Le Royaume-Uni mise sur le drone « OCTOPUS » : une réponse low-cost aux menaces russes

drone Octopus

Le Royaume-Uni lance la production massive du drone ukrainien OCTOPUS, un intercepteur peu coûteux destiné à neutraliser les drones russes et renforcer la « drone wall » de l’Otan.

En résumé

Le drone ukrainien OCTOPUS, conçu pour intercepter des UAV hostiles comme les « Shahed », change d’échelle : le Royaume-Uni a signé un accord de licence pour produire en série ces intercepteurs dans ses usines. L’objectif annoncé est de fabriquer jusqu’à 2 000 unités par mois, destinées à être livrées à l’Ukraine pour renforcer sa défense aérienne. Le dispositif se veut économique — son coût représenterait moins de 10 % du prix d’un drone d’attaque russe — tout en restant efficace même de nuit, à basse altitude et sous brouillage électronique. L’intérêt britannique va au-delà de l’aide à Kyiv : Londres voit dans l’OCTOPUS un élément potentiel d’une « muraille de drones » le long de la frontière orientale de l’OTAN pour contrer les menaces aériennes du Kremlin. Ce choix illustre un tournant vers des solutions modulaires, interopérables, peu coûteuses — adaptées à une guerre de drones intensive et à des contraintes budgétaires, tout en ouvrant la voie à de nouvelles doctrines de défense aérienne.

Le drone OCTOPUS : concept et rôle défensif

Le drone OCTOPUS a été développé en Ukraine (par l’entreprise Ukrspecsystems, membre de l’association NAUDI) avec le soutien d’ingénieurs britanniques. Il s’agit d’un drone intercepteur — c’est-à-dire un UAV conçu non pour attaquer des cibles terrestres, mais pour traquer et détruire des drones ennemis, principalement les drones-suicide de type « Shahed » ou leurs dérivés.

Sa structure a été décrite comme « rocket-like », avec des ailes en X, des moteurs électriques à l’extrémité, et un système de guidage interne capable de fonctionner en environnement dégradé. Cet intercepteur est censé opérer à basse altitude, de jour comme de nuit, même sous brouillage électronique, ce qui correspond précisément aux conditions de vol typiques des drones d’attaque russes.

L’intérêt principal de l’OCTOPUS est sa coût-efficacité : son prix de revient serait inférieur à 10 % du coût du drone hostile qu’il détruit. Cette économie permet de proposer une défense par saturations : face à des vagues de drones adverses, la perte d’intercepteurs reste acceptable comparée à des missiles anti-aériens traditionnels beaucoup plus coûteux.

Le rôle du Royaume-Uni et les modalités de production

Le 27 novembre 2025, l’Ukraine et le Royaume-Uni ont signé un accord de licence pour la production à grande échelle du drone OCTOPUS sur le sol britannique. Selon les termes de l’accord, la production pourrait atteindre plusieurs milliers d’unités par mois. Certains médias évoquent un objectif de 2 000 drones mensuels.

La production serait assurée par la filiale britannique de Ukrspecsystems, à Mildenhall, dans l’est de l’Angleterre. Tous les drones fabriqués seraient ensuite livrés à l’Ukraine pour renforcer ses défenses aériennes.

Le Royaume-Uni met ainsi à disposition son industrie de défense, ses capacités logistiques et son expertise, dans le cadre d’un effort collaboratif destiné à répondre à la crise ukrainienne. Mais l’intérêt britannique ne se limite pas à l’aide immédiate à Kyiv. Le MoD britannique envisage l’intégration de l’OCTOPUS dans une future « drone wall » le long de la frontière orientale de l’OTAN, pour contrer un éventuel usage massif de drones hostiles dans un contexte de confrontation avec la Russie.

Pourquoi ce choix stratégique est séduisant

Adaptation au nouveau paradigme de la guerre aérienne

Depuis le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine, la guerre aérienne a évolué : les frappes massives de drones de type Shahed imposent des coûts élevés aux défenses classiques — missiles, systèmes sol-air — parfois décimés par des salves saturantes.

Le drone intercepteur change la donne. Il offre une alternative plus flexible, plus économique et plus scalable. Une armée peut déployer des dizaines ou des centaines d’OCTOPUS pour couvrir une zone ou protéger un site, sans compromettre un budget défensif exorbitant.

