
Tout savoir sur le radar N036 Byelka du Su-57 : 2 322 modules X-band, radars L-band, suivi de 60 cibles, engagement de 16 cibles air/air ou 4 air/sol.
Le Su-57, avion de chasse de cinquième génération développé par Sukhoï pour l’armée russe, repose sur une architecture radar avancée, combinant agilité, puissance de détection et capacités de guerre électronique. Le cœur de ce système est le radar AESA N036 « Byelka », intégré dans la suite MIRES Sh-121. Cette configuration repose sur une approche multi-antennes exploitant la bande X pour la détection active et la bande L pour la guerre électronique et l’identification ami/ennemi. Le radar frontal embarque 1 514 modules émetteurs/récepteurs (T/R), complété par deux capteurs latéraux de 404 modules chacun. En tout, le système utilise 2 322 modules, soit une densité très élevée. L’appareil peut suivre jusqu’à 60 cibles et en engager simultanément 16 en combat air/air, ou 4 en mode air/sol. Ce système positionne le Su-57 à un niveau technologique compétitif face aux appareils occidentaux de la même génération, notamment grâce à une couverture radar élargie, une fusion de capteurs complète et une conception pensée pour le combat en environnement fortement contesté.

L’architecture multi-antennes du système MIRES Sh-121
Le radar N036 « Byelka » fait partie intégrante du système MIRES Sh-121, développé par le NIIP Tikhomirov. Contrairement aux radars classiques à antenne unique, il repose sur une structure répartie sur plusieurs points du fuselage pour élargir le champ de détection et limiter les zones aveugles. La principale antenne frontale N036-1-01 est intégrée dans le nez de l’appareil. Elle fonctionne en bande X (fréquences de 8 à 12 GHz) et compte 1 514 modules actifs émetteurs/récepteurs, chacun capable de traiter des signaux indépendamment.
Cette antenne principale est épaulée par deux capteurs latéraux N036B-1-01, placés sur les bords avant du fuselage, à proximité des entrées d’air. Chacun de ces capteurs intègre 404 modules T/R, également en bande X. Grâce à cette configuration, le système radar du Su-57 atteint une couverture angulaire de 270°, contre environ 120° pour un radar AESA frontal classique. Cela permet à l’appareil de détecter, suivre et engager des cibles qui ne se trouvent pas uniquement dans l’axe de vol.
Outre ces antennes X-band, deux capteurs L-band (désignés N036L-1-01) sont installés dans les bords d’attaque des ailes. Ces antennes ont deux fonctions majeures : l’identification ami/ennemi (IFF), et la détection radar à longue portée pour des cibles faiblement observables. En effet, les ondes L-band, avec des longueurs d’onde plus importantes (1 à 2 GHz), sont moins sensibles aux formes furtives optimisées pour la bande X, et permettent donc d’augmenter la probabilité de détection des avions dits « low observable ».
L’ensemble du système est piloté par une suite logicielle embarquée, qui comprend deux calculateurs redondants : le Solo-21 et le N036YeVS. Ces unités traitent en temps réel les données provenant des différents capteurs, assurent la fusion des informations radar, infrarouges (grâce au système 101KS Atoll) et électromagnétiques, et transmettent une vision complète de l’environnement au pilote via les écrans multifonctions et le casque monté sur tête (HMDS).
Les capacités de suivi et d’engagement du radar Byelka
Le N036 permet de suivre jusqu’à 60 cibles simultanément, avec un niveau de précision suffisant pour différencier des groupes compacts ou des formations de drones. En mode air/air, il autorise l’engagement actif de 16 cibles en parallèle, en coordination avec les systèmes de tir du Su-57. En mode air/sol, il peut engager jusqu’à 4 cibles terrestres, mobiles ou fixes. Ce niveau de performance repose sur la capacité de traitement parallèle des modules T/R, mais aussi sur l’algorithme de gestion des priorités développé par l’Institut NIIP.
La portée exacte du radar reste confidentielle, mais les estimations évoquent une portée de détection supérieure à 400 kilomètres pour une cible de type avion de ligne, et environ 120 à 150 kilomètres pour une cible furtive de la taille d’un F-35, selon l’angle d’approche. Ces chiffres sont compatibles avec les spécifications AESA de cinquième génération, et permettent au Su-57 d’anticiper et de déclencher des attaques au-delà de la portée visuelle (BVR), avec un guidage radar précis vers des missiles R-77M ou R-37M.
L’intégration du système radar dans la guerre électronique se fait via le L402 « Himalayas », développé par KNIRTI. Il utilise certaines antennes du N036 pour émettre des contre-mesures radar et pour brouiller les systèmes adverses. Ce double usage passif et actif est un atout majeur pour les opérations en environnement contesté, où l’ennemi utilise des radars multifréquences.

Avantages opérationnels et limites du système radar
La configuration multi-antennes du Su-57 permet d’exécuter des manœuvres tactiques complexes, comme les approches à angle oblique ou les virages latéraux tout en maintenant le verrouillage radar sur une cible. Par exemple, le pilote peut engager une cible tout en se plaçant à 90° de celle-ci, ce qui réduit sa propre signature radar et augmente ses chances d’évasion. Cette technique, appelée « beaming », est rendue possible par les capteurs latéraux du N036.
L’utilisation simultanée des bandes X et L augmente la probabilité de détection des avions furtifs occidentaux, conçus principalement pour échapper aux radars en bande X. En détectant une cible en bande L, même sans localisation précise, le Su-57 peut orienter ses capteurs infrarouges vers la zone concernée pour confirmer visuellement la présence d’une menace. Cette fusion multi-capteurs donne au pilote une conscience tactique supérieure.
Cependant, plusieurs limites demeurent. D’abord, la production industrielle du radar N036 reste contrainte. À ce jour, la Russie n’a livré qu’un nombre restreint de Su-57 en configuration complète. Les sanctions technologiques ont affecté la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs pour les modules T/R, et les exportations vers des pays comme l’Inde ou l’Algérie sont en attente. Ensuite, la fiabilité à long terme du radar, notamment en conditions climatiques sévères, reste peu documentée.
Un autre point d’interrogation concerne l’intégration du radar dans un réseau de guerre centrée sur l’information. À la différence des systèmes occidentaux comme le F-35, qui disposent d’un maillage numérique sécurisé avec d’autres plateformes, le Su-57 fonctionne pour l’instant en mode plus isolé, bien qu’une intégration au système C4ISR russe soit prévue.
Le radar AESA N036 « Byelka » représente une avancée significative pour l’aéronautique militaire russe. Avec ses 2 322 modules actifs répartis entre trois antennes X-band et deux capteurs L-band, il offre une couverture radar élargie et des performances de suivi et d’engagement concurrentielles. Ses capacités de guerre électronique intégrée, son traitement multibande et sa fusion avec les capteurs infrarouges en font un outil adapté aux combats modernes. Toutefois, sa diffusion opérationnelle reste limitée et dépend de la capacité de l’industrie russe à assurer une production stable, fiable et interopérable dans un environnement technologique sous pression. L’avenir du Su-57, en tant que système de combat intégré, dépendra largement de la maturité de cette suite radar et de sa capacité à évoluer face aux normes internationales.
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