Contrat de 11 M$ : le KF-21 adopte l’APX-127(V)1 pour un IFF plus sûr, compatible Mode 5/Mode S, et mieux aligné avec les alliés.
En résumé
Le 15 décembre 2025, Korea Aerospace Industries a confié à BAE Systems un contrat de 11 millions de dollars pour intégrer un nouveau système d’identification ami-ennemi sur le KF-21 Boramae. Le choix de l’AN/APX-127(V)1 remplace l’équipement installé sur les avions d’essais, sans changement d’encombrement, afin d’accélérer la certification. Les livraisons attendues en 2026 visent la première tranche de 40 appareils de série destinés à la Republic of Korea Air Force, dont l’entrée en service est annoncée à partir de 2026. Techniquement, l’intérêt n’est pas cosmétique : un IFF moderne réduit le risque de méprise en environnement saturé, facilite les opérations combinées et prépare des mises à jour logicielles plutôt que des modifications matérielles coûteuses. En clair, ce contrat discret touche un nerf de la guerre aérienne : savoir qui est qui, vite, de manière chiffrée et résistante au brouillage. Il ajoute Mode 5, Mode S et une écoute ADS-B In.
Le contrat qui paraît petit, mais qui pèse sur la crédibilité opérationnelle
Le montant annoncé, 11 millions de dollars (environ 10 millions d’euros selon le taux), peut sembler modeste à l’échelle d’un programme de chasseur moderne. C’est pourtant typique des briques avioniques “indispensables” : elles coûtent peu face à l’avion complet, mais elles conditionnent l’usage réel, au quotidien, en paix comme en crise.
Le contrat porte sur l’intégration d’un système identification friend-or-foe (IFF) mis à jour. Concrètement, il s’agit d’un équipement d’identification radio qui permet à un avion de “questionner” et de “répondre” selon des modes normalisés et chiffrés, pour éviter de confondre un allié avec un adversaire. C’est un sujet technique, mais très concret : une identification incertaine, dans une zone dense, peut conduire à l’hésitation, au tir retardé, ou au pire à un tir fratricide.
Le calendrier est lui aussi révélateur. Les unités doivent être livrées en 2026 pour intégration et certification. Le message implicite est clair : la Corée du Sud veut verrouiller les standards d’identification au moment où le KF-21 bascule du prototype vers la série. C’est une étape de maturité. On ne “fignole” pas un IFF quand tout va bien. On le fait quand on prépare des missions réalistes avec des partenaires, des règles d’engagement strictes et des réseaux de commandement interconnectés.
La fonction IFF qui reste un angle mort dans beaucoup d’analyses sur les chasseurs
Les débats publics sur les avions de combat se focalisent souvent sur la furtivité, les missiles, ou le radar. C’est logique, mais incomplet. L’IFF est moins spectaculaire, donc moins commenté. Pourtant, dans une coalition, c’est l’un des systèmes qui matérialise la confiance.
Un IFF n’est pas un simple “badge”. Il s’insère dans une chaîne de décision : capteurs, fusion de données, liaisons tactiques, pistes radar, puis identification. Dans un espace aérien saturé, un avion peut recevoir des pistes provenant de plusieurs radars, de plusieurs plateformes, voire d’un centre de commandement. Si l’identification n’est pas robuste, le pilote se retrouve à trancher avec un doute résiduel. Et ce doute se paie en secondes, donc en distance, donc en survie.
C’est aussi une question de discipline de coalition. Les partenaires exigent des standards communs. Sans compatibilité forte, une force aérienne est vite cantonnée à des missions périphériques ou à des zones “déconflictées”. À l’inverse, avec un IFF moderne, elle peut s’insérer dans des dispositifs plus proches du cœur de la manœuvre. C’est exactement là que la notion interopérabilité prend un sens opérationnel.
Les raisons techniques du passage à l’APX-127(V)1
La formule la plus importante est celle de “drop-in replacement”. L’APX-127(V)1 reprend le même format que l’équipement précédent utilisé sur les avions d’essais. Ce point est central. Il réduit les risques d’intégration, limite les modifications de câblage, et accélère les essais. Dans un programme où la pression calendrier est forte, c’est un choix rationnel.
Sur le fond, l’équipement est certifié Mark XIIB, et il supporte Mode 5 et Mode S. Ces termes sont techniques, mais ils résument le saut de génération : modes sécurisés, échanges chiffrés, compatibilité avec des standards utilisés par des forces alliées, et capacité à évoluer.
L’article de référence précise aussi des points concrets : architecture ouverte, résistance aux besoins crypto, résistance au brouillage, et exigences de cybersécurité. Ce n’est pas un discours marketing gratuit. Un système d’identification est une cible logique pour un adversaire. Le scénario n’est pas seulement le brouillage. Il y a aussi la tentation d’imiter, de perturber, ou de créer du doute dans la chaîne d’identification. Dans ce contexte, l’intérêt d’une architecture ouverte est pragmatique : elle facilite des mises à jour logicielles, au lieu de requalifier du matériel lourd à chaque évolution.
