
Les Pays-Bas et le Danemark confirment le 29 juillet 2025 l’accélération de la livraison de F-16 à l’Ukraine, avec des défis logistiques majeurs.
Le 29 juillet 2025, les gouvernements des Pays-Bas et du Danemark ont officiellement confirmé l’accélération des livraisons de chasseurs F-16 Fighting Falcon à l’Ukraine. Cette décision vise à renforcer la défense aérienne ukrainienne face à la pression militaire croissante exercée par la Russie. Déjà engagés dans le soutien logistique et technique de Kyiv, ces deux pays passent à la phase opérationnelle, en transférant plus rapidement qu’initialement prévu des appareils modernes à une armée de l’air en pleine restructuration. Cette dynamique, bien qu’essentielle pour rééquilibrer le rapport de force dans le ciel ukrainien, impose une série de contraintes logistiques et humaines, notamment en matière de formation des pilotes et de maintenance. Sur le terrain, ces livraisons pourraient offrir à l’Ukraine des capacités d’interception accrues, mais leur intégration dans l’arsenal ukrainien soulève des défis tactiques majeurs. Tandis que Moscou dénonce cette opération comme une provocation, les alliés occidentaux assument une posture de soutien militaire élargi, ancrée dans la durée.
Une décision politique structurante dans un cadre multinational
L’accélération du transfert de F-16 vers l’Ukraine ne repose pas sur une décision unilatérale, mais sur une coordination étroite entre plusieurs membres de l’OTAN. Le Danemark s’est engagé à fournir un total de 19 appareils, dont six ont été livrés fin 2023, huit supplémentaires en 2024, et les cinq derniers attendus en 2025. De leur côté, les Pays-Bas ont promis jusqu’à 42 unités, tirées de leur flotte en cours de retrait, dont une partie déjà partiellement reconditionnée.
Cette coalition aérienne ne s’arrête pas à ces deux pays. La Belgique, la Norvège et d’autres partenaires ont exprimé leur volonté de livrer ou de former, portant à environ 85 le nombre total de F-16 destinés à l’Ukraine. Cette coopération a été rendue possible par le feu vert donné par les États-Unis en août 2023, autorisant les pays détenteurs de F-16 d’origine américaine à les transférer à Kyiv, à condition que les pilotes ukrainiens soient correctement formés.
Il s’agit donc d’un transfert structuré et conditionné, dont l’objectif principal est de fournir à l’Ukraine des moyens de défense aérienne modernes, capables de contrer les missiles de croisière, les drones de frappe, et potentiellement d’engager des appareils russes dans des combats air-air. Cette accélération est une réponse directe à l’augmentation des frappes russes et à la saturation des défenses sol-air ukrainiennes. Elle s’accompagne de considérations diplomatiques, les livraisons ayant été pensées pour ne pas franchir certaines lignes rouges informelles fixées entre l’OTAN et la Russie.
Une intégration opérationnelle complexe et techniquement exigeante
L’arrivée de F-16 dans l’armée de l’air ukrainienne suppose une transformation en profondeur des pratiques opérationnelles héritées de l’ère soviétique. Les pilotes ukrainiens sont pour la plupart formés sur MiG-29 ou Su-27, des avions à la philosophie très différente. Passer à un appareil comme le F-16, avec une avionique numérique, un armement intégré occidental et des doctrines de vol spécifiques, implique une refonte complète de la chaîne de commandement, de la maintenance et de l’emploi tactique.
La formation des pilotes a commencé dès septembre 2024 au sein de l’European F-16 Training Center (EFTC) à Fetești, en Roumanie. D’autres modules sont dispensés aux États-Unis, au Danemark, au Royaume-Uni et en France. La formation complète, en situation de guerre, est condensée en quelques mois, alors que dans un contexte standard, elle s’étend sur quatre à six années. Ces délais raccourcis nécessitent une sélection rigoureuse des pilotes, un usage intensif de simulateurs et un encadrement technique permanent.
