Programme NGAD de l’USAF : enjeux financiers, rivalité avec le chasseur chinois J-20, perspectives opérationnelles.
L’US Air Force poursuit le développement du programme NGAD (Next Generation Air Dominance), conçu pour succéder au F-22 Raptor. Ce projet vise à intégrer un chasseur piloté de sixième génération, désigné F-47, dans un ensemble de systèmes interconnectés, incluant des drones de combat autonomes appelés CCA (Collaborative Combat Aircraft). Le démonstrateur de cet appareil, développé par Boeing, a déjà volé en secret. Mais malgré les avancées technologiques, le programme est aujourd’hui confronté à un débat intense sur son coût. Des publications sur X évoquent un prix unitaire de plus de 300 millions de dollars, soit trois fois celui d’un F-35, ce qui soulève des questions sur la soutenabilité budgétaire du projet. Pourtant, dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine et son chasseur J-20, le NGAD est considéré comme essentiel pour garantir la supériorité aérienne américaine au cours des prochaines décennies. Si peu d’informations opérationnelles ont émergé récemment, l’enjeu stratégique demeure majeur. Cet article présente une analyse détaillée du programme, de ses caractéristiques techniques et de ses implications financières, tout en évaluant sa place dans la compétition aérienne mondiale.
Le contexte stratégique et technologique
Le NGAD ne se limite pas à la conception d’un nouvel avion. Il s’agit d’un programme global visant à créer un système d’armes composé d’un chasseur habité de sixième génération, de drones d’accompagnement (CCA) et d’une architecture logicielle ouverte. Le F-47, nom attribué au futur avion, remplacera progressivement le F-22. Environ 200 exemplaires sont prévus, accompagnés de plus de 1000 drones CCA. Ces drones auront des fonctions spécifiques : brouillage, guerre électronique, lancement de missiles ou recueil de renseignement. Chaque F-47 devrait être entouré de deux drones minimum, en complément du soutien aux F-35.
Le moteur du F-47, issu du programme NGAP (Next Generation Adaptive Propulsion), offrira une poussée accrue de 10 % et une réduction de la consommation de carburant, grâce à une technologie à cycle adaptatif développée par General Electric et Pratt & Whitney. Ce type de moteur permet d’adapter le flux d’air en fonction des phases de vol, optimisant ainsi la performance sur les longues distances ou lors des manœuvres offensives.
Le chasseur lui-même intégrera des technologies avancées de furtivité, de fusion de capteurs et de communication cryptée avec les drones. Il sera capable d’opérer dans des environnements fortement contestés, face à des systèmes de défense modernes comme les S-400 ou les futurs systèmes hypersoniques. Il est aussi prévu que l’avion fonctionne avec une modularité logicielle, ce qui facilitera les mises à jour de systèmes sans avoir à démonter l’appareil. Ce concept, déjà testé sur le F-35, doit être poussé plus loin avec le NGAD.
Face au J-20 chinois, dont les évolutions récentes augmentent l’autonomie, l’agilité et la furtivité, l’US Air Force souhaite ainsi maintenir une avance qualitative. L’entrée en service opérationnelle du NGAD est prévue autour de 2030, avec des capacités initiales attendues entre 2028 et 2029. Mais ce calendrier dépendra fortement des arbitrages budgétaires à venir.
Les enjeux budgétaires, critiques et décisions récentes
Le coût estimé du F-47 dépasse les 275 millions d’euros par unité, ce qui place cet appareil parmi les plus onéreux jamais conçus. À titre de comparaison, un F-35A coûte environ 90 millions d’euros. Pour le développement global du programme NGAD, le budget prévisionnel pourrait excéder les 50 milliards d’euros d’ici à la fin de la décennie, en incluant les avions, les drones, les moteurs et les infrastructures de soutien.
