
Le projet ELSA vise à doter l’Europe d’une capacité de frappe terrestre conventionnelle de 1 000 à 2 000 km, comblant un déficit stratégique face à la Russie.
Le projet européen de frappe longue portée : une réponse stratégique
Un déficit capacitaire face à la menace russe
Depuis le retrait du traité INF en 2019, la Russie a renforcé son arsenal de missiles balistiques et de croisière terrestres, avec des portées variant de 500 à 2 500 km. Ces systèmes, tels que l’Iskander-M et le Kalibr, permettent à Moscou de menacer l’ensemble du territoire européen. En comparaison, les membres européens de l’OTAN disposent principalement de missiles aériens ou navals, comme le Storm Shadow ou le Scalp, dont la portée ne dépasse pas 500 km. Cette asymétrie crée une lacune stratégique que le projet ELSA (European Long-Range Strike Approach) ambitionne de combler.
ELSA : une initiative européenne pour une capacité souveraine
Lancé en juillet 2024 par la France, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, rejoints ensuite par le Royaume-Uni et la Suède, ELSA vise à développer une capacité de frappe terrestre conventionnelle avec des portées comprises entre 1 000 et 2 000 km. Ce projet s’inscrit dans une logique de coopération volontaire entre États souverains, évitant les lourdeurs administratives souvent associées aux programmes européens.
Une approche modulaire en 13 piliers
ELSA est structuré autour de 13 piliers de développement, chacun confié à un acteur industriel selon le principe du “meilleur compétent”. La France, par l’intermédiaire d’ArianeGroup, devrait jouer un rôle central dans le segment balistique. D’autres entreprises, telles que MBDA, Safran et Thales, sont également pressenties pour participer à différents volets du programme.
Les technologies envisagées : balistique et croisière
Missiles balistiques : rapidité et pénétration
Les missiles balistiques, propulsés par des moteurs à propergol solide, offrent une vitesse élevée et une trajectoire difficilement prévisible, rendant leur interception complexe. Ils sont particulièrement adaptés pour frapper des cibles fixes à longue distance. La France dispose déjà d’une expertise dans ce domaine avec le missile M51, développé par ArianeGroup, capable de porter des charges conventionnelles ou nucléaires sur plusieurs milliers de kilomètres.
Missiles de croisière : précision et flexibilité
Les missiles de croisière, tels que le Land Cruise Missile proposé par MBDA, volent à basse altitude et sont guidés par des systèmes de navigation avancés, offrant une grande précision. Ils sont adaptés pour des frappes ciblées sur des objectifs fixes ou mobiles. Leur développement en parallèle des missiles balistiques permettrait à l’Europe de disposer d’une panoplie complète de moyens de frappe.

Le système Foudre : une solution nationale complémentaire
Parallèlement au projet ELSA, la France développe le système de lance-roquettes multiple Foudre, conçu par Turgis & Gaillard. Monté sur un châssis Renault Kerax 6×6, ce système est capable de tirer une variété de munitions, allant des roquettes de 227 mm aux missiles balistiques à longue portée. Il est prévu pour remplacer les lance-roquettes unitaires (LRU) vieillissants de l’Armée de Terre d’ici 2027.
Le Foudre se distingue par sa modularité et sa compatibilité avec des munitions développées par MBDA/Safran et ArianeGroup/Thales, ainsi qu’avec des missiles de croisière terrestres envisagés dans le cadre d’ELSA. Son intégration dans le réseau de communication ODIN et sa capacité à coopérer avec le drone Aarok renforcent son efficacité opérationnelle.
Enjeux industriels et stratégiques
Vers une autonomie stratégique européenne
Le développement de capacités de frappe longue portée terrestres répond à un double objectif : combler un déficit capacitaire face à la Russie et renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, notamment dans un contexte de désengagement progressif des États-Unis. En investissant dans des programmes tels qu’ELSA et Foudre, les pays européens affirment leur volonté de maîtriser des technologies critiques et de disposer de moyens de dissuasion crédibles.
Un modèle de coopération efficace
ELSA se distingue par son approche pragmatique, évitant les lourdeurs bureaucratiques et favorisant une répartition des tâches basée sur les compétences industrielles. Cette méthode pourrait servir de modèle pour d’autres projets de défense européens, en mettant l’accent sur l’efficacité et la souveraineté technologique.
Perspectives et défis à venir
La sélection des maîtres d’œuvre pour les différents piliers du projet ELSA est attendue pour juin 2025. Les premières capacités opérationnelles pourraient être déployées à l’horizon 2030, en complément des systèmes nationaux comme le Foudre. La réussite de ces programmes dépendra de la capacité des États membres à maintenir une coopération étroite, à sécuriser les financements nécessaires et à surmonter les défis technologiques inhérents au développement de missiles de longue portée.
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