Une analyse hyperspectrale révèle les dégâts souterrains au site nucléaire de Fordow

Iran Fordow

Des capteurs hyperspectraux d’Orbital Sidekick révèlent des dommages souterrains majeurs après le bombardement du site nucléaire iranien de Fordow.

Orbial Sidekick a utilisé sa constellation GHOSt d’images hyperspectrales pour détecter, à ~500 km de distance, des structures endommagées sous Fordow, usine d’enrichissement nucléaire iranienne, après un raid aérien US en juin. Trois types de béton ont été identifiés autour de trous d’impact, et une construction rectangulaire souterraine semble écroulée ou fortement altérée. Ces observations dépassent ce que l’imagerie électro-optique classique permettait de voir. Ces technologies ouvrent la voie à des applications étendues en surveillance de dégâts, fuites chimiques ou environnementales.

Analyse spectrale par empreinte digitale identifiant trois types distincts de béton de construction sur trois sites susceptibles d’avoir été pénétrés par une bombe. Aucun béton n’a été détecté sur un quatrième site. Crédit : Orbital Sidekick et Maxar Technologies

Analyse des effets du bombardement de Fordow en Iran

L’entreprise Orbital Sidekick (OSK), via sa constellation Global Hyperspectral Observation Satellite (GHOSt), a analysé les effets d’un bombardement US sur l’installation d’enrichissement nucléaire de Fordow, en Iran, en juin.
Grâce à des images hyperspectrales – qui capturent l’intensité de la lumière dans de très nombreuses bandes spectrales – OSK a identifié :

  • la présence d’une structure souterraine rectangulaire dont l’ombre ou les contours sont visibles, suggérant un écroulement ou un effondrement partiel.
  • trois sortes de béton autour des zones supposées de pénétration des bombes.
  • un quatrième site où aucun béton n’a été détecté, ce qui pourrait signifier que l’impact ou les destructions ont enlevé ou disloqué la couche bétonnée.

Ces résultats complètent et affinent les observations obtenues par imagerie électro-optique – normalement limitée aux surfaces visibles, aux changements de couleur ou à la forme extérieure, tandis que l’hyperspectral permet de reconnaître des matériaux spécifiques (type de béton, signatures spectrales) même sous certaines couvertures.

Le contexte technique et stratégique de l’imagerie hyperspectrale

L’imagerie hyperspectrale consiste à mesurer la réflectance de la lumière dans des centaines de bandes spectrales étroites. Cela rend possible de distinguer des matériaux selon leur “empreinte spectrale” : béton, terre, eau, produits chimiques, etc. Cette technique est déjà utilisée dans l’agriculture de précision (analyse de la santé des plantes), la minéralurgie (identification des minerais), la gestion des terres. OSK vise à étendre à l’évaluation de dommages ou à la détection de fuites chimiques.

Stratégiquement, pour des sites sensibles comme Fordow – souvent souterrains, fortement camouflés, ou soumis à restriction d’accès – l’imagerie spatiale hyperspectrale offre un avantage : capacité d’observation à distance, non invasive, hors peine de pénétrer l’espace aérien ou la zone de conflit. OSK souligne que des avions ou drones pourraient ne pas pouvoir légalement ou matériellement accéder au site, rendant les satellites la seule source viable d’informations critiques.

Données chiffrées et exemples concrets

  • Distance de captation : les satellites GHOSt opèrent depuis ~500 kilomètres d’altitude. Cela permet de couvrir de vastes régions tout en maintenant une résolution suffisante pour identifier signatures spectrales précises.
  • Types de béton : trois types distincts ont été identifiés autour de trous d’impact supposés. La variation peut provenir de différentes qualités ou formulations de béton (différents agrégats, liants, densités). Cela peut aider à diagnostiquer la nature de la structure, sa robustesse, ou le type d’impact subi.
  • Structures souterraines : la présence d’une construction rectangulaire souterraine indique une géométrie régulière, non naturelle, qui n’était pas visible via imagerie traditionnelle. L’effondrement ou les dommages peuvent signifier perte structurelle, affaissement des dalles, possible compromis de certaines installations internes (galeries, tuyauteries, équipements).

