs, logiciels, support et formation au sol, et à développer la supply chain au Royaume-Uni.
Concrètement, cela signifie que l’avion resterait un T-7A dans son architecture fondamentale, mais avec une « couche britannique » : mission systems adaptés aux besoins RAF, intégration des standards OTAN propres au Royaume-Uni, et une part significative des composants et du MCO portée par des fournisseurs locaux.
Le T-7A Red Hawk, profil technique d’un fast-jet trainer
Le T-7A Red Hawk est un avion d’entraînement avancé biplace conçu pour remplacer le T-38 Talon dans l’US Air Force. Il est issu d’un développement conjoint Boeing–Saab, initialement sous l’appellation Boeing T-X.
D’un point de vue chiffré, le T-7A affiche :
- une longueur de 14,3 m (46 ft 11 in),
- une envergure de 9,32 m (30 ft 7 in),
- une hauteur de 4,11 m (13 ft 6 in),
- une masse maximale au décollage d’environ 5 500 kg (12 125 lb),
- un moteur General Electric F404 délivrant jusqu’à 77 kN de poussée (17 200 lbf) avec post-combustion.
Ses performances annoncées incluent :
- une vitesse maximale d’environ 1 190 km/h (Mach 0,975, 742 mph),
- un plafond pratique de 15 000 m (50 000 ft),
- une distance franchissable d’environ 1 830 km (1 140 mi),
- une limite de charge de +8 g.
La cellule est optimisée pour simuler les profils de vol et les contraintes des avions de combat modernes : montée rapide, fortes accélérations, manœuvres à haute incidence et profils basse altitude. La configuration biplace, avec siège « stadium » (instructeur légèrement surélevé), offre une très bonne visibilité, utile à la fois pour l’instruction et la sécurité.
L’un des points clefs est la philosophie de conception numérique : Boeing et Saab mettent en avant un processus digital complet, qui a permis de passer du design à un premier vol en 36 mois, avec un assemblage simplifié (splice de sections en une trentaine de minutes). Sur le papier, cela se traduit par un coût de production et de maintenance plus bas, et une facilité d’évolution de la plateforme en fonction des besoins pédagogiques.
La pertinence du T-7A pour la formation des pilotes de chasse RAF
L’enjeu principal pour la Royal Air Force est de former des pilotes capables de passer sans rupture aux Typhoon, F-35B et, demain, aux appareils du Global Combat Air Programme (Tempest). Les Hawk T1/T2, conçus dans les années 1970, ont été adaptés au fil du temps, mais atteignent leurs limites en termes d’avionique, de simulation et de représentativité des cockpits modernes.
Le T-7A se positionne précisément sur ce créneau :
- cockpit numérique à écrans tactiles, très proche d’un chasseur 4,5ᵉ ou 5ᵉ génération ;
- architecture avionique ouverte (Open Mission Systems) permettant d’intégrer des logiciels spécifiques de mission, des menaces simulées ou des profils d’armes ;
- capacité à combiner formation « live » en vol et scénarios virtuels complexes via l’embedded training.
L’approche RAF/BAE/Boeing/Saab va plus loin que l’achat d’un simple avion d’entraînement. Le projet décrit :
- un système de formation intégrant simulateurs de haute fidélité,
- un environnement « live-virtual-constructive » où l’élève peut voler contre des menaces simulées en temps réel,
- une intégration avec les futurs systèmes de combat (Tempest/GCAP, systèmes de drones collaboratifs).
D’un point de vue purement technique, le T-7 n’est pas « révolutionnaire » au niveau des performances brutes (Mach subsonique, plafond classique pour un trainer). Là où il marque une rupture, c’est dans la combinaison avion + système de formation + ouverture numérique. C’est aussi ce qui fait son intérêt pour un pays qui se prépare à exploiter des chasseurs très sophistiqués sur plusieurs décennies.
Les clients actuels et les perspectives à l’export
À ce stade, l’unique client engagé fermement sur le T-7A est l’US Air Force, avec une commande de 351 avions et des options pouvant monter jusqu’à environ 475 exemplaires. Le contrat initial de 2018 est estimé à près de 9,2 milliards de dollars (environ 8,5 milliards d’euros).
Plusieurs pays sont identifiés comme cibles potentielles : Canada, Japon, Royaume-Uni, Australie, voire certains États européens ou du Golfe, à la recherche d’un fast-jet trainer pour préparer leurs pilotes de chasse à des flottes de F-35, Gripen E ou autres.
Pour l’instant, aucun autre contrat export n’est signé, ce qui pose deux questions :
- Le T-7A est-il suffisamment mature ? Le programme a connu des critiques du Government Accountability Office américain sur des points de sécurité (sièges éjectables, software) et des décalages de calendrier ; l’entrée en service opérationnelle USAF est désormais plutôt attendue vers 2027.
- Le marché des avions d’entraînement est très concurrentiel, avec le M-346 italien, le T-50 Golden Eagle sud-coréen, le Hurjet turc et des projets modulaires comme celui d’Aeralis au Royaume-Uni.
