
L’Iran a utilisé des missiles balistiques à sous-munitions contre Israël, complexifiant l’interception et révélant ses choix tactiques dans un conflit prolongé.
Le 19 juin 2025, l’Iran a tiré au moins un missile balistique à sous-munitions en direction d’Israël. Ce type d’armement, dont la charge se fragmente en vol, vise à saturer une zone étendue avec plusieurs charges explosives. Larguées à environ 7 000 mètres d’altitude, les 20 sous-munitions identifiées contenaient chacune 2,5 kg d’explosif, s’étalant sur un rayon de 16 km. Cette tactique renforce la létalité des frappes, complique les efforts d’interception et reflète une évolution de la doctrine iranienne, qui cherche à maximiser les effets destructeurs malgré une précision limitée. L’arsenal utilisé – missiles Emad, Ghadr, Shahab-3 et peut-être Khorramshahr-4 – repose en grande partie sur des dérivés nord-coréens ou soviétiques. Les systèmes balistiques iraniens, encore loin des normes occidentales en matière de précision, misent sur le volume et la dispersion. Cette attaque révèle aussi une inquiétude : Israël et ses alliés disposent de capacités anti-missiles efficaces, mais la saturation simultanée par différentes charges pourrait à terme réduire leur efficacité. Par ailleurs, l’Iran semble conserver des missiles à longue portée plus performants pour un usage ultérieur, dans un conflit qui prend la forme d’un bras de fer asymétrique à longue portée.
Un choix tactique basé sur la saturation de zone
L’usage de missiles balistiques équipés de charges à sous-munitions vise un objectif clair : contourner les systèmes d’interception en générant une dispersion verticale et horizontale des charges explosives. Le missile tiré le 19 juin s’est fragmenté à 7 000 mètres d’altitude, libérant 20 sous-munitions de 2,5 kg chacune. La surface d’impact, environ 200 km², rend l’interception quasi impossible si la fragmentation survient en phase terminale. Cette stratégie ne vise pas une cible précise, mais multiplie les chances de toucher un objectif militaire ou symbolique en zone urbaine dense.
En choisissant ce mode d’engagement, l’Iran contourne les limites de la précision balistique de ses modèles actuels. Les missiles Shahab-3 ou Emad présentent une marge d’erreur (CEP) de 1,2 km, selon les données du James Martin Center for Nonproliferation Studies. Sur cette base, la probabilité d’atteindre une cible ponctuelle est faible, sauf si celle-ci couvre une large surface (site logistique, aéroport, base militaire).
La stratégie iranienne repose donc sur la volumétrie et la dispersion, combinant frappes multiples et saturation de l’espace aérien. À court terme, ce choix accroît la létalité, mais pose aussi un problème politique : l’usage de sous-munitions est interdit par la Convention de 2008, que ni l’Iran ni Israël n’ont signée, mais dont la portée normative reste sensible.
Une évolution des vecteurs iraniens vers la guerre de précision
L’hypothèse de l’usage du Khorramshahr-4 (Kheibar), missile balistique à carburant solide, interroge sur l’évolution des capacités iraniennes. Ce modèle, d’une portée de 2 000 km et doté d’une charge utile de 1 500 kg, pourrait théoriquement emporter plusieurs charges distinctes, voire une charge à fragmentation programmable. Bien que les images de tirs circulant en ligne datent de 2023, l’absence de revendication explicite ne suffit pas à écarter son emploi dans cette salve du 19 juin.
La capacité du Khorramshahr-4 à transporter des charges multiples – théoriquement jusqu’à 1 500 kg répartis sur 3 à 5 charges – en fait une plate-forme de choix pour des frappes destinées à submerger les défenses israéliennes. Par ailleurs, le recours à du carburant solide confère à l’Iran un gain en réactivité tactique : le missile peut être lancé sans préparation liquide préalable, réduisant le temps d’exposition à la détection satellite.
Cette évolution va de pair avec d’autres vecteurs comme Fattah-1, missile décrit comme hypersonique mais techniquement classé comme MRBM doté de MaRV (véhicule de rentrée manœuvrant). Même si les performances de manœuvrabilité en phase terminale sont discutées, cette classe de missile réduit la probabilité d’interception par le Dôme de Fer ou Arrow 3, les boucliers balistiques israéliens.
L’ajout de charges à sous-munitions à ces missiles transforme donc des vecteurs imprécis en outils de saturation territoriale, ce qui reconfigure le calcul des coûts pour Israël. Chaque missile intercepté coûte entre 40 000 et 80 000 euros, tandis qu’un missile balistique Shahab-3 coûte environ 500 000 à 1 000 000 euros à produire. Mais une seule charge non interceptée peut paralyser une base aérienne ou endommager une infrastructure stratégique, renversant l’équation du rendement tactique.

Les limites croissantes des défenses israéliennes sous saturation
L’une des conséquences directes de l’usage de charges à fragmentation est la baisse du taux d’interception constatée le 19 juin. Si le système Arrow 3 ou le Dôme de Fer sont performants en interception unitaire, leur efficacité diminue dès que la densité de projectiles dépasse les seuils de traitement simultané. La fragmentation à haute altitude pose un défi technique : chaque sous-munition devient une menace distincte, nécessitant un suivi, une évaluation, puis une neutralisation.
Par ailleurs, les missiles Emad ou Ghadr utilisés par l’Iran disposent de véhicules de rentrée manœuvrants (MaRV). Ces charges, détachées en phase terminale, changent légèrement de trajectoire, compliquant l’ajustement de tir pour les systèmes antimissiles. Cette stratégie d’effet combiné (MaRV + fragmentation) rend chaque salve plus difficile à contenir, surtout si elle est coordinée avec des leurres électroniques ou des missiles classiques à tête unitaire.
Selon les données fournies par les Forces de défense israéliennes (IDF), plus de 40 cibles stratégiques iraniennes ont été frappées en retour par des missiles air-sol lancés par environ 25 avions de chasse. Ces frappes ont visé des plateformes prêtes à tirer, comme un lanceur Emad prêt à usage. Toutefois, ce succès ne neutralise pas le risque d’épuisement des stocks d’intercepteurs, dont la production reste limitée face à la cadence potentielle de tir de l’Iran.
Le conflit devient ainsi une guerre d’usure technologique et économique, où l’objectif est moins la destruction que la surcharge logistique du dispositif adverse. Israël, appuyé par des capacités américaines régionales, semble encore en position de force, mais cette pression croissante met en lumière la vulnérabilité des défenses à la saturation par charges multiples.
Une stratégie asymétrique en évolution
L’Iran n’a pas encore engagé l’ensemble de son arsenal. Selon plusieurs analystes, des missiles à plus longue portée comme Sejjil ou Haj Qassem pourraient être réservés à une phase d’escalade impliquant une riposte directe des États-Unis. Leur potentiel réside dans leur charge utile supérieure et leurs vitesses terminales plus élevées, ce qui limite le temps de réponse adverse.
La guerre des missiles entre l’Iran et Israël révèle un changement doctrinal progressif, où l’effet de masse, la saturation et la guerre psychologique prennent le pas sur la précision. Si cette stratégie entraîne des pertes civiles, elle reflète une logique militaire assumée : frapper loin, paralyser les défenses, et forcer une réaction sur un terrain désavantageux pour l’adversaire.
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