Enfin, l’APX-127(V)1 ajoute des canaux de réception pour de l’acquisition “passive”, dont l’écoute ADS-B In. Dit simplement : l’avion ne se contente pas d’interroger. Il peut aussi capter des informations émises dans l’environnement, et enrichir l’identification dans une scène complexe. Ce n’est pas une baguette magique, mais c’est une brique utile quand l’espace aérien mélange aviation militaire, aviation civile, drones et trajectoires multiples.
La place de cette brique dans la trajectoire industrielle du KF-21
Le KF-21 est souvent présenté comme un chasseur “4,5 générations” avec des éléments de cinquième génération selon les blocs et les standards retenus. Ce débat de classification compte peu face au fait principal : la Corée du Sud est en train de transformer un effort de développement en capacité de production.
Les jalons publics indiquent un premier vol en 2022, une montée en puissance de la production, et un objectif de premières livraisons en 2026. La première tranche de 40 appareils de série, souvent associée au Block I, doit servir d’ossature initiale. Dans ce cadre, un IFF aligné sur les standards alliés n’est pas un “plus”. C’est un prérequis si la force aérienne veut opérer avec les États-Unis et d’autres partenaires sans friction inutile.
Il faut aussi regarder l’équation industrielle. BAE met en avant une base installée importante sur les forces américaines et alliées, avec des chiffres de livraisons cumulées qui se comptent en milliers d’unités. Pour KAI, c’est une façon de réduire le risque technologique sur une fonction critique, tout en concentrant l’effort national sur d’autres sous-systèmes. C’est un arbitrage classique : on accepte une dépendance sur un composant précis pour sécuriser la mise en service, puis on garde la capacité de faire évoluer le système via des mises à jour.
Soyons francs : ce type de choix dit aussi quelque chose sur la hiérarchie des priorités. La souveraineté totale est un slogan coûteux. La souveraineté utile, elle, se mesure à la capacité de mettre un avion en ligne, de le maintenir, et de l’insérer dans une coalition. Sur un IFF, la compatibilité et la certification priment souvent.

Les effets concrets attendus en opération et en entraînement
L’amélioration la plus immédiate est la réduction du risque d’erreur d’identification lors d’exercices combinés et d’opérations conjointes. C’est un bénéfice prosaïque, mais déterminant. Dans les grandes campagnes aériennes modernes, la difficulté n’est pas seulement de “voir” une cible. C’est de l’identifier correctement dans une scène dynamique.
Le second effet, moins visible, touche aux règles d’engagement. Plus l’identification est fiable, plus la chaîne de décision peut être rapide, et plus les autorités peuvent déléguer des actions sans multiplier les verrous. À l’inverse, un IFF jugé insuffisant force à ajouter des confirmations, donc du délai. Et en combat aérien, le délai se mesure en kilomètres parcourus en quelques secondes.
Le troisième effet concerne la modernisation continue. Un système pensé pour être mis à jour par logiciel limite le coût de cycle de vie. Ce point compte sur 20 à 30 ans d’exploitation. Il compte aussi quand les modes, les clés crypto, ou les menaces évoluent plus vite que les calendriers industriels.
Enfin, il y a un effet d’image, mais il est réel. Le KF-21 vise aussi un marché export à moyen terme. Or, dans les évaluations, la question “coalition-ready” pèse lourd. Un avion peut être performant sur le papier. S’il ne s’insère pas facilement dans des architectures alliées, il perd des points.
La question de fond que ce contrat révèle sur la guerre aérienne moderne
Ce contrat dit une chose simple : l’identification est redevenue une contrainte stratégique. Les conflits récents ont montré des environnements plus brouillés, plus saturés, et plus ambigus. Les drones multiplient les pistes. Les leurres et les moyens électroniques compliquent la lecture. Et les coalitions exigent des standards communs, sous peine de fragmentation.
Le choix d’un IFF certifié, évolutif et compatible avec les partenaires est donc une décision de “guerre réelle”, pas une décision de salon. C’est aussi une manière de protéger la crédibilité du programme KF-21 au moment critique où l’avion sort de l’expérimentation. Les prototypes peuvent tolérer des compromis. Une flotte opérationnelle, non.
La suite sera à surveiller sur un point précis : la manière dont ce système s’intègre à la fusion de données, aux liaisons tactiques, et aux procédures de commandement. Un bon IFF ne suffit pas si l’écosystème ne suit pas. Mais sans un bon IFF, le reste devient vite théorique.
Sources
FlightGlobal — “BAE Systems to supply updated IFF system for Seoul’s KF-21 Boramae fighter”
European Security & Defence — “BAE Systems to provide latest IFF for KAI’s KF-21 Boramae fighter”
EDR Magazine — “BAE Systems awarded Korea Aerospace Industries contract…”
Wikipedia — “KAI KF-21 Boramae” (jalons, volumes, calendrier public)
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