Un contrat historique pour l’AIM-120 : la réponse américaine face à l’épuisement des stocks occidentaux

AIM120 missile

Les États-Unis signent un contrat de 3,5 milliards USD pour produire des missiles AIM-120 à destination de 19 pays, dans un contexte de tensions militaires croissantes.

Le 31 juillet 2025, le Pentagone a validé une commande exceptionnelle auprès de Raytheon pour la production massive de missiles air-air AIM-120 AMRAAM. Montant du contrat : 3,5 milliards de dollars. Jamais un tel volume n’avait été engagé pour une seule série de missiles de cette famille. L’objectif est clair : reconstituer en urgence les stocks de l’armée américaine et de ses alliés, tout en anticipant les besoins en cas d’escalade militaire. Dix-neuf pays, dont le Japon, l’Allemagne, la Pologne, le Royaume-Uni, l’Australie, Israël, l’Ukraine ou encore les Pays-Bas bénéficieront de cette production, qui intègre également des pièces détachées, des systèmes de télémétrie et un soutien logistique.

Dans un contexte marqué par l’intensification des menaces hybrides, la généralisation des attaques par drones bon marché et la pression sur les stocks de missiles modernes, ce contrat illustre la stratégie américaine : produire vite, en masse, des munitions éprouvées. L’AIM-120, missile actif à guidage radar, reste aujourd’hui la colonne vertébrale de la défense aérienne à moyenne portée dans le camp occidental.

Une commande sans précédent et des bénéficiaires multiples

Le montant de 3,5 milliards de dollars couvre les lots 39 et 40 de production d’AIM-120, sans qu’un chiffre précis du nombre de missiles concernés n’ait été communiqué. Le prix unitaire d’un AIM-120 varie selon la version, mais dépasse régulièrement le million de dollars, surtout pour les variantes récentes comme l’AIM-120D-3. On peut donc estimer que le contrat porte sur plusieurs milliers d’unités, destinées à des forces aériennes nationales mais aussi à des systèmes terrestres comme NASAMS.

La liste des bénéficiaires inclut des pays membres de l’OTAN comme l’Allemagne, la Norvège, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Pologne, mais aussi des partenaires stratégiques tels que le Japon, Israël, l’Australie ou l’Ukraine. Le principe est celui des ventes militaires à l’étranger (Foreign Military Sales), qui permet au Département de la Défense d’organiser des commandes groupées pour plusieurs pays clients.

Le missile AIM-120 est compatible avec la quasi-totalité des chasseurs occidentaux, des F-16 aux F-35, en passant par les Typhoon ou les Gripen. Il est également utilisé sur les systèmes sol-air NASAMS, aujourd’hui présents dans plus de 15 pays.

L’usage opérationnel intensif et la crise des stocks

Ce contrat intervient alors que les stocks d’AIM-120 sont sous tension. L’Ukraine a consommé une quantité importante de ces missiles dans la défense de son territoire, notamment à travers le déploiement de systèmes NASAMS. Depuis 2022, ces missiles ont été utilisés contre des drones Shahed iraniens, des missiles de croisière russes et des aéronefs en approche.

En parallèle, Israël a employé ces munitions contre des drones houthis ou iraniens, au-dessus de la mer Rouge ou du Golan. En Irak et en Syrie, les forces américaines les ont également engagés lors de la protection de leurs bases.

Ces consommations se cumulent à une usure normale en entraînement et à une cadence de production insuffisante ces dernières années. Les États-Unis eux-mêmes ont reconnu que les stocks de missiles air-air ne sont pas dimensionnés pour un conflit majeur. La production actuelle ne couvre pas la dépense annuelle, ce qui a conduit à activer des lignes de production dormantes ou à relancer la sous-traitance sur certains composants critiques.

AIM120 missile

Caractéristiques techniques et évolutions prévues

Le missile AIM-120 AMRAAM (Advanced Medium-Range Air-to-Air Missile) est un système de type “fire-and-forget”, c’est-à-dire capable d’atteindre une cible sans guidage permanent depuis le chasseur tireur. Il est équipé d’un radar actif en bande X, d’un autopilote inertiel, et d’un système de liaison de données qui lui permet d’être redirigé en vol.

La version la plus récente livrée en série est l’AIM-120D-3, capable d’atteindre une cible à plus de 160 km selon les conditions d’engagement. Elle dispose d’une meilleure résistance au brouillage, d’une plus grande maniabilité terminale et d’une précision améliorée.

Raytheon travaille également, en lien avec l’Air Force Life Cycle Management Center, sur la prochaine version baptisée AIM-120E, dont les spécificités exactes restent classifiées. Par ailleurs, un programme distinct – l’AIM-260 JATM – est en cours de développement pour répondre aux besoins de portée supérieure, notamment face aux avions de chasse chinois J-20 ou aux menaces à longue distance.

Défis industriels et enjeux logistiques

L’un des freins majeurs à la relance rapide de la production est la complexité des chaînes logistiques. Le missile est composé de composants électroniques de haute densité, de moteurs-fusées tactiques, de guidage radar actif, et de systèmes de communication protégés. Certains sous-ensembles nécessitent plus de 18 mois de fabrication.

L’effort américain actuel vise à tripler la capacité annuelle de production, en renforçant l’investissement sur les lignes critiques et en sécurisant l’approvisionnement en matériaux stratégiques. Plusieurs pays européens réfléchissent également à internaliser une partie de la production ou à constituer des stocks nationaux tampon.

Une dépendance croissante au système américain

Cette méga-commande reflète aussi un choix stratégique : au lieu de diversifier massivement les systèmes de missiles au sein des forces alliées, les États-Unis consolident un standard largement diffusé et interopérable. Cela présente des avantages logistiques mais pose des questions de souveraineté.

Des pays comme la France ou l’Allemagne misent aussi sur des alternatives : le missile Meteor, développé par MBDA, offre une portée supérieure et une liaison de données active jusqu’à l’impact. Toutefois, son coût est plus élevé, et sa diffusion plus limitée. Les retards dans la mise à disposition de nouveaux missiles européens expliquent le recours quasi-systématique à l’AIM-120 dans les crises récentes.

Le contrat signé avec Raytheon vise à répondre à une urgence tactique : ne pas être à court de munitions critiques dans un contexte où les conflits conventionnels reviennent au premier plan. Le missile AIM-120 reste la référence des forces aériennes occidentales pour le combat air-air et la défense aérienne courte à moyenne portée.

Mais cette centralisation de la production soulève des préoccupations à long terme. La capacité de renouvellement des stocks, la vulnérabilité aux chaînes d’approvisionnement tendues et la dépendance technologique à l’industrie américaine constituent des points de fragilité.

Rien ne garantit que la production engagée en 2025 suffira à répondre aux besoins en cas de guerre à haute intensité contre un adversaire étatique bien équipé. Les chiffres de consommation en Ukraine et au Moyen-Orient en donnent déjà un aperçu. Si les États veulent conserver une capacité de dissuasion crédible, ils devront aller au-delà de la logique d’achat groupé et investir dans la diversification des arsenaux et des filières de production.

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