
Le missile ERAM, lancement rapide, longue portée, guidage GPS/INS et financement allié : comment les USA préparent une nouvelle arme pour l’Ukraine.
Le Extended-Range Attack Munition (ERAM) marque une évolution rapide dans la fourniture d’armements de précision à l’Ukraine. Conçu comme un missile de croisière air-lancé à longue portée, le programme ERAM répond à un besoin urgent de frapper des cibles à l’abri des défenses adverses. En moins de 14 mois après la publication de l’appel d’offres en août 2024, les États-Unis ont attribué des contrats, développé des prototypes, et programmé les premières livraisons. Le missile est destiné à être embarqué sur des avions comme le F-16 et les MiG-29 ukrainiens. L’accord approuvé fin août 2025 inclut l’autorisation de vente de 3 350 ERAM accompagnés de modules de guidage GPS/INS anti-spoofing, pour un coût estimé à 825 millions de dollars.
Le contexte de développement accéléré
Le lancement du programme ERAM est la réponse à un besoin opérationnel immédiat. Le Pentagone a adopté une procédure accélérée pour le développement, la production, et la livraison. L’appel d’offres a été publié en août 2024, et les prototypes de missiles apparaissent dès octobre 2024. Deux entreprises non traditionnelles de défense, CoAspire et Zone 5 Technologies, ont remporté les contrats pour développer les versions concurrentes. Le financement initial attribué est de 225 millions de dollars, ce qui est assez modeste pour un missile de ce type. Le rythme est inhabituellement rapide comparé aux standards habituels pour les armes de croisière. Cette innovation administrative se traduit aussi par l’emploi d’un banc d’essai léger (avion Douglas A-4) et d’un MiG ukrainien pour phase de test. Cette stratégie de prototypage rapide vise à réduire les délais entre conception, test et déploiement sur le front.
Caractéristiques techniques attendues du missile ERAM
Le missile Extended-Range Attack Munition est un missile de croisière standoff, air-lancé. Sa portée est estimée à « plusieurs centaines de miles » (plusieurs centaines de miles équivalent à quelques centaines de kilomètres, typiquement entre 500 et 800 km selon les annonces), bien que les chiffres précis ne soient pas confirmés publiquement. Le missile est conçu pour être compatible avec les avions de chasse occidentaux et ukrainiens modernes, notamment les F-16, ainsi que les MiG-29 modifiés. Il se monte sur les pylônes externes ou dans les supports existants de bombes standards, utilisant les racks de type BD (bomb rack unit). Le guidage combine un système GPS/INS embarqué, avec modules anti-spoofing SAASM ou M-code. L’ERAM inclut aussi des défenses contre les brouillages électroniques. Il est conçu pour être produit en grande quantité, à faible coût unitaire, et avec une structure modulaire qui facilite les tests, le montage, l’intégration sur différentes plates-formes aériennes.
Le paquet d’envoi et les modalités de vente à l’Ukraine
Fin août 2025, le Département d’État des États-Unis a approuvé la potentielle vente de 3 350 missiles ERAM à l’Ukraine, accompagnés de 3 350 modules GPS/INS avec fonctionnalités anti-spoofing. Le montant estimé de ce contrat est d’environ 825 millions de dollars. Ce financement est en partie assuré par des États européens (Danemark, Pays-Bas, Norvège) dans le cadre d’un package collectif. Le contrat prévoit aussi la fourniture de pièces, de modules de guidage, et du soutien technique. Le premier lot de production sera limité, mais les livraisons initiales sont attendues dès octobre 2025. Ce volume grand public permettrait d’accroître significativement la capacité d’Ukraine à mener des frappes de précision au-delà de la ligne de front, sans dépendre exclusivement des missiles existants ou des bombardiers lourds.

