
La France étend son soutien à l’Ukraine avec de nouveaux Mirage 2000-5F, renforçant ses capacités aériennes contre l’armée russe.
Un transfert d’aéronefs structurant pour la doctrine ukrainienne
Le 26 juin 2025, la présidence française a confirmé l’élargissement de son soutien militaire à l’Ukraine par la livraison d’un second lot de Mirage 2000-5F, après un premier envoi opéré en janvier 2025. Ce transfert s’inscrit dans une stratégie visant à compenser l’usure des moyens aériens ukrainiens, soumis à une pression constante depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Ces avions de chasse sont destinés à intégrer progressivement l’ordre de bataille de l’armée de l’air ukrainienne, avec un double rôle : supériorité aérienne et frappe de précision.
Les appareils livrés sont prélevés sur les stocks de l’Armée de l’Air et de l’Espace française. Il s’agit de Mirage 2000-5F issus des escadrons désengagés au profit des Rafale, notamment ceux opérant depuis Luxeil-les-Bains et Orange-Caritat. La livraison concerne à ce jour 12 appareils supplémentaires, ce qui porterait le total à 22 Mirage 2000-5F livrés à Kyiv.
Ces avions sont adaptés à des missions air-air grâce à leur radar RDY-2 et à l’emport de missiles MICA EM, mais également air-sol en intégrant des munitions comme les missiles SCALP-EG ou Storm Shadow, déjà utilisés en Ukraine depuis 2023. L’objectif est d’étendre les capacités de frappe en profondeur de l’aviation ukrainienne, tout en renforçant sa dissuasion tactique face aux forces russes.

Une configuration adaptée au contexte opérationnel ukrainien
Le Mirage 2000-5F livré par la France est un chasseur monoréacteur de génération 4+, conçu par Dassault Aviation dans les années 1990, et modernisé à plusieurs reprises pour répondre aux normes OTAN. Doté du radar RDY-2, il permet l’engagement de cibles multiples à moyenne portée, en combinant guidage radar et désignation inertielle. L’avion peut atteindre une altitude opérationnelle de 16 800 mètres, avec une vitesse maximale de Mach 2,2, soit environ 2 350 km/h.
En configuration air-air, il emporte généralement deux MICA EM à guidage radar actif, avec une portée de 80 kilomètres, complétés par des MICA IR pour le combat rapproché. En air-sol, les ingénieurs français ont validé l’intégration des missiles SCALP-EG, dont la version britannique Storm Shadow a déjà démontré son efficacité contre des cibles fortifiées en Crimée et dans le Donbass.
Chaque missile SCALP coûte entre 850 000 et 1 million d’euros, selon la configuration. Son autonomie de plus de 250 kilomètres, sa capacité à voler à basse altitude en terrain masqué, et son ogive pénétrante BROACH en font un outil de choix contre les centres de commandement, les dépôts logistiques ou les bunkers.
Les Mirage 2000 transférés à l’Ukraine subissent une remise en condition technique à Istres, en lien avec les équipes de Sabena Technics et Safran Aircraft Engines, afin d’adapter les systèmes de communication et les interfaces de mission à l’environnement ukrainien. Ce processus comprend également la formation d’un nombre limité de pilotes ukrainiens en France, dans le cadre d’un cycle de six mois, en lien avec le Centre de formation de Mont-de-Marsan.
Un coût stratégique assumé par les forces françaises
Le transfert des Mirage 2000-5F n’est pas sans conséquence pour l’Armée de l’Air française, qui voit ainsi son parc aérien réduit dans un contexte de tensions multiples : opérations extérieures, missions OTAN, posture de dissuasion. À la fin 2024, la France disposait d’environ 26 Mirage 2000-5F opérationnels, en complément de 96 Rafale en ligne.
La cession de près de 85 % du parc Mirage 2000-5F suppose une accélération des livraisons de Rafale à l’armée française, pour éviter une perte de disponibilité opérationnelle. Selon les dernières projections, Dassault Aviation doit livrer 18 Rafale F4.1 à l’Armée de l’Air en 2025, contre 15 initialement prévus. Cette cadence est rendue possible par la réorganisation de la chaîne d’assemblage de Mérignac, avec un objectif de 3 à 4 avions produits par mois.
Le coût de cette accélération n’est pas neutre. Il implique une priorisation de la France sur certaines commandes à l’export, notamment pour la Serbie et l’Indonésie, dont les livraisons pourraient être décalées. Le soutien à l’Ukraine s’effectue donc au prix d’un réajustement de la politique industrielle de défense française, dans un équilibre entre soutien politique, autonomie stratégique et compétitivité commerciale.
Cette opération est aussi un test logistique. Elle impose à l’Ukraine de maintenir une flotte mixte de MiG-29, Su-27, F-16 (bientôt livrés), et Mirage 2000, avec des chaînes d’approvisionnement distinctes. Cela génère un besoin accru en mécaniciens, en simulateurs de vol et en pièces détachées, que la France et plusieurs partenaires européens s’engagent à fournir, dans le cadre du fonds d’assistance militaire de l’UE.

Une lecture politique et militaire du geste français
Au-delà de l’aspect opérationnel, la livraison de Mirage 2000-5F constitue un signal stratégique dans l’espace euro-atlantique. Elle positionne la France comme un acteur engagé militairement aux côtés de l’Ukraine, avec une capacité de projection aérienne crédible. Contrairement aux États-Unis, qui ont priorisé la formation des pilotes de F-16, la France mise sur une capacité immédiate de déploiement, en fournissant non seulement les avions, mais aussi l’armement et le savoir-faire.
Ce geste pourrait aussi renforcer la position de la France dans le débat interne à l’OTAN sur la répartition de l’effort militaire. Alors que certains pays, comme l’Allemagne, privilégient une aide indirecte, Paris assume un choix offensif et technologique, en cohérence avec ses intérêts de puissance moyenne disposant de moyens industriels souverains.
Côté ukrainien, les Mirage 2000 sont perçus comme un complément aux F-16. Moins polyvalents, mais plus rapides à intégrer, ils permettent une montée en capacité progressive, avant l’arrivée d’une flotte F-16 pleinement opérationnelle d’ici fin 2026. L’intégration conjointe des SCALP, Storm Shadow et MICA permet à l’Ukraine de frapper au-delà de la ligne de front, tout en conservant un certain degré de défense aérienne locale, notamment dans les régions sud et est.
Politiquement, ce transfert sert aussi les intérêts de la diplomatie française. Il positionne Paris dans une posture d’influence, notamment face aux critiques sur l’ambiguïté de sa position stratégique en 2022. En livrant des avions de chasse capables d’opérer rapidement sur le théâtre ukrainien, la France s’inscrit dans une logique d’acteur opérationnel, et non simplement d’allié de second rang.
Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.