
Le bombardier stratégique furtif Xi’an H-20 progresse, intégrant la triade nucléaire chinoise et visant à contrer les capacités américaines et russes.
La République populaire de Chine poursuit la modernisation de ses forces stratégiques avec un projet de bombardier furtif à long rayon d’action : le Xi’an H-20. Ce programme, placé sous le contrôle de la PLAAF (People’s Liberation Army Air Force), s’inscrit dans la logique d’une modernisation générale de la dissuasion nucléaire chinoise, au moment où la doctrine militaire de Pékin bascule vers une posture plus offensive.
Ce nouvel appareil, en développement depuis les années 2000, doit permettre à la Chine d’atteindre une capacité de frappe nucléaire aéroportée intercontinentale, et ainsi compléter la triade nucléaire aux côtés des sous-marins lanceurs d’engins et des missiles balistiques intercontinentaux terrestres. Le H-20 est conçu pour porter des missiles de croisière à longue portée, conventionnels et nucléaires, et pour voler à très basse détectabilité radar, sur le modèle des B-2 Spirit et B-21 Raider américains.
Les rares informations disponibles indiquent que cet appareil pourrait être présenté officiellement d’ici 2026. L’objectif est clair : réduire la vulnérabilité du territoire chinois en projetant la puissance nucléaire bien au-delà de la première chaîne d’îles du Pacifique, et rivaliser avec les arsenaux stratégiques des États-Unis et de la Russie. Cet article propose une lecture technique, stratégique et industrielle du programme H-20, de ses enjeux concrets et de ses limites opérationnelles dans un contexte de forte compétition aérienne.
Le design du Xi’an H-20 : une rupture dans la doctrine aérienne chinoise
Le Xi’an H-20 représente une transformation majeure dans la doctrine de bombardement stratégique de la Chine. Contrairement au H-6K, version modernisée du Tupolev Tu-16 soviétique, le H-20 adopte une configuration en aile volante, inspirée de celle du Northrop Grumman B-2 Spirit, afin de réduire sa signature radar. Ce choix architectural indique que la Chine vise une capacité de pénétration en profondeur dans les systèmes de défense ennemis, avec un appareil à faible détectabilité sur plusieurs bandes radar.
Le rayon d’action estimé du H-20 serait de 8 500 à 10 000 kilomètres, ce qui permettrait de frapper des cibles sur le sol américain depuis l’intérieur du territoire chinois, sans ravitaillement en vol. L’appareil devrait embarquer jusqu’à 45 tonnes de charge utile, incluant des missiles de croisière CJ-10K à charge conventionnelle ou nucléaire, avec une portée de 1 500 à 2 500 km selon les sources. Certains analystes évoquent même l’intégration de nouveaux missiles hypersoniques air-sol en phase de développement.
Le profil de vol du H-20 serait optimisé pour le vol subsonique à haute altitude, mais sa vitesse maximale pourrait atteindre Mach 0,95. Son revêtement, ses trappes d’armement internes, l’absence de surfaces verticales et l’intégration avancée des moteurs dans la cellule devraient permettre de réduire sa surface équivalente radar (SER) à moins de 0,01 m².
En optant pour ce modèle, la Chine rompt avec sa doctrine traditionnelle de bombardement basée sur la dissuasion régionale. Elle se dote, pour la première fois, d’un bombardier stratégique capable d’engager des cibles à très longue portée dans un contexte intercontinental. Cette avancée repositionne la PLAAF comme un acteur de dissuasion globale.

La place du H-20 dans la triade nucléaire chinoise
Jusqu’à présent, la composante aérienne de la dissuasion nucléaire chinoise était limitée et symbolique. Les bombardiers H-6K peuvent techniquement emporter des armes nucléaires, mais leur rayon d’action les expose à une interception rapide. En comparaison, le Xi’an H-20 devrait garantir à la Chine une capacité de seconde frappe crédible, notamment en cas de neutralisation partielle de ses vecteurs terrestres et maritimes.
La triade nucléaire chinoise se compose actuellement de :
- Missiles intercontinentaux DF-41 et DF-31AG, portés sur camions ou en silos.
- Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SSBN) de type Jin (classe Type 094), armés de missiles JL-2 et bientôt JL-3.
- Une composante aérienne embryonnaire, avec le H-6N capable de tirer un missile balistique aéroporté, mais sans furtivité ni rayon d’action stratégique.
L’introduction du H-20 permettrait de rééquilibrer cette triade. Sa furtivité lui donnerait une capacité de pénétration qui renforce la logique de frappe en second, condition centrale de la dissuasion nucléaire. Le développement du H-20 laisse donc penser que Pékin souhaite aligner sa dissuasion sur le modèle américain, tout en se protégeant d’une première frappe ennemie.
En outre, la multiplication des vecteurs permet de diluer le risque pour l’ennemi et d’augmenter l’incertitude sur les capacités de riposte. Cette logique renforce la doctrine dite de “minimal dissuasif crédible”, que la Chine semble vouloir faire évoluer vers une posture de dissuasion intégrée offensive, sur fond de rivalité avec les États-Unis dans la région Indo-Pacifique.
Les défis industriels et opérationnels du programme H-20
Le programme Xi’an H-20 repose sur l’écosystème industriel aéronautique chinois, dominé par AVIC (Aviation Industry Corporation of China). La chaîne de production devrait être concentrée dans les installations de Xi’an Aircraft Industrial Corporation, également responsable du H-6K et du Y-20.
L’un des défis majeurs reste la motorisation. La Chine dépend encore partiellement de moteurs russes comme les Soloviev D-30, peu adaptés à un bombardier furtif. Le programme de motorisation domestique WS-10 est opérationnel pour des avions de chasse, mais ses déclinaisons pour les plateformes lourdes posent des problèmes de fiabilité. Un programme dédié, WS-18 ou WS-20, serait en développement pour équiper le H-20, avec une poussée spécifique et un traitement des émissions thermiques compatible avec la furtivité infrarouge.
Un autre défi concerne les systèmes de mission. Pour rivaliser avec les standards occidentaux, le H-20 doit intégrer un système de communication sécurisé, un système de guerre électronique autonome, une gestion avancée de la signature, et un système de navigation résistant aux brouillages GPS. Ces éléments exigent une maturité technologique que la Chine atteint progressivement, mais sans retour d’expérience opérationnel.
Enfin, la doctrine d’emploi reste floue. Un bombardier stratégique furtif n’a de sens que s’il est intégré dans un réseau d’alerte avancée, de communication interforces, et de commandement nucléaire cohérent. Or, la Chine ne dispose pas encore d’un système équivalent au Global Integrated ISR américain. L’efficacité du H-20 dépendra donc autant de son intégration dans un écosystème numérique que de ses performances propres.
Un changement stratégique majeur dans la compétition aéro-nucléaire mondiale
Le développement du bombardier chinois Xi’an H-20 doit être lu dans le contexte de la compétition stratégique entre grandes puissances. Pékin cherche à atteindre la parité nucléaire avec les États-Unis et à dépasser la Russie en capacité aérienne furtive.
À ce jour, seuls trois pays disposent d’un bombardier stratégique furtif : les États-Unis avec le B-2 et bientôt le B-21 Raider, la Russie avec le programme PAK DA encore embryonnaire, et désormais la Chine avec le H-20. La mise en service du H-20 permettrait à la PLAAF d’accéder à un outil de projection de puissance globale, capable de cibler des installations militaires au-delà du Pacifique occidental.
Ce développement doit aussi être mis en perspective avec la stratégie de ni guerre, ni paix que Pékin applique dans ses tensions avec Taïwan, le Japon ou l’AUKUS. En disposant d’un vecteur aéroporté furtif, la Chine accroît la crédibilité d’une frappe d’intimidation, y compris dans un contexte non nucléaire.
Toutefois, la Chine prend aussi le risque de précipiter une nouvelle course aux armements dans l’Indo-Pacifique. Le Japon a déjà doublé son budget défense. L’Australie accélère ses programmes de missiles à longue portée. Les États-Unis renforcent leur réseau de bases aériennes dans la région. Si le H-20 est perçu comme une menace directe, il pourrait provoquer une logique de riposte généralisée qui affaiblirait la stabilité stratégique.
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