Exemple concret : après un tremblement de terre, l’imagerie hyperspectrale permet de voir des fuites d’hydrocarbures quand les réservoirs souterrains se fissurent – l’huile ou le carburant modifient la réflectivité des sols ou des nappes d’eau. OSK mentionne également des secours après catastrophes naturelles, trains déraillés avec déversement de fertilisants, fuites provenant de pipelines.

Conséquences de ces découvertes

Sur le plan militaire et géopolitique

  • Les observations hyperspectrales renforcent la transparence internationale : elles permettent à des États ou à des organisations civiles ou médias de documenter des dégâts que le propriétaire du site pourrait cacher.
  • Elles peuvent alimenter des enquêtes sur la conformité aux traités internationaux (non-prolifération nucléaire) : endommagement d’installations d’enrichissement, fuites ou relâchement de matières ou d’effluents dangereux peuvent avoir des implications légales.
  • Elles modifient la posture stratégique : savoir qu’un site est vulnérable peut dissuader, mais peut aussi inciter à renforcer les protections ou modifier les techniques de construction sous terrain.

Sur le plan scientifique et technologique

  • Amélioration des capacités de surveillance et de diagnostic des dégâts : l’identification précise des matériaux endommagés, des types de béton, etc., permet une évaluation post-incident plus fine.
  • Développement de nouveaux algorithmes de reconnaissance spectrale : catalogues de signatures, apprentissage automatique, calibration selon géologie locale et climat, etc.
  • Intégration avec d’autres types de données : imagerie radar (SAR), lidar, électro-optique, données in situ (si accessibles) pour confirmer les observations.

Sur le plan environnemental et pour la population

  • Risques liés à la destruction ou la fissuration de structures souterraines de stockage : produits chimiques, isotopes, radionucléides pourraient être relâchés dans le sol ou les nappes phréatiques.
  • Risques de contamination atmosphérique ou hydrique : même si le témoignage dans l’article ne mentionne pas de détection de substances chimiques spécifiques, la rupture de structures de stockage pourrait poser ce type de problème.
  • Nécessité d’intervention ou de remédiation : certaines zones pourraient exiger un nettoyage, un niveau de surveillance accru, ou des mesures de confinement.
L’analyse post-impact réalisée par OSK a révélé une caractéristique linéaire du sous-sol, corroborée par une analyse spectrale ciblée basée sur la composition de la montagne. Crédit : Orbital Sidekick

Enjeux pour le marché et la politique de surveillance

  • Le marché des satellites hyperspectraux est en croissance. De nombreuses entreprises (OSK, mais aussi d’autres acteurs privés ou publics) investissent dans des capteurs hyperspectraux embarqués. On estime que ce marché croîtra de plusieurs dizaines de pourcents par an, porté par les besoins de sécurité, d’environnement et de gestion des risques.
  • Dans le secteur de la défense et du renseignement, la demande pour des services d’imagerie à haute résolution spectrale augmente, spécialement pour les zones inaccessibles ou militarisées.
  • Politiquement, l’usage de ce type de données peut mettre les États sous pression : publicité de dommages, attentes de transparence, obligations internationales. Certains États peuvent limiter l’accès ou tenter de contester les observations ou leur interprétation.

Limitations et problèmes à considérer

  • Résolution spatiale : bien que l’hyperspectral permette d’identifier des signatures de matériaux, sa résolution géométrique peut être moins fine que celle de certains capteurs électro-optiques. Si les dégâts sont très localisés ou les matériaux très petits, ils peuvent échapper à la détection.
  • Effets atmosphériques et géologiques : la végétation, le sol, la météo, la poussière, les ombres, la topographie peuvent modifier ou masquer les signatures spectrales. Il faut des modèles de correction complexes et calibrations locales.
  • Validation sur le terrain : sans confirmation in situ, il peut y avoir des incertitudes sur ce qui est détecté. Par exemple, identifier un type de béton à partir de signatures spectrales nécessite des références ou des échantillons connus.
  • Questions d’interprétation : la présence ou l’absence de béton n’est pas forcément preuve de présence ou absence de dommage ; parfois, le béton a pu être recouvert, déplacé, ou sinistré d’une manière qui en modifie la signature spectrale sans le rendre invisible.

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