EA-18G Growler vs Shenyang J-16D : duel de guerre électronique, capteurs, brouillage, rayon d’action et survivabilité, avec chiffres et limites OSINT.
Comparer le Boeing EA-18G Growler et le Shenyang J-16D revient à opposer deux philosophies de la guerre électronique. Le Growler est un avion pensé dès l’origine pour l’attaque électronique embarquée sur porte-avions. Il est intégré à une chaîne opérationnelle complète, avec doctrine SEAD/DEAD, ravitailleurs, liaisons de données, missiles antiradar et pods de brouillage éprouvés. Sa valeur tient autant à ses capteurs qu’à son insertion dans le “système de systèmes” américain et allié.
Le J-16D est la réponse chinoise, construite sur une cellule de chasseur lourd dérivée de la famille Su-27. Il privilégie la portée, la puissance électrique disponible, l’emport de pods multiples et l’escorte de paquets de frappe à distance. Problème : la Chine publie très peu de chiffres techniques vérifiables. Une partie des données du J-16D est donc OSINT, parfois contradictoire, et doit être lue comme des ordres de grandeur, pas comme une fiche constructeur.
Méthode ici : chiffres fermes quand ils sont sourcés, et appréciation technique quand la donnée manque. Et oui, je tranche, mais je sépare clairement ce qui est mesuré de ce qui est déduit.

Une présentation technique du Boeing EA-18G Growler
Le EA-18G Growler est l’avion d’attaque électronique de l’US Navy. Il reprend la cellule du F/A-18F et remplace le canon interne par des équipements dédiés à la guerre électronique. Équipage : 2 personnes (pilote + Electronic Warfare Officer).
Côté performances, les fiches publiques convergent sur une vitesse maximale autour de Mach 1,6, soit 1 960 km/h (1,218 mph), un plafond 15 240 m (50,000 ft) et un rayon d’action publié à 1 570 km (976 mi) “pleinement armé avec réservoirs externes” (valeur utile, car plus réaliste qu’un ferry range). L’appareil est propulsé par deux F414.
Le cœur du Growler, c’est son ensemble capteurs/brouilleurs : récepteurs AN/ALQ-218 en extrémités d’ailes, pods ALQ-99 historiques, et transition vers le Next Generation Jammer (NGJ) pour gagner en puissance, en agilité de brouillage et en fiabilité. Il conserve aussi un radar AESA AN/APG-79, précieux pour la situation tactique et certaines fonctions air-air.
En armement, le Growler peut escorter, protéger, et aussi frapper : typiquement missiles air-air AIM-120 et antiradar AGM-88 HARM/AARGM selon configuration et intégrations. Sa vraie force est doctrinale : il sait opérer depuis un porte-avions, s’intégrer aux packages, et travailler avec des standards de liaison et de ciblage très mûrs.
Une présentation technique du Shenyang J-16D
Le J-16D est la variante de guerre électronique du J-16, elle-même dérivée de la famille “Flanker”. Les éléments les plus robustes en sources ouvertes décrivent : pods en bout d’ailes, remplacement de certains équipements de nez (capteurs) et suppression du canon au profit d’équipements internes de mission. Les démonstrations publiques montrent une configuration avec pods multiples sous voilure et près des entrées d’air, plus les pods d’extrémité, ce qui confirme un concept proche de l’escorte de brouillage.
Sur les performances de vol, les chiffres du J-16D ne sont pas officiellement publiés. Des estimations OSINT donnent pour la famille J-16 une vitesse maximale voisine de Mach 2,0 (environ 2 120 km/h, 1,317 mph) et un plafond autour de 17 000 m (55,774 ft), mais ces valeurs doivent être prises avec prudence : elles varient selon masse, altitude, et version moteur.
L’intérêt du J-16D tient surtout à la cellule lourde : plus d’emport, plus de carburant interne potentiel, et de la marge électrique et de refroidissement pour des systèmes de brouillage modernes. Les photos et descriptions d’exposition indiquent jusqu’à quatre pods de brouillage sous voilure/entrées d’air, plus les pods en extrémité, et un emport de missiles sous le fuselage. En clair : la Chine vise un avion capable de “nettoyer” une partie du spectre électromagnétique en accompagnement d’une frappe, et de compliquer la vie des radars, liaisons et systèmes sol-air adverses.