Les implications stratégiques pour le conflit
L’introduction de l’ERAM pourrait modifier les équilibres sur le terrain entre Ukraine et Russie. Premièrement, la possibilité de frapper des cibles de commandement, des centres logistiques et des infrastructures critiques en profondeur, à partir d’avions volant hors de portée de la défense antimissile frontale, améliore la dissuasion ukrainienne. Deuxièmement, cela impose à la Russie de renforcer ses défenses aériennes arrière, ce qui détourne des ressources du front. Troisièmement, pour l’Ukraine, cela diversifie la palette d’armements disponibles : en plus des drones, des missiles sol-sol, des roquettes, l’ERAM apporte une capacité standoff plus sûre. Enfin, les États-Unis démontrent leur capacité d’innovation rapide et d’adaptation en situation de guerre moderne, ce qui pourrait inspirer d’autres programmes similaires.
Les limites et défis techniques à surmonter
Même si ERAM possède des atouts, il y a des défis importants. Le guidage GPS/INS est vulnérable au brouillage, même si les modules anti-spoofing sont incorporés. Les capacités de guerre électronique russe restent élevées, ce qui pourrait réduire la précision ou rendre les missiles moins fiables. Le coût unitaire exact n’a pas été divulgué ; produire en grande quantité tout en maintenant qualité, résistance, et logistique de maintenance sera ardu. L’intégration sur les plateformes ukrainiennes suppose une formation, des adaptations des avions (interfaces, racks, certification). De plus, l’utilisation de ces missiles depuis l’Ukraine contre des cibles sur territoire russe pourrait être politisée, avec des restrictions imposées par Washington ou des alliés sur leur emploi, afin d’éviter une escalade. Enfin, la cadence de production, bien que planifiée pour être élevée, dépend de la chaîne d’approvisionnement, des composants critiques, et des moyens industriels mobilisés.
Comparaison avec les missiles existants et rôle par rapport à JASSM et Atacms
L’ERAM se positionne entre les missiles lourds comme le JASSM-ER et les missiles tactiques comme ATACMS. Il offre une portée réduite par rapport à certains Atacms, mais avec plus de flexibilité, un coût moindre, et une meilleure compatibilité avec les aéronefs tactiques ukrainiens. Le JASSM-ER est plus long à produire, plus cher, et nécessite souvent des avions spécialisés ou lourds. Les ATACMS, surtout les versions de longue portée, sont en nombre limité. ERAM pourrait combler un vide : frapper des cibles profondes sans mobiliser les ressources d’un bombardier stratégique ni compromettre des avions tactiques. En cela, il renforce la capacité offensive ukrainienne à frapper dans la profondeur de manière répétée, modulée, et plus soutenable.
Les conséquences pour les doctrines et les capacités militaires occidentales
Le succès d’ERAM pourrait inciter les forces alliées à repenser certains programmes d’armement. Premièrement, cela encourage les approches modulaires, à prototypage rapide et à coût contrôlé. Deuxièmement, cela renforce l’importance du standoff aérien par rapport aux frappes frontales ou aux bombardements lourds. Troisièmement, cela renforce le rôle de l’aviation tactique dans les opérations stratégiques. Enfin, cela peut encourager d’autres pays à financer ou cofinancer des capacités similaires, pour partager les coûts et accélérer la production. Pour les États-Unis, c’est aussi une démonstration de crédibilité : capacité de réponse rapide, soutien aux alliés, et innovation dans les armes de précision.
Points à surveiller
- La performance réelle en conditions de guerre électronique russe (guidage GPS, résistance au brouillage).
- La cadence de production : si le premier lot est petit, maintenir les délais sera challengeant.
- Les usages politiques et stratégiques : ordre d’emploi, autorisation des frappes, risques d’escalade russe.
- La logistique opérationnelle ukrainienne : intégration sur MiG-29, F-16, formation des équipages.
- Le coût par unité par rapport aux JASSM ou Atacms pour évaluer l’efficience long terme.
Au fil de ces développements, l’ERAM apparaît non seulement comme une innovation stratégique pour l’Ukraine mais aussi comme un prototype opérationnel pour l’avenir des armes de précision. Son effet immédiat sera observé sur le champ de bataille, mais son influence pourrait se prolonger bien après la fin du conflit, en redéfinissant la manière dont les nations conçoivent les missiles de croisière à longue portée.
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