Découvrez comment les forces armées maintiennent leurs communications au-delà de la ligne de vue, avec standoff, satellites, relais aériens et réseaux tactiques.
En résumé
Dans les opérations militaires modernes, les unités doivent souvent accomplir des missions au-delà de la ligne de vue directe (Beyond Visual Line of Sight – BLOS). Cela signifie qu’elles opèrent à des distances ou derrière des obstacles rendant impossible une communication traditionnelle en ligne de vue. Pour rester connectés à leur base et entre eux, les combattants utilisent une architecture hétérogène de systèmes de communication qui combine liaisons satellitaires, relais aériens, réseaux de données tactiques et standards comme Link 22 pour transmettre voix, données, vidéos et télémesures sur de longues distances. Ces technologies améliorent significativement la sécurité des équipages et des appareils en leur permettant de rester hors de portée directe de l’adversaire, tout en conservant une supériorité informationnelle sur le théâtre d’opérations. Ces systèmes favorisent aussi l’intégration de drones et capteurs ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance) dans un réseau fluide, essentiel pour la coordination et la prise de décision en temps réel.
L’évolution du concept de communication au-delà de la ligne de vue
Le concept de communication BLOS s’est imposé dans les doctrines militaires à mesure que les champs de bataille se sont étendus. Traditionnellement, les radios VHF et UHF en ligne de vue sont limitées à quelques dizaines de kilomètres, voire moins si le terrain est accidenté ou urbanisé. Dans les conflits contemporains, cela ne suffit pas pour relier les unités avancées aux postes de commandement.
Au-delà de la ligne de vue directe, les forces doivent transmettre des ordres, des informations de situation, des transmissions vidéo et des données de capteurs avec une latence minimale et une sécurité élevée. Cela implique l’intégration de plusieurs technologies complémentaires :
- communications satellitaires militaires (SatCom), utilisant des bandes comme le X-Band ou l’EHF, qui permettent des transmissions sécurisées sur des distances très longues sans ligne de vue directe ;
- relais aériens, qui utilisent des avions ou drones à haute altitude pour faire transiter les signaux entre unités au sol ou plateformes éloignées ;
- liens tactiques numériques comme Link 22, conçu pour relier des unités navales, aériennes et terrestres en BLOS dans des opérations alliées.
La combinaison de ces technologies permet de pallier les limitations inhérentes à chaque système pris isolément. Par exemple, les satellites offrent une couverture globale mais peuvent être vulnérables au brouillage ou à la guerre électronique, alors que les relais aériens augmentent la résilience du réseau tout en réduisant latence et dépendance à des infrastructures fixes.
Les architectures de réseau pour le standoff et la résilience
Les communications BLOS reposent de plus en plus sur des architectures réseau décentralisées, intégrant à la fois des liens satellitaires, des relais aériens et des infrastructures tactiques terrestres. Ce modèle permet une connectivité continue même face à des perturbations électroniques ou des attaques ennemies.
Dans ce cadre, des systèmes comme le Battlefield Airborne Communications Node (BACN) de l’US Air Force jouent un rôle pivot. BACN est un nœud aéroporté de communications qui relie différents standards radio, servant de pont entre réseaux disparates et permettant la traduction de données entre unités qui ne pourraient autrement pas échanger d’informations. Positionné à haute altitude, ce type de système peut établir des liaisons BLOS robustes au-dessus des obstacles géographiques ou électroniques.
Un autre exemple est le standard Link 22, qui succède aux anciens protocoles Link 11 et Link 16, en offrant une gestion automatisée des données tactiques à longue portée pour les forces alliées. Link 22 fonctionne dans les bandes HF et UHF, dont certaines sont optimisées pour les transmissions BLOS, et permet l’échange de données structurées entre navires, avions et unités au sol.
Les réseaux modernes tendent également à intégrer des éléments de réseau maillé mobile (MANET) qui permettent à chaque combattant ou plateforme d’agir comme un relais pour les autres, améliorant ainsi la couverture sans création d’un seul point de défaillance. Ce type de réseau peut aussi incorporer des technologies de routage adaptatif pour optimiser en continu les itinéraires de transmission en fonction de l’environnement électromagnétique ou des contraintes tactiques.
L’apport des satellites dans les communications standoff
Les communications satellitaires constituent un élément majeur de la connectivité BLOS. Les forces armées utilisent des satellites militaires ou dédiés pour établir des liaisons à très longue distance avec des capacités élevées de cryptage et de résistance au brouillage. Dans la bande X-Band, par exemple, on obtient un bon compromis entre résistance aux conditions météorologiques, robustesse contre les interférences et capacité de transmission de données.
La multiplicité des constellations, notamment les systèmes militaires traditionnels et les constellations à orbite basse (LEO), élargit la capacité de transmission tout en réduisant la latence. Ces liaisons permettent non seulement des communications voix, mais aussi l’échange de données de capteurs, images en temps réel, et flux vidéo haute définition depuis des drones, avions ou plateformes terrestres éloignés.
Cette infrastructure satellitaire est particulièrement critique pour les missions ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance), où de grands volumes de données doivent être renvoyés vers des centres de commandement ou des analystes pour exploitation. Dans des environnements de haute intensité ou asymétriques, ces échanges de données permettent une fusion d’informations plus rapide et une meilleure prise de décision tactique.