Limite majeure : sans données vérifiées sur la puissance émise, les bandes couvertes, la sensibilité des récepteurs, la fusion de données et les liaisons, on ne peut pas “prouver” qu’il surclasse ou non le Growler. On peut seulement juger la logique d’architecture et l’emploi probable.
Un tableau de comparaison par critères avec points
Règle de lecture : quand la donnée J-16D manque, je note “non public” et je donne le point sur l’élément démontrable (ex : capacité porte-avions) ou sur l’avantage structurel clair (ex : cellule lourde pour emport/énergie).
| Critère | EA-18G Growler | J-16D | Point |
|---|---|---|---|
| Vitesse maximale | 1 960 km/h (1,218 mph) | Est. ~2 120 km/h (1,317 mph), non officiel | J-16D |
| Vitesse de croisière | Donnée publique rare (profil mission dépend pods) | Non public | EA-18G (données opérateur + doctrine stabilisée) |
| Vitesse ascensionnelle | Non systématiquement publiée (proche F/A-18F) | Non public | Égalité (pas de base solide) |
| Altitude maximale | 15 240 m (50,000 ft) | Est. ~17 000 m (55,774 ft), non officiel | J-16D |
| Rayon d’action | Publié 1 570 km (976 mi) avec réservoirs externes | Non public (cellule lourde suggère plus) | J-16D (avantage structurel probable) |
| Rayon d’action en combat | Variable; dépend ravitaillement et charge | Estimations très variables, non officiel | Égalité (trop incertain) |
| Autonomie en vol | Non public (profils embarqués) | Non public | Égalité |
| Agilité | Cellule Super Hornet, optimisée porte-avions, mais pods pénalisent | Cellule lourde type Flanker, plus inertielle | EA-18G |
| Rayon de virage | Non public | Non public | Égalité |
| Basse vitesse | Très bon pour appontage et approche | Non conçu pour appontage | EA-18G |
| Puissance moteur | 2× F414 (classe ~98 kN avec PC chacun, selon variantes) | 2× WS-10 (chiffres exacts variables) | Égalité (sources hétérogènes) |
| Fiabilité moteurs | Mature, flotte USN/alliés, soutien industrialisé | Non public à niveau comparable | EA-18G |
| Consommation carburant | Avion naval, compromis rayon/charge | Cellule plus grosse, souvent plus gourmande | EA-18G (au km utile, plus optimisé) |
| Postcombustion | Oui | Oui | Égalité |
| Radar | AN/APG-79 AESA (public et documenté) | AESA revendiqué selon sources, détails limités | EA-18G |
| Communications | Réseaux US/alliés, standards interopérables | Réseaux PLA, non interopérables OTAN | EA-18G |
| Guerre électronique | ALQ-218 + ALQ-99 + NGJ en montée en puissance | Pods multiples visibles; perf non chiffrée | EA-18G (niveau de preuve) |
| Alerte radar (RWR) | Intégrée au package EW | Probable, non public | EA-18G |
| Navigation | INS/GPS militaires + intégration mission | Non public | EA-18G |
| Systèmes d’armes | Intégration HARM/AARGM, air-air, mission data files | Missiles PLA, intégration exacte non public | EA-18G |
| Diversité des armes | Large catalogue USN | Large catalogue PLA, mais J-16D souvent “mission EW” | Égalité |
| Charge maximale | Stations multiples, pods EW + missiles | Cellule lourde, emport potentiellement supérieur | J-16D |
| Précision des armes | Chaîne de ciblage US, munitions guidées très mûres | Progresse vite, détails non publics | EA-18G |
| Intégration nouvelles armes | NGJ + évolutions, cadence visible | Non public | EA-18G |
| Signature radar réduite | Pas furtif, mais gestion d’émissions et escorte | Pas furtif, cellule large | Égalité |
| Signature infrarouge | Non furtif | Non furtif | Égalité |
| Signature acoustique | Non pertinent en haute altitude | Non pertinent | Égalité |
| MTBF | ALQ-99 historiquement critiqué, NGJ vise amélioration | Non public | Égalité (données insuffisantes) |
| Facilité maintenance | Chaîne logistique USN/alliés structurée | Non public | EA-18G |
