L’Ukraine va recevoir 3 350 missiles ERAM américains

missiles ERAM

Washington valide la livraison de 3 350 missiles ERAM à l’Ukraine, pour un coût de 850 M$, avec emploi soumis à validation du Pentagone.

Les États-Unis ont autorisé la livraison de 3 350 missiles Extended Range Attack Munition (ERAM) à l’Ukraine. Ces armes de type standoff offriront une portée comprise entre 240 et 450 kilomètres avec une précision de l’ordre de 10 mètres, même en cas de brouillage GPS. Le contrat, estimé à 850 millions de dollars (≈ 780 M€), est majoritairement financé par les alliés européens de Kyiv. Ces missiles devraient être livrés dans six semaines. Leur utilisation restera soumise à l’approbation du Pentagone, ce qui limite la possibilité de frappes profondes à l’intérieur de la Russie. Pour l’Ukraine, ces munitions représentent une augmentation importante de sa capacité de frappe en profondeur, tout en constituant pour les États-Unis un retour d’expérience utile pour leurs propres programmes.

L’accord de livraison et son financement

La décision américaine s’inscrit dans la continuité des livraisons d’armements stratégiques à l’Ukraine. La vente de 3 350 missiles ERAM a été validée par l’administration de Donald Trump. La valeur totale est de 850 millions de dollars, dont une large part financée par les partenaires européens de Kyiv. Le calendrier prévoit une première livraison dans un délai de six semaines, ce qui correspond à la capacité de production annoncée par l’US Air Force : environ 1 000 missiles sur deux ans, soit 42 unités par mois.

Cette volumétrie marque une différence notable avec les livraisons précédentes de missiles occidentaux, souvent limitées à quelques dizaines ou centaines d’exemplaires (Storm Shadow britanniques, SCALP français, ATACMS américains). Ici, l’objectif est de fournir une capacité de masse, afin de compenser l’avantage russe en matière de production et d’emploi de drones et de missiles longue portée.

Le financement européen traduit une volonté politique claire : soutenir Kyiv tout en évitant une dépendance exclusive vis-à-vis de Washington. Cette mutualisation des coûts rappelle le mécanisme déjà utilisé pour l’achat de munitions d’artillerie en 2023-2024.

Les caractéristiques techniques du missile ERAM

L’ERAM est conçu comme une arme abordable et rapide à produire, adaptée aux besoins d’un conflit d’attrition. Ses spécifications connues sont les suivantes :

  • Portée : entre 240 et 450 km, selon l’altitude de lancement et le profil de vol.
  • Vitesse minimale : Mach 0,6, soit environ 760 km/h.
  • Charge militaire : environ 227 kg (500 lb), de type explosif à fragmentation avec capacité de pénétration limitée.
  • Précision : un écart circulaire probable (CEP) ≤ 10 m, même en environnement saturé de brouillage électromagnétique.
  • Navigation : système inertiel complété par GPS, mais capable d’opérer en environnement GPS dégradé.

Ces caractéristiques montrent une volonté de produire une arme résiliente face à la guerre électronique russe, domaine dans lequel Moscou a démontré des compétences significatives, notamment contre les munitions guidées JDAM-ER et SDB déjà livrées à Kyiv.

Avec une telle portée, l’ERAM surpasse largement les JDAM-ER (≈ 70 km) et se rapproche des missiles de croisière SCALP/Storm Shadow (≈ 300 km), tout en étant moins coûteux et disponible en plus grand nombre.

missiles ERAM

L’impact tactique pour l’armée ukrainienne

L’introduction des ERAM permettra à l’armée de l’air ukrainienne de frapper des cibles stratégiques au-delà de la ligne de front tout en réduisant l’exposition de ses avions aux défenses russes. Les objectifs privilégiés incluront :

  • les centres de commandement et de communication,
  • les dépôts logistiques et de munitions,
  • les aérodromes militaires,
  • les usines et infrastructures critiques.

La masse de 3 350 unités donne à l’Ukraine la possibilité de conduire des campagnes de frappes soutenues, ce qui n’était pas envisageable avec les stocks limités de missiles occidentaux à longue portée. En comparaison, l’ensemble des Storm Shadow et SCALP livrés en 2023-2024 n’a pas dépassé quelques centaines d’exemplaires.

Cette capacité devrait contribuer à réduire la pression des drones russes Shahed-136/Geran et des missiles balistiques Iskander, en forçant Moscou à disperser ses moyens de défense aérienne sur un territoire plus vaste. Toutefois, la contrainte imposée par Washington – validation préalable de chaque cible – limite la liberté d’action ukrainienne et conditionne l’efficacité réelle de ces armes.

Les limites politiques et les règles d’emploi

L’usage des ERAM ne sera pas entièrement sous contrôle ukrainien. Le Pentagone impose une autorisation préalable pour chaque tir, afin d’éviter des frappes profondes en territoire russe qui pourraient entraîner une escalade directe avec Moscou.

Sous la présidence Biden, certaines autorisations avaient été données pour cibler la région de Koursk avec des missiles ATACMS. L’administration Trump a depuis resserré le contrôle, en privilégiant une approche visant à maintenir la Russie dans un cadre de négociation tout en continuant à soutenir Kyiv militairement.

Cette dépendance rappelle une réalité stratégique : l’Ukraine dispose de l’armement, mais les États-Unis en fixent les règles d’emploi. Cette situation génère une tension permanente entre les besoins opérationnels de Kyiv et la prudence diplomatique de Washington.

Les conséquences pour l’industrie de défense américaine

Le programme ERAM dépasse le simple soutien à l’Ukraine. Il s’inscrit dans une dynamique plus large de l’US Air Force et de l’US Navy, qui testent plusieurs concepts de missiles low-cost et modulaires (RAACM, ETV). Des sociétés comme CoAspire et Zone 5 Technologies participent déjà à ces projets.

L’ERAM représente un prototype grandeur nature, testé en conditions réelles de guerre. L’expérience acquise par l’Ukraine servira directement aux États-Unis pour préparer de futurs conflits à haute intensité, notamment contre la Chine. L’objectif est clair : disposer de munitions longue portée produites en masse à un coût bien inférieur à celui des missiles de croisière classiques (Tomahawk ≈ 1,5 M\$ l’unité, contre une estimation de 200 000 à 400 000 \$ pour l’ERAM).

Cette approche correspond au virage doctrinal américain vers la production rapide et adaptable, afin de constituer des stocks suffisants pour tenir dans une guerre prolongée. L’Ukraine devient ainsi un terrain d’expérimentation stratégique.

Les perspectives opérationnelles et stratégiques

À court terme, l’arrivée des ERAM renforcera la capacité de frappe en profondeur de Kyiv et limitera les pertes aériennes. Les MiG-29, Su-27, Su-24 modernisés et bientôt les F-16 reçus pourront en être équipés.

À moyen terme, l’Ukraine développera en parallèle ses propres missiles longue portée, comme le Flamingo (portée 3 000 km) et le Long Neptune (≈ 1 000 km), déjà testés en conditions réelles. Cette production locale réduit la dépendance vis-à-vis des contraintes politiques américaines.

Pour les États-Unis, l’ERAM est autant un outil d’aide militaire qu’un laboratoire d’innovation. L’expérience acquise en Ukraine sera intégrée aux futurs programmes de missiles de croisière, tout en constituant une préparation à un éventuel conflit majeur contre une puissance comme la Chine.

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