
Le budget 2026 du Pentagone prévoit 129 avions de chasse F-15EX, un tournant stratégique pour l’USAF face à la réduction des achats de F-35.
Le Département de la Défense américain a annoncé, dans sa proposition budgétaire 2026, l’élargissement du programme F-15EX à 129 appareils, contre 98 initialement. Cette montée en puissance coïncide avec la décision d’équiper la Michigan Air National Guard avec 21 unités. D’autres escadrons situés à Portland, Fresno, New Orleans et Kadena (Japon) recevront également ce modèle. Le coût estimé de l’opération atteint 2,8 milliards d’euros. L’avion F-15EX, évolution du F-15 conçu dans les années 1970, est destiné à combler un besoin de renouvellement rapide des flottes tout en limitant les risques liés aux retards du programme F-35. Le choix de maintenir une ligne de production à St. Louis renforce la position de Boeing, qui bénéficie aussi du contrat NGAD (Next Generation Air Dominance). Cette orientation budgétaire reflète une volonté politique d’assurer une capacité de frappe crédible et disponible rapidement, avec des avions technologiquement éprouvés.
Une décision budgétaire qui augmente le programme de 31 appareils
Le budget 2026 présenté par le Département de la Défense américain attribue 3 milliards de dollars (environ 2,8 milliards d’euros) à l’achat de nouveaux F-15EX. Ce financement permet de porter la flotte prévue de 98 à 129 avions, une augmentation nette de 31 unités. Cette décision a été confirmée par un haut responsable de l’USAF lors d’une conférence de presse.
Le programme F-15EX, aussi appelé Eagle II, repose sur l’architecture éprouvée du F-15, tout en intégrant des systèmes modernes : radar AESA AN/APG-82, guerre électronique EPAWSS, cockpit numérique, liaison de données avancée, et capacité à emporter jusqu’à 13,6 tonnes de munitions. Ce modèle permet un renouvellement rapide des escadrons opérant encore avec des F-15C/D vieillissants, dont certains ont dépassé les 8 000 heures de vol.
Le financement est également lié à la réaffectation d’unités : la Michigan Air National Guard, qui perd ses A-10, recevra 21 F-15EX. Ce chiffre dépasse le standard prévu de 18 avions par escadron, suggérant un ajustement de la structure de force vers des unités plus étoffées.
La ventilation des 129 avions pourrait se répartir ainsi :
- 5 escadrons de 18 avions : 90 unités
- 1 escadron (Michigan) : 21 unités
- Test, évaluation, entraînement : 8 à 10 unités
- Réserve opérationnelle ou escadron supplémentaire possible : 10 à 12 unités
Ce format permettrait de reconstituer une force de supériorité aérienne en soutien aux missions nationales et internationales, sans dépendre exclusivement du F-35, plus coûteux et encore en phase de maturation technique pour certaines de ses fonctions (Block 4 notamment).
Une réponse aux contraintes opérationnelles de l’USAF
Le renforcement du programme F-15EX répond à une logique opérationnelle. La US Air Force dispose encore de nombreux F-15C/D, dont la maintenance devient de plus en plus coûteuse. La modernisation de ces cellules serait économiquement irrationnelle : selon les estimations internes de l’Air Force, le coût unitaire d’un F-15EX est inférieur à 90 millions de dollars (≈84 millions d’euros), contre environ 150 millions d’euros pour un F-35A une fois équipé et soutenu dans ses missions de combat longue durée.
Le F-15EX offre des capacités de frappe air-air à longue portée, avec l’intégration du missile AIM-260 JATM, concurrent du Meteor européen. Il peut aussi embarquer des charges lourdes comme le GBU-57 (bunker buster de 13 tonnes) grâce à sa structure robuste, ce qui lui donne un avantage pour des missions de pénétration conventionnelle sans furtivité.
Cette stratégie vise à combler les lacunes de disponibilité immédiate de la flotte furtive. Le F-35 est performant, mais son taux de disponibilité reste sous les 60 % dans certains escadrons, en raison de la complexité logistique et des délais de mise à jour des logiciels Block 4.
En d’autres termes, le F-15EX est un avion immédiatement opérationnel, adapté aux conflits de haute intensité, tout en étant moins dépendant d’une chaîne de soutien numérique complexe. Sa double motorisation (F110-GE-129) garantit également une fiabilité supérieure dans des environnements étendus.

Une consolidation industrielle pour Boeing
L’élargissement du programme F-15EX renforce la position de Boeing Defense, notamment face à la réduction temporaire des commandes de F-35 de Lockheed Martin. Dans le budget 2026, seulement 47 F-35 seront acquis contre 74 initialement prévus, afin de réaffecter des fonds vers la modernisation logicielle et le maintien de flotte.
Pour Boeing, le F-15EX devient le seul avion de chasse encore produit à St. Louis, dans une chaîne d’assemblage optimisée pour produire jusqu’à 2 à 3 avions par mois. Cette cadence permettrait, en rythme de croisière, de livrer les 129 avions en environ 4 à 5 ans, sans interruption.
Cette production soutenue offre plusieurs effets concrets :
- Maintien de plus de 5 000 emplois directs et sous-traitants dans le Missouri
- Garantie d’un continuum industriel en attendant le programme NGAD (Next Generation Air Dominance)
- Résilience face aux risques de dépendance à un seul avion de 5e génération
La victoire de Boeing sur le contrat du F-47 NGAD ajoute un second levier de croissance, mais ce programme n’est pas attendu avant 2030 pour une entrée en service initiale. D’ici là, le F-15EX permet de soutenir les exportations, notamment vers des pays comme l’Indonésie ou Israël, intéressés par ce modèle polyvalent non furtif.
Conséquences stratégiques et lectures politiques
L’extension du programme F-15EX peut aussi s’interpréter à l’aune de considérations politiques et stratégiques. L’administration Trump, dans son second mandat, cherche à réorienter la planification militaire vers des formats immédiatement disponibles, robustes et moins dépendants de la furtivité technologique pure.
Le choix du F-15EX indique une préférence pour une doctrine de puissance de feu massive, capable de saturer les espaces aériens contestés, notamment dans l’Indo-Pacifique, face à la montée en puissance de la Chine.
Les bases de Kadena au Japon, Fresno ou Portland ont été identifiées comme points d’entrée du F-15EX dans les zones à tension. Cette orientation suggère que l’USAF mise sur une capacité de projection à rayon moyen, avec un fort volume de munitions embarquées, dans un environnement où la furtivité pourrait être compromise par des radars passifs et des réseaux multi-capteurs.
Enfin, sur le plan intérieur, cette décision sert aussi à consolider l’assise politique de Trump dans des États industriels, comme le Missouri, l’Oregon ou le Michigan. Le maintien des chaînes de production, la réaffectation des escadrons et la visibilité donnée aux États-Unis à ce programme participent d’une logique de politique industrielle assumée.
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