Flexibilité et rapidité de déploiement

Grâce à sa conception simple, légère et modulaire, l’OCTOPUS peut être déployé rapidement depuis des bases légères, des sites temporaires ou des points mobiles — ce qui correspond aux défis de la guerre moderne, où les lignes sont mouvantes, les menaces asymétriques, et les besoins d’adaptation rapides. L’accord UK-Ukraine montre déjà que la production et la livraison peuvent connaître un rythme accéléré.

Coopération transnationale et renforcement de l’industrie de défense

La production au Royaume-Uni, sous licence ukrainienne, illustre un modèle de collaboration internationale, mêlant transferts de technologies, soutien industriel et solidarité stratégique. Ce modèle peut servir de référence pour renforcer les capacités de défense collective de l’Otan, et poser les bases d’une chaîne logistique européenne commune pour contrer les drones.

drone Octopus

Limites, incertitudes et défis persistants

Malgré ses promesses, le drone OCTOPUS ne constitue pas une solution magique. Plusieurs défis méritent d’être soulignés.

Données techniques partiellement classifiées

La plupart des caractéristiques techniques — portée, vitesse, endurance, altitude maximale, type de guidage — restent non publiées dans les sources ouvertes. Les informations disponibles sont fragmentaires. Sans transparence, il est difficile d’évaluer précisément la capacité de l’OCTOPUS à intercepter un large spectre de menaces aériennes : drones suicides, drones-espions, missiles de croisière, etc.

Efficacité non prouvée dans des conflits de haute intensité

Le drone semble efficace contre des salves de drones rapides ou des UAV de type Shahed/Geran-2. Mais face à des menaces plus lourdes — missiles de croisière, missiles supersoniques, drones furtifs — ses performances restent à démontrer. Il faudrait des tests en conditions réelles, dans un scénario saturé, pour confirmer sa valeur.

Dépendance logistique et vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement

Bien que l’OCTOPUS soit simple et économique, sa production et son entretien nécessitent des composants, des batteries, des systèmes de guidage, des stations de contrôle, etc. Si ces chaînes logistiques sont interrompues — sabotage, guerre électronique, embargo — la capacité de renouvellement rapide peut s’effondrer.

Risques d’une course aux drones contre-drones

Le succès de l’OCTOPUS pourrait inciter les adversaires à développer des drones plus résistants, plus rapides, plus furtifs, ou à saturer les défenses par des salves encore plus massives. L’équilibre pourrait rester fragile.

Ce que l’initiative britannique révèle sur l’avenir de la défense aérienne

L’accord de licence UK-Ukraine autour de l’OCTOPUS marque un tournant. Il montre que l’avenir des systèmes de défense aérienne ne réside plus uniquement dans les missiles, les radars hautement sophistiqués ou les intercepteurs de chasse. Il s’oriente vers une architecture distribuée, mobile, à faible coût unitaire, fondée sur le principe de masse plutôt que sur l’exception.

Cette transformation correspond aux défis actuels : menaces de drones de masse, guerre asymétrique, saturation des défenses traditionnelles. Elle pourrait inspirer une refonte des doctrines de défense aérienne en Europe, avec des « murs de drones » (drone walls), des intercepteurs bon marché, des systèmes modulaires et une collaboration industrielle transnationale.

Pour le Royaume-Uni, c’est aussi un signal politique : il ne s’agit plus seulement de livrer des armes lourdes, mais d’investir dans des solutions pragmatiques, efficaces, durables — capables de s’adapter à des conflits de longue durée.

L’innovation technique et la coopération internationale autour de l’OCTOPUS pourraient augurer d’un nouveau paradigme stratégique. Mais l’histoire de la guerre montre qu’un bon concept vaut ce que vaut son adoption, sa production, sa maintenance et sa capacité à évoluer face à l’adversaire. Le défi reste donc concret — et urgent.

Sources

  • Dossier « Ukraine and UK sign licensing deal for large-scale production of Octopus interceptor drones », Defence-Industry Europe, 27 novembre 2025.
  • Article « UK to Mass-Produce Ukraine’s OCTOPUS Drone », Kyiv Post / Bloomberg, 27 novembre 2025.
  • Rapport public sur le rôle de l’interceptor drone dans la défense anti-drone ukrainienne, RUSI, 27 novembre 2025.
  • Communiqué du ministère britannique de la Défense, projet Build With Ukraine, 10 septembre 2025.
  • Déclarations du ministre ukrainien de la Défense Denys Shmyhal sur la production en masse d’intercepteurs, 27 novembre 2025.
  • Analyse « Drone-on-drone war » — Business Insider, novembre 2025.

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