Dans ce contexte, l’accord avec BAE Systems et Saab pour la RAF a une dimension vitale pour Boeing : un succès au Royaume-Uni donnerait une crédibilité immédiate au T-7A sur le marché européen et ouvrirait la voie à d’autres contrats, par exemple au sein de pays opérant déjà le Hawk ou cherchant un lien avec le GCAP.
La répartition des rôles entre BAE Systems, Boeing et Saab
La lettre d’intention précise les rôles principaux :
- Boeing reste maître d’œuvre de la plateforme T-7A, de son design et du support global.
- Saab continue de produire des sections de fuselage et des sous-systèmes clés, comme c’est déjà le cas pour les appareils destinés à l’USAF.
- BAE Systems prend la tête de l’offre pour la RAF, pilote l’assemblage final au Royaume-Uni et développe l’intégration du système de formation et des équipements propres aux besoins britanniques.
Concrètement, on peut anticiper :
- une production de sections majeures aux États-Unis et en Suède,
- un transport de ces sections vers une chaîne d’assemblage BAE au Royaume-Uni (probablement autour de Warton ou d’un site lié au programme Hawk/GCAP),
- une intégration locale des systèmes de mission, de l’avionique spécifique RAF, et des simulateurs associés.
Ce schéma suit un modèle déjà bien rodé dans l’aéronautique de défense : partage de tâches en fonction des savoir-faire, mais aussi des contraintes politiques. Le Royaume-Uni obtient des emplois industriels et une maîtrise partielle de la configuration, tandis que les partenaires conservent des volumes de production rentables sur leurs sites.

Les enjeux industriels et politiques pour le Royaume-Uni
Le remplacement du Hawk touche un symbole fort de l’industrie britannique : la patrouille des Red Arrows et la longue tradition d’avion d’entraînement avancé conçu par BAE Systems. Le fait de basculer sur le T-7A, un appareil issu d’une coopération américano-suédoise, n’est pas neutre.
L’option choisie — T-7A avec assemblage final au Royaume-Uni — est un compromis :
- Londres accepte de ne plus disposer d’un trainer 100 % national ;
- en échange, BAE Systems conserve un rôle central et garantit des centaines, voire des milliers d’emplois qualifiés sur la durée du programme (production puis soutien en service).
Il serait naïf de voir dans ce partenariat un simple choix technique. Les décideurs britanniques cherchent à :
- maintenir un volume de travail suffisant pour les sites BAE en parallèle du Tempest/GCAP ;
- afficher une coopération industrielle forte avec les États-Unis et la Suède, deux partenaires clefs sur les programmes de combat aérien ;
- capitaliser sur un appareil déjà financé par l’USAF pour limiter les risques de dérive de coûts.
La contrepartie, c’est une dépendance plus forte vis-à-vis de la supply chain américaine (moteurs, avionique, logiciel), avec le risque de restrictions export ou de priorisation des livraisons vers les forces américaines en cas de tension. C’est le prix assumé d’un choix relativement pragmatique : plutôt que lancer un nouveau trainer national coûteux et risqué, la RAF s’appuie sur un appareil déjà validé, tout en récupérant une part substantielle du bénéfice industriel.
Un test important pour la stratégie de formation de la RAF
Ce partenariat autour du T-7A est un test grandeur nature de la stratégie britannique en matière de formation des pilotes de chasse. S’il aboutit, la RAF disposera d’un système aligné sur celui de l’USAF, ce qui facilitera les échanges de doctrines, d’instructeurs et d’élèves, et améliorera l’interopérabilité.
Mais il met aussi la pression sur les industriels :
- Boeing doit prouver qu’il sait livrer un programme d’entraînement sans accumuler les retards observés ces dernières années.
- Saab doit montrer que son rôle ne se limite pas à un sous-traitant, mais à un partenaire capable d’innover sur les systèmes d’entraînement.
- BAE Systems doit démontrer qu’il peut transformer un avion étranger en solution « RAF-compatible » tout en gardant des coûts maîtrisés et en tenant les délais.
Pour la RAF, l’enjeu est simple : obtenir un fast-jet trainer qui prépare réellement aux menaces et aux plateformes des années 2030-2040, pas un compromis mou dicté par les intérêts industriels. Si le T-7A tient ses promesses dans sa version britannique, le pays consolidera sa position comme pôle majeur de formation avancée en Europe. Dans le cas contraire, il donnera des arguments à ceux qui estiment que la dépendance à des solutions importées finit toujours par se payer cher.
Sources
Reuters – BAE Systems ties up with Boeing, Saab for UK jet trainer bid
Saab – « Saab, Boeing and BAE Systems to collaborate on Next-Gen pilot training »
The War Zone – « T-7 Red Hawk Jet Trainer Offer To United Kingdom Includes Local Assembly »
Janes – « BAE Systems, Boeing, and Saab pitch T-7A jet trainer to UK »
Boeing – fiche technique T-7A Red Hawk
Wikipedia – « Boeing–Saab T-7 Red Hawk »
UK Defence Journal – « BAE, Boeing and Saab offer T-7 for UK Hawk replacement »
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