
La Chine avance dans l’arme électromagnétique furtive. Les États-Unis peinent à suivre face aux EMP et à la guerre électronique cognitive.
La guerre moderne se transforme en un champ de bataille invisible, où les impulsions électromagnétiques (EMP) et les micro-ondes à haute puissance (HPM) remplacent les projectiles. Ces systèmes peuvent neutraliser avions, drones, radars ou réseaux entiers sans laisser de trace visible. La Chine développe activement des capacités de guerre électronique cognitive (CEW) combinant IA et brouillage de signaux, tandis que les États-Unis accusent un retard estimé à plus d’une décennie. Des technologies comme Leonidas (système HPM mobile) ou des algorithmes CEW testés par l’US Air Force montrent un frémissement, mais les capacités opérationnelles restent limitées. Le risque n’est plus seulement militaire : des groupes non étatiques pourraient exploiter ces technologies, désormais plus accessibles, et mener des attaques invisibles contre des villes, des bases, ou des infrastructures critiques.
EMP et HPM : les armes furtives de la nouvelle guerre numérique
Les impulsions électromagnétiques (EMP) et les micro-ondes à haute puissance (HPM) constituent des armes capables de détruire ou perturber l’électronique d’un ennemi instantanément, sans bruit, fumée ni débris. Un EMP bien ciblé sur un centre urbain ou une base militaire peut :
- neutraliser les communications,
- interrompre la navigation aérienne,
- provoquer des pannes de systèmes critiques, de manière indétectable.
La Chine, via l’Armée populaire de libération (APL), développe ces armes dans une approche intégrée : l’intelligence artificielle (IA) est utilisée pour détecter les signaux adverses, identifier leurs vulnérabilités et brouiller ou détruire sélectivement les composants électroniques.
C’est cette fusion IA + guerre électromagnétique qu’on appelle guerre électronique cognitive (CEW). Ces technologies sont désormais considérées comme aussi stratégiques que la suprématie aérienne dans les conflits du XXe siècle.

Un retard structurel des États-Unis dans le domaine CEW
Selon un rapport du Center for Strategic and Budgetary Assessments, les États-Unis auraient une à deux décennies de retard sur la Chine en matière de guerre électronique. Ce constat est partagé par le US-China Economic and Security Review Commission, qui a alerté le Congrès en novembre 2024 sur les capacités avancées de détection, ciblage et disruption développées par l’APL.
Dans le détail :
- Le projet Maven, lancé dès 2017 pour intégrer l’IA dans les opérations militaires, n’a donné que peu de résultats concrets sur le terrain.
- Le système Leonidas conçu par la société Epirus utilise une antenne à large panneau directionnel pour détruire les composants électroniques des drones via une impulsion HPM. Déployé à l’essai au Moyen-Orient, il est prometteur, mais encore embryonnaire.
- L’US Air Force a confié 6,4 millions de dollars à Southwest Research Institute pour développer des algorithmes CEW capables de réagir plus vite qu’un opérateur humain.
Mais selon le colonel Larry Fenner Jr., commandant de la 350th Spectrum Warfare Wing, aucun système aérien américain n’est aujourd’hui capable de détecter, classifier et neutraliser une attaque électronique de façon autonome. Les processus restent lourds, manuels et lents, alors que l’ennemi peut frapper en quelques millisecondes.
Des armes cachées dans des camions : la guerre sans visage
L’une des évolutions les plus inquiétantes réside dans la miniaturisation et la dissimulation de ces systèmes. En 2025, le Royaume-Uni a présenté Gravehawk, un missile sol-air dissimulé dans un conteneur maritime standard. Le même principe peut s’appliquer à un EMP ou un HPM compact :
- transportable dans un camion de livraison, wagon de fret ou cargo civil,
- activable à distance,
- sans résidu ni explosion, ce qui complice l’attribution de l’attaque.
Une frappe discrète en centre-ville pourrait provoquer un effondrement instantané du réseau électrique, des arrêts de transports, ou des coupures de communication militaire, sans qu’on sache immédiatement s’il s’agit d’une panne ou d’un acte hostile.
C’est cette ambiguïté stratégique qui rend la CEW particulièrement redoutable : elle brouille la distinction entre guerre, cyberattaque et accident technique.
Un risque croissant de prolifération non étatique
Contrairement aux systèmes d’armement traditionnels, les EMP et HPM ne nécessitent pas de logistique lourde ni de formation complexe. Des groupes non étatiques, insurgés, milices ou acteurs terroristes, peuvent désormais :
- acquérir des composants commerciaux,
- les assembler pour produire des systèmes rudimentaires,
- et mener des actions déstabilisatrices, notamment contre des infrastructures civiles.
Un rapport du Department of Homeland Security en 2022 alertait déjà sur l’usage potentiel de ces technologies par des acteurs non gouvernementaux. Le coût d’entrée baisse, les signaux sont difficiles à tracer, et les contre-mesures restent limitées.
Historiquement, les insurgés dépendaient d’IEDs ou d’armes légères. Désormais, ils pourraient mener des opérations électroniques sophistiquées sans attirer l’attention, ni provoquer une réponse militaire immédiate.
Comment s’adapter à cette guerre invisible ?
Face à cette évolution, les armées investissent dans plusieurs axes :
- électronique durcie, capable de résister aux impulsions électromagnétiques,
- algorithmes de détection d’anomalies, basés sur l’IA, pour identifier des attaques CEW en cours,
- cryptographie quantique, visant à protéger les communications même après une attaque EMP.
Mais, comme souvent en matière militaire, la défense reste en retard par rapport à l’attaque. Les systèmes actuels ne permettent pas de détection en temps réel, ni de réaction immédiate contre des CEW automatisées.
Dans ce contexte, le principal défi est doctrinal : comment anticiper une guerre silencieuse, où les armes sont invisibles, dissimulées, et déclenchées sans déclaration formelle ? Les doctrines de dissuasion classiques ne suffisent plus. Il faut désormais penser la guerre comme une perturbation systémique, où la puissance de frappe se mesure à sa capacité à plonger l’adversaire dans le doute et la paralysie sans un seul tir.
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