Les relais aériens et plateformes tactiques
Au-delà des satellites, les relais aériens jouent un rôle clé dans la communication BLOS, en particulier dans les environnements où les satellites pourraient être compromis ou indisponibles. Des plateformes comme les drones à haute altitude ou des avions spécialisés servent de points de relais mobiles pour les signaux radio, étendant ainsi la portée des communications au-delà des limitations terrestres.
Ces relais peuvent porter des charges utiles radio sophistiquées, capables de relayer des signaux entre unités séparées de centaines de kilomètres, améliorant la réactivité opérationnelle et réduisant les risques associés à l’exposition des troupes. L’utilisation de drones ou de ballons comme points de relais offre aussi l’avantage d’une mobilité accrue, avec des repositionnements possibles en cours de mission pour suivre l’évolution dynamique des opérations.
Les relais aériens s’intègrent également dans des architectures réseau plus larges où ils collaborent avec les réseaux terrestres et satellitaires pour assurer une couverture multi-couche et redondante. Cette approche réduit la dépendance à une seule technologie et accroît la résilience contre les interruptions intentionnelles ou accidentelles.

Intégration des communications BLOS avec l’intelligence et le combat collaboratif
L’un des avantages déterminants des communications BLOS est leur intégration avec les systèmes de fusion de données et de commande et contrôle (C2) modernes. Les flux de renseignements provenant de multiples sources — drones, capteurs terrestres, radars — peuvent être partagés entre unités et analystes en temps réel, offrant une compréhension situationnelle enrichie.
Cette capacité est essentielle dans les opérations collaboratives, où des unités séparées par des milliers de mètres doivent agir en coordination. Par exemple, un drone collectant des images peut transmettre ces données via satellite ou relais aérien à une équipe au sol ou à un centre de commandement, qui analyse et renvoie des directives actualisées. Ce cycle continu d’échange s’appuie sur des réseaux BLOS fiables et sécurisés, permettant à chaque combattant d’agir avec une vision actualisée du contexte tactique.
La capacité à transmettre de grandes quantités de données en temps réel améliore aussi les fonctionnalités de commandement à distance ou les opérations non pilotées, où des opérateurs peuvent guider des systèmes autonomes basés sur des informations partagées à distance, tout en restant hors des zones de contact direct avec l’ennemi.
Conséquences pour les combattants et la collecte de données
Pour les équipages et opérateurs, les communications BLOS représentent un changement profond par rapport aux méthodes traditionnelles. Les soldats ne se contentent plus d’un simple lien radio : ils sont intégrés dans un écosystème de données interconnecté où la voix, la vidéo, les images thermiques et les données de capteurs doivent circuler en continu. Cela exige des équipements plus sophistiqués, des protocoles de cryptage renforcés, et une formation adaptée pour gérer des interfaces de communication complexes.
Cette intégration transforme aussi la nature des missions. Les unités peuvent se déplacer à des distances plus grandes, avec moins de contraintes sur la proximité des centres de commandement, tout en restant connectés. Les niveaux de sécurité améliorés réduisent les besoins d’exposer des troupes pour maintenir les communications, ce qui se traduit par une meilleure protection des personnels sur le terrain.
La collecte de données opérationnelles augmente de manière exponentielle, mais elle pose aussi des défis en termes de traitement et d’analyse. Les centres de commandement doivent disposer d’une infrastructure capable d’absorber et de traiter de vastes volumes d’informations provenant de multiples sources, sans provoquer de goulets d’étranglement ou de retards critiques.
Avantages stratégiques et implications futures
Les communications BLOS offrent des avantages stratégiques majeurs. Elles permettent à des forces dispersées de maintenir une cohésion tactique et une connaissance partagée du champ de bataille. Cela réduit le temps de réaction et augmente l’efficacité des décisions sur le terrain, tout en limitant l’exposition des forces à des actions hostiles.
À l’avenir, les systèmes BLOS devraient encore évoluer avec l’introduction de technologies telles que des réseaux de communication basés sur l’intelligence artificielle, des liaisons optiques spatiales et des nanoréseaux, offrant des niveaux encore plus élevés de bande passante, de résilience et d’autonomie.
Les forces qui maîtrisent ces technologies disposeront d’une supériorité informationnelle significative, condition essentielle pour les opérations de haute intensité ou asymétriques. La poursuite de ces innovations déterminera en grande partie la capacité des armées à opérer avec efficacité dans des environnements contestés et à grande élongation, tout en minimisant les risques pour leurs unités.
Sources
Breaking Defense, How warfighters communicate when their missions are beyond visual line of sight.
Wikipedia, Link 22.
Wikipedia, X Band Satellite Communication.
Wikipedia, Battlefield Airborne Communications Node.
Elistair, Tactical Communications: the Role of Tethered Drones.
MSS Defence, Connectivité du champ de bataille : technologies avancées pour la supériorité militaire.
Defense Advancement, Beyond Sight Unmanned Military Communication Strategies.
Annales des Mines, Les communications militaires par satellite.
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