L’Armée de l’Air teste la dispersion rapide de ses Mirage 2000D à Metz-Nancy-Lorraine

L’Armée de l’Air teste la dispersion rapide de ses Mirage 2000D à Metz-Nancy-Lorraine

L’Armée de l’Air et de l’Espace valide à Metz-Nancy-Lorraine un dispositif de dispersion rapide de ses Mirage 2000D, avec un entraînement couplé à BASEX et pensé pour les scénarios de haute intensité.

En résumé

L’Armée de l’Air et de l’Espace a entraîné la mise en œuvre de son concept FRA-ACE sur l’aéroport civil de Lorraine Aéroport (Metz-Nancy-Lorraine). Objectif : vérifier la capacité à disperser et à projeter rapidement des avions de combat, ici des Mirage 2000D, depuis une infrastructure non militaire, avec une empreinte logistique réduite et une coordination étroite des fonctions de soutien et de protection. L’exercice, adossé au cycle BASEX, a simulé des menaces réalistes (défense de base, anti-drone, alerte, NRBC), tout en générant des vols opérationnels depuis une piste civile de 3 050 m (10 006 ft). Le choix du Mirage 2000D RMV – modernisé avec nacelle TALIOS, liaisons de données et nouveaux armements – éclaire la logique : produire des sorties en contexte dispersé, sous préavis court, avec des équipes réduites et du cross-servicing allié. L’entraînement a prévu jusqu’à six sorties par jour, sans vols de nuit, validant des procédures reproductibles en métropole et à l’étranger pour des scénarios de haute intensité.

La manœuvre et ses objectifs

L’AAE a conduit, du 22 au 26 septembre 2025, un entraînement sur l’aéroport civil de Metz-Nancy-Lorraine, couplant l’exercice BASEX (protection et défense de base) avec une phase FRA-ACE déployant plusieurs Mirage 2000D de la 3e escadre de chasse. Le calendrier prévoyait une montée en puissance avec activités de défense, lutte anti-drones, procédures d’alerte et gestion d’explosifs, tout en générant des missions depuis le site civil. Les autorités locales ont annoncé un plafond de six sorties par jour entre le 23 et le 25 septembre, sans vols de nuit, sous coordination du Commandement territorial de l’AAE. Cette combinaison « défense de base + dispersion » vise à éprouver la continuité d’activité aérienne malgré une base principale indisponible ou menacée.

Le concept et ses racines

Le FRA-ACE est l’adaptation française de l’Agile Combat Employment : « schéma de manœuvre proactif et réactif dans des délais imposés par la menace » destiné à accroître survie et puissance aéromilitaire. En France, il s’adosse au concept MORANE (Mise en Œuvre Réactive de l’Arme Aérienne) qui formalise la dispersion des aéronefs et du soutien vers des aérodromes civils ou militaires, avec des lots techniques « essentiels » et des ressources partagées. MORANE a été éprouvé en Europe (Roumanie, Croatie, Suède) avec des déploiements courts, faible préavis, et un recours au cross-servicing hôte (oxygène, azote, moyens de manutention). Des documents officiels (Assemblée nationale, doctrine et retours d’expérience) encadrent cette logique de résilience.

Le choix de l’infrastructure civile

Lorraine Aéroport offre une piste de 3 050 m (10 006 ft), 45 m de large, ILS Cat. III et un terminal de 7 000 m², dimensionnés pour du trafic commercial et du fret. Cette configuration facilite l’accueil d’avions de combat et de convois de soutien tout en garantissant des marges de performance, de ravitaillement et de dégagement. Pour l’AAE, l’enjeu est double : valider l’interfaçage opérationnel avec une plate-forme civile (créneaux, sûreté, périmètres pyrotechniques, ATC) et vérifier la soutenabilité de la génération de missions « depuis n’importe quel terrain compatible » en métropole.