Du côté de la maintenance, les techniciens ukrainiens doivent assimiler le fonctionnement des versions F-16AM/BM Block 15 MLU. Cela suppose la maîtrise de systèmes radar, de contre-mesures électroniques, de diagnostics embarqués et d’outils numériques spécifiques. Les États-Unis ont expédié plusieurs cellules de F-16 retirées du service pour servir de banques de pièces, accompagnées de manuels techniques, d’équipements de soutien et de logiciels embarqués.
Washington a alloué un budget de 310 millions de dollars pour couvrir l’ensemble du soutien technique, y compris les simulateurs, les équipements au sol, les pièces détachées et l’adaptation des infrastructures de maintenance en Ukraine ou dans des bases de repli comme en Pologne ou en Roumanie. La coordination de cette logistique, couplée à une montée en compétence rapide du personnel ukrainien, constitue l’un des éléments clés pour garantir la viabilité opérationnelle des appareils livrés.

Un effet tangible mais limité à court terme sur le théâtre ukrainien
L’entrée en service des premiers F-16 a été confirmée à l’été 2024. Selon plusieurs sources militaires, ces appareils ont déjà été utilisés pour intercepter des missiles russes et des drones de type Shahed-136, souvent lancés en essaims pour saturer les défenses ukrainiennes. Les F-16 permettent, dans certaines situations, une réactivité supérieure aux batteries de défense sol-air, notamment en cas de détection tardive ou de menaces multiples.
Des pilotes ukrainiens ont revendiqué jusqu’à une vingtaine d’interceptions réussies sur des cibles aériennes en conditions réelles. Cela constitue un apport opérationnel non négligeable, mais insuffisant pour rétablir une domination aérienne dans des zones fortement contestées comme le Donbass ou la région de Zaporijia. Deux pertes d’avions ont d’ailleurs été confirmées depuis leur engagement, dues à des missiles sol-air russes de moyenne portée.
Au-delà de l’interception, les F-16 peuvent jouer un rôle en appui air-sol, notamment avec des bombes guidées GBU-39 ou des roquettes guidées de type APKWS. Cependant, la mise en œuvre de ces munitions requiert un renseignement de précision, une coordination étroite avec les forces terrestres, et une supériorité ponctuelle dans l’espace aérien. Des capacités encore en construction pour les forces ukrainiennes.
Du point de vue stratégique, l’impact de ces livraisons est aussi psychologique : il s’agit pour les alliés de Kyiv de montrer que le soutien militaire ne faiblit pas. Pour Moscou, en revanche, cette dynamique constitue une menace à contenir. La Russie a d’ores et déjà intensifié ses campagnes de désinformation, accusant l’OTAN d’entrer directement en guerre via ces livraisons. La propagande déployée cible autant les opinions publiques occidentales que les forces ukrainiennes, dans une guerre d’influence parallèle.
Une évolution doctrinale indispensable pour garantir l’efficacité
L’arrivée accélérée de F-16 impose à l’Ukraine une évolution doctrinale profonde. Les tactiques centralisées héritées du modèle soviétique doivent céder la place à des structures décentralisées, à des chaînes de décision plus courtes et à des capacités de mission plus autonomes. Le F-16 est un chasseur multi-rôle, mais ses performances dépendent de la manière dont il est employé : frappes coordonnées, guerre électronique, interopérabilité avec d’autres vecteurs occidentaux.
La réussite de cette transition repose sur trois conditions essentielles. D’abord, la montée en puissance du nombre de pilotes formés, avec un objectif minimal de deux personnels qualifiés par appareil, soit 160 à 200 personnes pour une flotte de 85 jets. Ensuite, la constitution de stocks logistiques pérennes, tant en munitions qu’en pièces détachées. Enfin, l’adoption rapide des standards tactiques de l’OTAN, sans quoi les avions ne seront qu’un atout partiellement exploité.
Ces F-16 ne représentent donc pas un basculement immédiat du conflit, mais un potentiel de transformation militaire à moyen terme. Leur efficacité dépendra de la capacité ukrainienne à absorber cette technologie, à l’adapter à son environnement opérationnel, et à en faire un levier offensif crédible.
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