Le SCAF et la Belgique : un dilemme entre Europe et F-35

F-35 Belgique

La Belgique questionne sa participation au SCAF, malgré un investissement de 300 M€, après avoir commandé des F-35 américains. Paris s’insurge.

Le SCAF : un projet européen ambitieux

Le SCAF, ou Système de combat aérien du futur, est un programme européen qui vise à développer un avion de chasse de sixième génération intégré à des drones et réseaux en nuage. Il est mené principalement par la France, l’Allemagne et l’Espagne, avec la Belgique en statut d’observateur. Le projet prévoit des investissements colossaux, estimés entre 50 et 80 milliards d’euros, avec une première phase de développement (phase 1B) d’environ 3 milliards d’euros sur 36 mois, répartie entre les trois nations fondatrices. Le premier vol est prévu vers 2029, avec une mise en service opérationnelle visée pour 2035.

Ce volet européen incarne une ambition de souveraineté technologique, en répartissant les rôles industriels entre Dassault Aviation, Airbus Defence and Space, Safran, Thales, MBDA, MTU et Indra. Le projet SCAF espère créer une synergie entre chasseurs pilotés et systèmes autonomes, le tout orchestré via un cloud tactique, pour assurer la supériorité aérienne dès la prochaine génération.

F-35 Belgique

La décision belge : F-35 et SCAF, un double jeu

La Belgique semble adopter une stratégie à deux vitesses. Elle a annoncé l’achat de 11 avions F-35A supplémentaires, venant s’ajouter aux 34 déjà commandés, pour remplacer ses F-16 d’ici 2030. Ce choix s’inscrit dans une logique d’interopérabilité avec l’OTAN, au prix estimé de 4 milliards d’euros, soit 600 millions d’euros de moins que les prévisions initiales.

Simultanément, la Belgique s’est engagée comme futur partenaire à part entière du SCAF, avec une contribution prévue de 300 millions d’euros pour la période 2026–2030. Cet investissement marque une volonté de maintenir un lien avec l’industrie européenne.

Ce double engagement soulève un dilemme : comment concilier le rapprochement stratégique à l’OTAN via le F-35, et l’alignement industriel avec l’Europe via le SCAF ? Le fossé semble se creuser entre les obligations pragmatiques et les engagements ambitieux.

Une réaction tendue de l’industrie française

L’intervention du directeur général de Dassault Aviation, Éric Trappier, exacerbe les tensions. Il a vivement critiqué la position belge, jugeant contradictoire, voire cynique, de demander des retombées industrielles tout en achetant américain. Il a déclaré que l’accès au SCAF doit s’accompagner d’un choix de produits européens, estimant que la Belgique ridiculise le programme en le noyant.

Ces propos ont provoqué une vive réaction du gouvernement belge : le ministre de la Défense, Théo Francken, a notamment qualifié les remarques de Trappier d’arrogantes, rappelant le rôle de premier plan de la Belgique au sein de l’UE et de l’OTAN. La Belgique a annoncé réévaluer sa position concernant son engagement dans le SCAF, tout en affirmant qu’une sortie du programme n’affecterait pas lourdement sa faisabilité globale.

Enjeux stratégiques et symboliques

Sur le plan stratégique, l’achat des F-35 garantit une capacité opérationnelle immédiate. Les F-35 offrent une furtivité, une réticulation avancée et une compatibilité totale avec les alliés de l’OTAN, notamment dans un contexte de tensions régionales.

En parallèle, le SCAF représente un chantier à long terme, mais offre une piste de renaissance industrielle en Europe. Il s’agit d’un programme ambitieux, dont l’ensemble constitué pourrait assurer à terme une véritable autonomie stratégique, à condition d’y investir massivement et de façon cohérente.

Le choix belge montre l’écart entre décisions opérationnelles immédiates (achat américain) et aspirations industrielles (coopération européenne). La symbolique est forte : peut-on demander des retombées du SCAF tout en achetant un avion phare hors de l’Europe ?

F-35 Belgique

Perspectives pour Bruxelles et l’Europe

La Belgique se trouve à un carrefour. Il lui faut clarifier ses priorités : veut-elle être un moteur du SCAF, au prix d’un retrait partiel des F-35 ? Ou cherche-t-elle à jongler entre soutien européen et alignement transatlantique pragmatique ?

Un retrait complet du SCAF est improbable : le programme a déjà connu des tensions avec Airbus, et le départ d’un observateur comme la Belgique, bien que symbolique, ne pèserait pas lourd industriellement. Cependant, l’incertitude fragilise la cohésion politique du projet, dans un contexte où l’Europe peine encore à parler d’une voix stratégique commune.

Pour la Belgique, l’enjeu est de trouver un équilibre : continuer à doter ses forces armées avec du matériel opérationnel, tout en préservant un engagement sincère et crédible dans la défense européenne.

Dans la confrontation entre souveraineté industrielle et nécessité stratégique, la Belgique illustre la tension entre pragmatisme et ambition. Le défi reste de taille : être à la fois acteur fiable de l’Alliance atlantique, tout en participant activement à la renaissance de l’industrie aéronautique européenne.

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