Le vecteur Mirage 2000D RMV au cœur du dispositif

Le Mirage 2000D modernisé RMV prolonge son service au-delà de 2030 et intègre des briques utiles à la dispersion : nacelle TALIOS (reconnaissance/identification/laser), liaisons de données (dont Link 16), armements guidés GBU-49/48/50, AASM, munitions légères BAT-120LG, autoprotection renforcée (leurres supplémentaires via réservoir ventral spécifique), et capacités d’autodéfense air-air (MICA NG IR) en remplacement des Magic II. L’ajout du pod canon de 30 mm (CC422) offre une option d’appui rapproché sur terrain sommaire. À la BA 133, une flotte portée à 50 appareils modernisés fin 2025 sert de socle à ces expérimentations, l’objectif étant de maintenir une capacité de frappe depuis des sites dispersés avec équipages et moyens limités.

La logistique et la protection en mode « empreinte réduite »

Le cœur de l’approche agilité opérationnelle tient à la sobriété du soutien : lots techniques pré-palettisés, personnels resserrés, acheminement par A400M, et partage des ressources avec l’hôte (gaz aéronautiques, engins). Un retour d’expérience de déploiement MORANE en Roumanie mentionne un chargement d’environ 4 tonnes pour 20 m³, découpé en lots (systèmes, détachement, NRBC), et la réalisation de dix sorties totalisant plus de quinze heures de vol en une semaine avec un détachement d’une trentaine d’aviateurs. À Metz-Nancy-Lorraine, la dimension « défense de base » de BASEX a permis d’exercer en parallèle la protection du périmètre (anti-drones, EOD, contrôle d’accès), condition sine qua non pour opérer depuis une emprise civile.

L’Armée de l’Air teste la dispersion rapide de ses Mirage 2000D à Metz-Nancy-Lorraine

L’efficacité attendue : rythmes, délais et coordination

Sur un terrain civil, l’efficacité se mesure d’abord à la cadence de génération de vols et à la tenue des créneaux ATC. Le plafond annoncé de six sorties par jour à Metz-Nancy-Lorraine donne un ordre de grandeur compatible avec un détachement léger Mirage 2000D, sous réserve de bonnes conditions météo et d’une coordination fine avec la plate-forme. Les procédures de « turn-around » s’appuient sur des check-lists adaptées au soutien réduit (armements sous contrôle, carburant, oxygène, inspections visuelles), tandis que la circulation au sol et la coactivité avec le trafic civil sont encadrées par des itinéraires balisés et des zones pyrotechniques temporaires. En cas d’alerte ou d’incident, la chaîne de décision (CTAAE, commandement opératif) arbitre immédiatement entre sécurité aéronautique, sûreté, et maintien de l’effort opérationnel.

Les limites et points d’attention

La dispersion n’est pas gratuite. La réduction de stock local (pièces, outillages) impose un pilotage précis des recomplètements et une priorisation des pannes. La co-activité civil/militaire exige des procédures robustes de déconfliction, de communication (fréquences, phraseologie, data-link) et de sûreté (munitions, périmètres). Le maintien des performances des Mirage 2000D RMV – notamment la disponibilité de la nacelle TALIOS et des kits guidés – conditionne la qualité des effets générables « depuis l’itinérance ». Enfin, l’AAE doit garantir l’entraînement des équipes aux services croisés et au dépannage « terrain » pour éviter l’attrition technique en posture dispersée. Ces contraintes sont assumées par l’architecture FRA-ACE, qui privilégie des déploiements courts, reproductibles, et intégrables aux plans OTAN.

La perspective capacitaire

La montée en puissance de FRA-ACE prépare l’AAE à des environnements A2/AD où la vulnérabilité des bases est élevée. Elle favorise l’interopérabilité OTAN, la mutualisation logistique et une posture plus « nomade » des moyens aériens. À court terme, la 3e escadre pourra capitaliser sur l’expérience de Metz-Nancy-Lorraine pour durcir ses schémas de dispersion en métropole et à l’étranger. À moyen terme, l’extension de ces procédures aux autres flottes, l’intégration de moyens ISR et de munitions de précision diversifiées, ainsi que l’usage accru de données tactiques en réseau doivent consolider cette agilité. L’exercice a aussi valeur de test grandeur nature pour les autorités civiles : il démontre qu’un aéroport régional peut, à besoin, servir de point d’appui militaire sans paralyser son activité.

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