Un drone furtif de combat conçu par Dassault pour le Rafale F5

Dassault Neuron

Dassault développe un drone de combat furtif motorisé par un M88 pour accompagner le Rafale F5 dans des missions de coopération homme-machine.

La France renforce sa position dans le domaine des systèmes aériens de combat avec un projet ambitieux : le développement d’un drone de combat furtif de grande taille, conçu pour opérer aux côtés du Rafale F5 dans le cadre de missions de type MUMT (Manned-Unmanned Teaming). Porté par Dassault Aviation en partenariat avec la Direction générale de l’armement (DGA), cet appareil sans pilote sera propulsé par un moteur Safran M88, identique à celui qui équipe déjà le Rafale.

Doté d’une masse comparable à celle d’un Mirage 2000, ce drone – dont l’entrée en service est prévue à l’horizon 2033 – vise à effectuer des missions offensives dans des environnements contestés, en particulier des frappes contre les systèmes de défense sol-air ennemis. La coopération avec un Rafale piloté permettra de répartir les rôles entre les plateformes, maximisant l’efficacité opérationnelle tout en réduisant les risques humains.

Ce programme s’inscrit dans la stratégie de modernisation des forces françaises et dans la volonté de proposer à l’export des solutions souveraines face aux systèmes américains et chinois. Il marque également une étape décisive pour Dassault Aviation, qui franchit un seuil technologique après l’expérience du démonstrateur nEUROn.

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La conception du drone furtif et ses caractéristiques techniques

Le drone en développement, parfois désigné comme un “nEUROn 2.0”, se distingue par ses dimensions proches de celles d’un Mirage 2000, avec une masse au décollage estimée à 17,5 tonnes. Il s’agit donc d’un appareil de combat à part entière, capable de mener des missions offensives complexes dans des zones fortement défendues. Ce changement d’échelle, par rapport au démonstrateur nEUROn de 6 tonnes, impose des défis techniques importants, notamment en matière de furtivité, de motorisation et de charge utile.

Le choix du moteur Safran M88, éprouvé sur le Rafale, garantit une puissance suffisante tout en assurant une compatibilité logistique avec les chaînes de maintenance déjà en service. Ce réacteur double flux compact offre environ 75 kilonewtons de poussée en postcombustion, avec une faible signature infrarouge et une consommation optimisée. Sa maintenance facilitée et sa modularité en font un choix logique pour un système destiné à un usage intensif.

Le drone sera équipé d’une soute interne pour l’emport d’armement, évitant tout appendice externe susceptible de compromettre la furtivité. L’architecture générale privilégiera des formes anguleuses, des entrées d’air carénées, des matériaux composites absorbant les ondes radar, et une gestion thermique avancée. La cellule devrait intégrer un train d’atterrissage rétractable, des capteurs passifs et une avionique spécifiquement adaptée au pilotage semi-autonome.

Ce drone de combat est conçu pour remplir des missions de type SEAD/DEAD (Suppression/Destruction of Enemy Air Defenses). Il pourra voler à moyenne ou haute altitude, identifier des radars actifs, transmettre des coordonnées à un Rafale ou effectuer lui-même des frappes. Sa charge utile, encore confidentielle, pourrait permettre l’emport de missiles air-sol de type AASM Hammer, voire de missiles antiradar, en quantité limitée mais suffisante pour neutraliser des objectifs prioritaires.

Une intégration complète au concept de MUMT avec le Rafale F5

Le projet repose sur une coopération opérationnelle étroite entre l’humain et la machine, via un système dit de “teaming”. Le Rafale F5, version modernisée attendue à partir de 2030, sera équipé de liaisons de données avancées, permettant de commander un ou plusieurs drones en vol. Ce lien numérique sécurisé autorisera la répartition dynamique des rôles en mission : détection, brouillage, désignation de cible ou frappe.

Le drone, tout en étant capable d’évoluer de manière autonome, restera supervisé par le pilote du Rafale. Ce dernier disposera d’une interface dans son cockpit lui permettant de transmettre des ordres, d’accéder aux flux capteurs du drone, voire d’autoriser le tir. Le contrôle s’effectuera probablement via une liaison de type SATCOM ou une liaison tactique directe, dans un rayon opérationnel d’environ 300 kilomètres.

L’avantage stratégique est double : le drone peut pénétrer en zone à haut risque, désigner une cible sans mettre en danger l’avion habité, et agir comme multiplicateur de forces. En cas de brouillage, il pourra continuer sa mission de manière partiellement autonome, selon des scénarios prédéfinis.

Ce type d’emploi nécessite une doctrine claire et des chaînes de commandement adaptées. La DGA travaille avec les forces pour définir ces modalités d’usage, en lien avec les futurs besoins OTAN. L’approche modulaire du Rafale F5, qui intègre un nouveau système de guerre électronique et un radar à antenne active (AESA), permettra une fusion fluide des données entre l’avion et le drone.

Un levier stratégique pour la souveraineté française et l’industrie de défense

La France devient, avec ce programme, l’un des rares pays à concevoir un drone de combat furtif de grande dimension, intégré à une plateforme de chasse existante. Elle rejoint ainsi un club fermé dominé par les États-Unis (avec le projet Skyborg et les drones Loyal Wingman) et la Chine (avec le FH-97A). Contrairement à ces concurrents, le système français s’appuie sur des filières industrielles totalement maîtrisées sur le territoire national, de la cellule à la motorisation.

Ce choix d’autonomie industrielle est central. Il permet de réduire la dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers et d’assurer une liberté d’emploi totale. De plus, le drone peut être proposé à l’export dans une logique cohérente avec celle du Rafale. Plusieurs clients potentiels en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie pourraient être intéressés par une solution conjointe Rafale + drone, capable de couvrir un spectre opérationnel élargi avec une flotte réduite.

Le drone pourrait également préfigurer certains modules du programme SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), mené avec l’Allemagne et l’Espagne. À moyen terme, les technologies développées dans le cadre du Rafale F5 et de son drone compagnon pourraient être transposées dans le NGF (Next Generation Fighter), cœur du SCAF. Cela offrirait à Dassault une crédibilité accrue dans les discussions industrielles européennes.

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Les défis à surmonter pour garantir la réussite du programme

Le développement d’un tel système présente des défis considérables, tant sur le plan technologique qu’industriel. La furtivité est un domaine exigeant, qui nécessite une maitrise parfaite des formes, des matériaux, des peintures RAM (Radar Absorbent Material), et de la signature thermique. La transition d’un démonstrateur comme le nEUROn à un appareil de combat opérationnel implique un saut en termes de robustesse, de connectivité et de capacité à opérer dans un réseau interarmées.

La motorisation constitue un second enjeu. Bien que le M88 soit un moteur fiable, son intégration dans une cellule non pilotée impose une gestion thermique plus rigoureuse, en l’absence de régulation active humaine. Le logiciel de gestion de mission devra pouvoir s’adapter à différents scénarios tactiques, avec un niveau d’intelligence embarquée suffisant pour prendre des décisions en temps réel tout en restant sous supervision.

L’industrialisation devra être fluide et coordonnée entre les différents partenaires : Dassault pour la cellule et l’intégration, Safran pour le moteur, Thales pour les capteurs et communications, MBDA pour l’armement, et la DGA pour la validation des capacités.

Le calendrier prévisionnel est ambitieux : premier vol d’essai attendu entre 2029 et 2031, qualification opérationnelle vers 2033, pour une mise en service progressive à partir de 2034. Il nécessitera un engagement financier soutenu et un pilotage rigoureux, en particulier dans un contexte budgétaire contraint.

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