Entre 2022 et 2024, près de 5,1 milliards d’euros ont déjà été investis. Pour l’année 2025, la demande budgétaire s’élève à plus de 2,5 milliards d’euros, incluant 500 millions destinés au développement des CCA. Ces chiffres provoquent de vives critiques, y compris au sein du Congrès, où plusieurs élus jugent ces dépenses déconnectées des réalités financières du Pentagone. D’autres voix alertent sur le risque de cannibaliser d’autres programmes majeurs, comme le bombardier B-21 ou la modernisation de la dissuasion nucléaire.
En mars 2025, Boeing a été officiellement désigné comme maître d’œuvre du chasseur NGAD, à l’issue d’un appel d’offres opposant Lockheed Martin et Northrop Grumman. Ce choix marque une rupture, puisque Boeing n’avait plus conçu de nouveau chasseur piloté depuis le F/A-18E/F Super Hornet dans les années 1990. Le contrat initial couvre la phase de pré-production et pourrait atteindre 20 milliards d’euros d’ici 2029.
Des voix internes à l’US Air Force plaident toutefois pour une réduction du nombre d’exemplaires du F-47, au profit d’une flotte plus étoffée de drones CCA, jugés plus rentables. Chaque drone coûterait entre 22 et 28 millions d’euros selon les versions, ce qui permettrait de multiplier les vecteurs de frappe sans exposer de pilote. La doctrine actuelle, cependant, continue de privilégier la présence humaine dans les missions critiques, au moins jusqu’à 2040.
L’importance du débat public et la rivalité technologique avec la Chine
Les publications sur les réseaux sociaux, notamment sur X, témoignent d’un débat intense entre spécialistes, militaires et analystes. Certains estiment que les ambitions du programme NGAD dépassent les capacités de financement actuelles de l’USAF. D’autres rappellent que la compétition stratégique avec la Chine impose un investissement massif, sous peine de perdre l’avantage technologique.
Le chasseur chinois J-20, produit par Chengdu Aircraft Corporation, a déjà dépassé les 200 unités livrées. Son rayon d’action dépasse les 2 000 kilomètres, et les dernières versions intégreraient un radar AESA de nouvelle génération. Pékin investit également dans l’intelligence artificielle pour développer ses propres drones d’accompagnement.
La pression exercée par cette montée en puissance impose aux États-Unis de maintenir une avance qualitative. Or, si le NGAD n’est pas opérationnel à temps, le risque de déséquilibre stratégique s’accentuera, notamment dans l’Indo-Pacifique. Plusieurs simulations militaires conduites ces deux dernières années par le RAND ou le Center for Strategic and Budgetary Assessments confirment l’importance cruciale d’un système NGAD complet pour dissuader toute offensive chinoise dans la région.
Mais ces enjeux stratégiques se heurtent à la réalité politique. La fragmentation du budget de défense, les tensions au Congrès et les priorités concurrentes (cybersécurité, spatial, armement conventionnel) rendent difficile une augmentation massive et continue des financements. Dans ce contexte, le programme NGAD pourrait être contraint à des compromis techniques ou à une production plus limitée que prévue.
Le programme NGAD reflète une ambition technologique légitime face aux menaces émergentes, mais son coût suscite des interrogations profondes sur sa faisabilité à grande échelle. À 275 millions d’euros l’unité, la viabilité du modèle repose sur un équilibre délicat entre volume, capacité et pertinence stratégique. La combinaison F-47 et drones CCA est cohérente dans un environnement opérationnel complexe, mais la concentration des investissements sur un seul système expose l’USAF à un risque d’échec programmé si les délais dérapent ou si les besoins tactiques évoluent trop vite.
Face à une Chine en expansion technologique rapide, reporter ou réduire le programme reviendrait à céder l’initiative. Mais sacrifier d’autres capacités essentielles pour financer un avion hors de prix ne serait pas plus rationnel. L’USAF doit choisir entre un modèle exclusif, extrêmement performant mais coûteux, ou un compromis opérationnel plus modeste mais durable.
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