Berne acte la fin des F-5 Tiger d’ici 2027, avec effets majeurs pour la Patrouille Suisse. Enjeu budgétaire, mémoire aéronautique et transition vers le F-35A.
En résumé
La Suisse va décommissionner les F-5 Tiger au plus tard fin 2027, une décision désormais stabilisée au Parlement. Le retrait met fin à plus d’un demi-siècle d’usage opérationnel et touche directement la Patrouille Suisse, vitrine de l’Armée. Les F-5 avaient été retenus dans les années 1970 pour leur coût modéré, leur simplicité et leur adéquation à la défense aérienne du pays. Le débat actuel oppose la valeur patrimoniale et pédagogique de l’équipe de démonstration aux coûts d’exploitation croissants et aux priorités capacitaires. En parallèle, la modernisation Air2030 avance : 36 F-35A doivent entrer en service à partir de 2028, avec un budget pluriannuel serré. L’exécutif écarte l’idée d’un maintien prolongé des F-5, mais ouvre la porte à un transfert de certains appareils vers musées, partenaires étrangers ou revente de cellules. Reste à trancher l’avenir de la marque Patrouille Suisse et le format des présentations aériennes après 2027.
Le calendrier et la décision politique
La décision de retirer les F-5 au plus tard fin 2027 s’inscrit dans une trajectoire politique déjà balisée. Le Parlement a confirmé la sortie de flotte tout en cadrant la transition vers les 36 F-35A du programme Air2030. Plusieurs étapes expliquent ce calendrier : réduction progressive du parc F-5 depuis une décennie, cessions à l’étranger, et maintien d’un noyau pour missions secondaires (plastron, remorquage de cibles, entraînement). L’état-major a acté que le coût marginal de prolongation (pièces, inspections structurelles, surveillance corrosion, moteurs J85) ne se justifie plus face aux gains capacitaires attendus avec l’arrivée des F-35A. La fenêtre 2025-2028 concentre les arbitrages : intégration des escadrilles F-35A, adaptation des infrastructures (hangars, sécurité, outillage), et retrait séquencé des F-5 pour éviter un « trou capacitaire ». La Patrouille Suisse est ainsi protégée jusqu’à 2027, mais sans garantie au-delà.
Le choix historique du F-5 et son rôle en Suisse
Le F-5 s’est imposé à la fin des années 1960 comme un chasseur léger bi-réacteur, robuste, peu coûteux et apte aux terrains contraints. Sa masse modérée, son entretien simple et son coût à l’heure de vol réduit répondaient à la logique helvétique de défense aérienne distribuée, avec une dispersion sur plusieurs bases. Au fil des décennies, les F-5 ont soulagé les F/A-18 dans des rôles utilitaires : présentation de cibles, entraînement, police du ciel limitée en journée et par bonne météo. Dans ce schéma, la Patrouille Suisse a tenu un rôle de représentation et de pédagogie technique, en montrant les basiques de la formation serrée et du pilotage de précision. Mais l’évolution du trafic, des exigences sûreté, et des coûts de maintien en état de cellules anciennes ont progressivement réduit l’intérêt militaire d’une prolongation. Le F-5 reste un symbole ; il n’est plus un outil pertinent pour l’entraînement au combat moderne.
Les coûts, la disponibilité et l’arbitrage budgétaire
La Suisse doit composer avec des enveloppes annuelles contraintes. Le retrait F-5 économise des créneaux maintenance, des stocks de rechanges et des heures mécanicien, à réallouer au F-35A et aux systèmes sol associés. Les facteurs coûts sont clairs : pièces d’origine en raréfaction, réparations structurales plus fréquentes, aléas moteurs, et conformité aux standards actuels. Même si le F-5 affiche un coût direct faible, la logique de flotte impose de concentrer l’effort sur les vecteurs de modernisation de la défense aérienne. Côté présentations, l’addition d’un meeting type exige du kérosène, de la logistique, et la mobilisation d’équipes au sol ; dans un contexte de sobriété énergétique et financière, l’État-major privilégie la présence opérationnelle. Le cadrage politique sur l’acquisition F-35A (enveloppe validée, audits réguliers) renforce cette hiérarchie : chaque franc consacré à une cellule âgée est un franc en moins pour la montée en puissance du système F-35 (simulateurs, outillage, cryptos, liaisons de données).

Les conséquences pour la Patrouille Suisse
Le point sensible est public : que devient la Patrouille Suisse après 2027 ? Plusieurs pistes sont étudiées. Première option, l’extinction pure et simple, au risque d’une perte d’héritage et d’une baisse de visibilité auprès du grand public. Deuxième option, la continuité de la marque avec un turbopropulseur d’entraînement, type PC-7 ou PC-21 de Pilatus. Avantage : coûts réduits, logistique simple, bruit moindre sur les sites. Limite : symbolique et attractivité moindres par rapport à un jet. Troisième option, un noyau réduit de présentations domestiques, avec une politique de sorties à l’étranger très limitée. Le ministère a déjà restreint les démonstrations hors frontières à des cas exceptionnels, pour des raisons budgétaires et environnementales. Quel que soit le choix, l’équipe devra adapter ses programmes (altitudes, distances, procédures) à l’échelle des plateformes retenues, tout en conservant la sécurité des vols comme contrainte non négociable.
Le devenir des F-5 suisses après retrait
Une partie des cellules a déjà pris le chemin de l’export pour servir d’« aggressors » au sein de forces alliées. Ce débouché prolonge la vie de l’avion dans un rôle utile : adversaire réaliste pour le combat aérien, avec coûts limités. D’autres cellules pourraient rejoindre des musées suisses ou des collections privées, après neutralisation militaire et mise en conformité. Le reste alimentera la cannibalisation pour pièces ou la filière démantèlement. Cette diversité de fin de vie est rationnelle : elle réduit les coûts de sortie de flotte et maximise la valeur résiduelle. Sur le plan opérationnel, l’arrêt des F-5 clarifie l’architecture de flotte : F-35A pour la première ligne, PC-21 pour l’instruction avancée, hélicoptères pour la recherche-sauvetage et le soutien. Le pays conserve ainsi un dispositif cohérent, mieux adapté aux menaces et aux contraintes d’aujourd’hui.
La transition vers le F-35A et l’équilibre « mission-exhibition »
À partir de 2028, l’arrivée progressive des F-35A va redessiner l’entraînement, la maintenance et l’emploi des moyens aériens. Les priorités sont la disponibilité, la protection de l’espace aérien et l’interopérabilité européenne. Dans ce contexte, la question « mission-exhibition » se pose sans affect : une patrouille acrobatique sert la communication et la cohésion nationale, mais ne doit pas grever la préparation opérationnelle. La solution la plus probable combine maintien d’un héritage aérien avec un turbopropulseur moins coûteux, et recentrage des jets de combat sur leur cœur de métier. La Suisse n’abandonne pas sa culture aéronautique ; elle l’ajuste. L’enjeu, désormais, est d’expliquer ce choix au public, chiffrer les bénéfices attendus et préserver ce qui compte : des équipages formés, un budget tenu et une posture crédible face aux risques contemporains.
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