
Taïwan simule une attaque chinoise dans ses exercices Han Kuang 2025, mobilisant HIMARS et cyberdéfense pour renforcer sa stratégie de dissuasion.
Le 9 juillet 2025, Taïwan a entamé l’exercice Han Kuang, la plus large simulation militaire annuelle jamais conduite par les forces armées de l’île. Ces manœuvres visent à tester la résilience du pays en cas d’attaque chinoise contre ses centres de commandement, ses réseaux logistiques et ses infrastructures critiques. Le contexte géopolitique est tendu : la République populaire de Chine continue de rejeter toute coopération militaire entre Taïwan et les États-Unis, qualifiant les exercices d’« acte provocateur ».
Cette édition 2025 marque une évolution notable : Taïwan a intégré dans ses scénarios des attaques hybrides complexes, combinant frappes balistiques, cyberattaques et guerre électronique. Des systèmes d’armes avancés tels que les lance-roquettes HIMARS fournis par les États-Unis sont mobilisés dans des démonstrations de tir réel. L’objectif annoncé est double : renforcer les capacités de réaction face à une invasion et envoyer un signal clair à Pékin sur la capacité de résistance de l’île.
Cependant, la confiance de la population dans les capacités de défense reste modérée : un sondage de 2024 montre que 47,5 % des citoyens taïwanais estiment leur armée prête à affronter une offensive chinoise. L’exercice Han Kuang joue donc aussi un rôle psychologique : rassurer la population et démontrer que Taïwan prépare sérieusement ses défenses, malgré les menaces croissantes de la Chine continentale.
Un scénario de guerre totale centré sur la résilience interne
Des attaques simulées sur les centres vitaux de l’État
L’exercice Han Kuang 2025 repose sur une simulation d’attaque à grande échelle visant l’appareil politico-militaire de Taïwan. Les scénarios intègrent des frappes initiales contre le quartier général des forces armées à Taipei, les sites de communication du ministère de la Défense, les aéroports militaires et les centres énergétiques de l’île. Les simulations ont été réalisées avec un haut niveau de réalisme, impliquant des interruptions volontaires de communication et de distribution électrique pendant plusieurs heures.
La phase critique des manœuvres repose sur la continuité des opérations en environnement dégradé, concept calqué sur les doctrines américaines de résilience opérationnelle. Les centres de commandement de secours, situés dans les montagnes centrales, ont été activés dans le cadre d’un exercice de redéploiement de la chaîne de commandement. Cette stratégie vise à anticiper la neutralisation immédiate des nœuds de décision par des frappes de précision, telles que celles utilisées par la Russie contre l’Ukraine depuis 2022.
Une mise à l’épreuve du réseau logistique
L’état-major taïwanais a également testé les capacités de soutien en munitions, carburant et équipements de secours en cas de blocus naval partiel du détroit de Taïwan. Des convois terrestres ont été simulés pour approvisionner des unités dans des zones périphériques, avec des rotations tactiques toutes les 8 heures. Selon le ministère de la Défense, 95 % des objectifs logistiques simulés ont été atteints dans les délais impartis. Ce taux, jugé satisfaisant, masque toutefois des failles de coordination inter-armées sur les segments de transport maritime, pointé comme vulnérable.
Une intégration accrue des systèmes américains dans l’arsenal taïwanais
L’utilisation du HIMARS en conditions réelles
L’une des nouveautés opérationnelles les plus remarquées de l’exercice Han Kuang 2025 est l’intégration complète du HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System). Ce système de roquettes à guidage de précision, fourni par les États-Unis depuis 2022, a été testé sur la côte sud de Taïwan. Capable de frapper une cible à jusqu’à 300 kilomètres de distance, le HIMARS a été utilisé dans des tirs simulés visant des navires d’assaut amphibie ennemis approchant de Kaohsiung.
L’armée taïwanaise a confirmé avoir mobilisé 12 unités opérationnelles HIMARS, intégrées au sein de la 21e brigade d’artillerie mobile. Chaque batterie dispose de six roquettes guidées GMLRS (Guided Multiple Launch Rocket System). Le coût global du programme HIMARS, incluant la maintenance et la formation, s’élève à près de 1,5 milliard d’euros selon le ministère taïwanais de la Défense. Ces systèmes, mobiles et discrets, sont jugés essentiels pour contrer une offensive amphibie depuis les zones côtières chinoises.
Une architecture de défense orientée vers l’interopérabilité
Taïwan investit également dans la compatibilité de ses systèmes avec les équipements de l’armée américaine. Le système de commandement C4ISR (Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) taïwanais a été testé avec des liaisons satellites cryptées via des stations mobiles. L’objectif est de permettre une intégration partielle en cas d’intervention américaine, même limitée, sans nécessiter de présence permanente sur le territoire.
La base aérienne de Chiayi a accueilli des exercices conjoints simulés impliquant des avions F-16V Block 70 et des drones MQ-9B SkyGuardian. Cette coordination prépare des missions d’interception et de surveillance maritime, dans le cadre d’un scénario de siège partiel de l’île par la marine chinoise. Ces tests soulignent une priorité claire de Taïwan : maintenir un réseau tactique viable même en situation d’isolement international.

Un climat stratégique dominé par la pression chinoise
Une réponse prévisible et ferme de Pékin
Comme lors des éditions précédentes, le ministère chinois des Affaires étrangères a immédiatement condamné les exercices Han Kuang. Pékin considère toute manœuvre conjointe impliquant du matériel américain comme une violation du principe d’une seule Chine. Le porte-parole du ministère a déclaré que ces actions « accroissent le risque de confrontation militaire dans le détroit ». Le commandement de la zone Est de l’APL (Armée populaire de libération) a, en parallèle, effectué des exercices navals à munitions réelles autour des îles Pescadores, comme signal politique.
Sur le plan diplomatique, la Chine tente de discréditer la coopération militaire entre Taïwan et les États-Unis auprès des pays du Sud-Est asiatique. Pékin affirme que ces manœuvres « militarisent la région » et a convoqué l’ambassadeur américain à Beijing pour protester officiellement. L’objectif reste constant : affaiblir la légitimité internationale de Taïwan et isoler l’île dans les enceintes multilatérales.
Une opinion publique entre soutien et résignation
Malgré la fréquence croissante des alertes et des tensions militaires, la confiance de la population taïwanaise dans ses forces armées reste moyenne. Selon un sondage de la National Chengchi University, 47,5 % des répondants estiment que l’armée pourrait résister à une attaque initiale, mais seuls 28 % pensent que l’île pourrait tenir sans aide extérieure pendant plus de 30 jours. Ces chiffres illustrent une inquiétude latente sur l’autonomie militaire réelle de Taïwan.
Le gouvernement, conscient de cette perception, a ouvert plusieurs sessions d’observation publique lors des manœuvres Han Kuang. Des séquences de tirs de missiles et d’interventions d’unités spéciales ont été diffusées dans les médias locaux. Cette transparence vise à renforcer l’effet dissuasif vis-à-vis de Pékin tout en maintenant une mobilisation citoyenne minimale. À court terme, les exercices servent aussi à montrer aux alliés que Taïwan est prêt à assumer une part de la défense régionale, malgré l’asymétrie flagrante face à la Chine.
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