| Disponibilité opérationnelle | Mesurée dans une flotte déployée | Non public | EA-18G |
| Polyvalence | EW + escort + missions navales | EW + escort probable, base strike lourde | Égalité |
| STOL | Non (mais capacités porte-avions spécifiques) | Non | Égalité |
| Porte-avions | Oui (cœur du concept) | Non | EA-18G |
| Autoprotection | Chaff/flares + EW intégré | Chaff/flares + EW intégré probable | Égalité |
| Blindage | Chasseurs, protection limitée | Idem | Égalité |
| Siège éjectable | Standard occidental éprouvé, enveloppe large | Standard chinois, données peu publiques | EA-18G |
| Ergonomie cockpit | Conçu pour binôme, workflow EW très travaillé | Probable binôme; ergonomie non documentée | EA-18G |
| Gestion informations | Fusion USN + standards tactiques | Non public | EA-18G |
| Commandes de vol | Fly-by-wire naval mature | Fly-by-wire probable | Égalité |
| Coût unitaire | Variables selon lots; chiffres publics discutés | Non public | Égalité |
| Coût d’exploitation | Élevé, mais connu et piloté | Non public | Égalité |
| Coût de formation | Chaîne USN/AUS bien cadrée | Non public | EA-18G |
| Modularité | Pods + mises à jour NGJ, architecture évolutive | Pods visibles, modernisation rapide possible | Égalité |
| Cycle de vie | Programme suivi, upgrades planifiés | Non public | EA-18G |
Total des points (hors égalités)
- EA-18G Growler : 17
- Shenyang J-16D : 4
- Égalités / non tranchables faute de données : nombreuses

Un verdict technique
Si la question est posée en termes opérationnels et vérifiables, la réponse ne laisse guère de place au doute. En 2025, le EA-18G Growler conserve l’avantage. Non pas parce qu’il afficherait de meilleures performances pures en vitesse ou en altitude, mais parce qu’il repose sur un ensemble cohérent, éprouvé et pleinement intégré. Récepteurs, capacités de brouillage, liaisons de données, missiles antiradar et montée en puissance vers le Next Generation Jammer forment un tout maîtrisé, déjà engagé, entraîné et documenté. Dans la guerre électronique, la valeur ne se mesure pas à un paramètre isolé, mais à la solidité du système complet et à sa crédibilité en conditions réelles.
Face à lui, le J-16D s’impose comme un acteur à surveiller de près. Sa cellule lourde autorise un emport important de pods, ce qui ouvre la voie à des actions simultanées sur plusieurs bandes ou fonctions. La trajectoire industrielle chinoise est rapide, et les intentions sont claires. Mais à ce stade, les données accessibles ne permettent pas d’établir un diagnostic précis. Puissance réelle des émissions, agilité fréquentielle, résistance au brouillage adverse, qualité de la géolocalisation des émetteurs ou richesse des bibliothèques de menaces restent largement hors champ public.
C’est là que se joue la différence. Tant que ces paramètres clés demeurent opaques, le J-16D reste un vecteur crédible sur le papier, mais à la performance exacte non démontrée. Le Growler, lui, s’appuie sur des faits, des exercices et des standards éprouvés. À dossier égal, c’est cette accumulation de preuves qui, aujourd’hui encore, fait pencher la balance.
Sources
- U.S. Navy — “EA-18G Growler Airborne Electronic Attack Aircraft” (Navy.mil Fact File), 17 Sept 2021
- Royal Australian Air Force — “EA-18G Growler” (spécifications, vitesse/plafond/rayon)
- The War Zone (TWZ) — “China’s J-16D Electronic Attack Jet Seen Sporting Jamming Pods…” (pods visibles)
- People.cn — “China’s J-16D electronic warfare aircraft reveals jamming pods…” (description d’exposition)
- ODIN / TRADOC (WEG) — “J-16D Chinese Electronic Warfare Aircraft” (fiche synthèse OSINT)
- Air & Space Forces Magazine — “T-7 Making Progress on New Ejection Seat…” (contexte ACES 5 / programme)
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