Le Pentagone commande 148 F-35 (12,5 Md$) pour 12,5 Md$

Le Pentagone commande 148 F-35 (12,5 Md$) pour 12,5 Md$

Un contrat modifié de 12,5 Md$ finalise le lot 18 et lance le lot 19 des F-35. Répartition par variantes, implications opérationnelles et supply chain.

En résumé

Le U.S. Department of Defense a attribué à Lockheed Martin une modification de contrat de 12,5 milliards de dollars couvrant la production et la livraison de 148 F-35. L’acte « définitise » le Lot 18 et ajoute de l’ampleur au Lot 19, pour un total de 296 appareils sur les deux lots. La ventilation comprend 40 F-35A pour l’US Air Force, 12 F-35B et huit F-35C pour l’US Marine Corps, neufs F-35C pour l’US Navy, 13 F-35A et deux F-35B pour les nations partenaires, ainsi que 52 F-35A et 12 F-35B au titre des ventes FMS. Le montage contractuel mêle fixed-price incentive, firm-fixed-price et cost-plus-fixed-fee, afin de répartir le risque entre l’industriel et l’acheteur selon la nature des travaux. Opérationnellement, l’accord consolide les flottes américaines et alliées, tout en sécurisant la chaîne d’approvisionnement mondiale du programme et en soutenant la reprise de cadence après la mise à niveau Tech Refresh 3. Les premières livraisons du cycle Lots 18-19 sont attendues à partir de 2026, avec des mesures spécifiques contre l’obsolescence fournisseurs.

Le contrat et son périmètre

La décision et la portée financière

Le contrat modifié s’élève à environ 12,5 milliards de dollars pour 148 avions, et s’articule avec un paquet précédent annoncé fin 2024 (~11,8 Md$) pour porter la valeur agrégée Lots 18-19 à près de 24,3 Md$ et 296 appareils. Cette « definitization » met un terme à des négociations engagées depuis 2023 et fixe les paramètres de coûts, délais et responsabilités. Les livraisons démarrent dès 2026, l’assemblage final se concentrant à Fort Worth (Texas), avec le soutien des lignes FACO de Cameri (Italie) et Nagoya (Japon) pour certains clients.

Le mix contractuel et le partage de risques

Trois régimes s’appliquent : fixed-price incentive (incitations à la tenue des coûts/performance), firm-fixed-price (prix ferme sur des lots matures), et cost-plus-fixed-fee (coût remboursé + rémunération fixe pour des tâches à incertitude plus élevée, par exemple de l’ingénierie). Ce mix permet de verrouiller le prix des cellules et sous-ensembles stabilisés, tout en gardant de la flexibilité pour des évolutions techniques ou des achats de long délai soumis à des aléas d’approvisionnement.

La répartition par clients et par variantes

Les besoins des forces américaines

La répartition côté États-Unis reflète les profils de mission. L’US Air Force reçoit 40 F-35A pour compléter ses escadrons de supériorité/interdiction et tenir la posture d’alerte sur de multiples théâtres. L’US Marine Corps prend 12 F-35B (STOVL) pour l’aviation embarquée sur LHD/LHA et l’appui des Marine Expeditionary Units, ainsi que huit F-35C pour les opérations embarquées à longue allonge. L’US Navy ajoute neuf F-35C pour renforcer l’aéronavale à voilure fixe embarquée, apte aux catapultes et brins d’arrêt.

Les partenaires et les clients FMS

Le volet international prévoit 13 F-35A et deux F-35B pour les pays partenaires du programme (cooperative partners), ainsi que 52 F-35A et 12 F-35B pour des clients FMS. Cette allocation répond aux calendriers nationaux d’entrée en service, à la standardisation OTAN et aux besoins de renouvellement de flottes en Europe et en Asie-Pacifique. Elle confirme l’ancrage du F-35 comme standard opérationnel partagé, simplifiant formation, maintenance et interopérabilité.

Les implications opérationnelles

La montée des effets multi-domaines

Le paquet renforce la masse critique d’avions de 5e génération disponibles pour la supériorité aérienne, la pénétration et la frappe de précision. L’intégration capteurs-effets du F-35 (fusion de données, liaison de données sécurisée, capteurs électro-optiques) accroît la interopérabilité OTAN et le partage de situation tactique au profit des flottes de 4e et 4,5e génération. En pratique, cela élargit les « bulles » de détection et de déception, augmente la survivabilité en environnement sol-air dense, et facilite la ségrégation des rôles entre A, B et C.

Le calendrier, TR-3 et Block 4

Après les retards liés au Tech Refresh 3 (TR-3), la reprise de cadence et la livraison des appareils stockés ont remis le programme sur des rails plus réguliers en 2025. Les évolutions Block 4, adossées à TR-3, s’échelonnent jusqu’au début de la prochaine décennie, avec des incréments logiciels et matériels pour étendre la palette d’armements et de modes capteurs. Les premières livraisons Lots 18-19 sont attendues en 2026, jalon important pour stabiliser le flux de production.

La supply chain et la capacité industrielle

Les fournisseurs et les lignes finales

Le F-35 repose sur une chaîne d’approvisionnement tentaculaire comptant de l’ordre de 1 650 à plus de 1 900 fournisseurs à l’échelle mondiale. Les sous-ensembles transitent vers trois sites d’assemblage final et essais (Fort Worth, Cameri, Nagoya). Cette dispersion géographique soutient la résilience, mais impose une forte coordination logistique, des stocks tampons et une gestion fine des risques d’obsolescence.

Les moteurs F135 et l’ECU

La motorisation F135 de Pratt & Whitney reste le cœur énergétique des trois variantes. L’Engine Core Upgrade (ECU) a reçu ses financements complets en FY2024 et progresse, avec des jalons techniques attendus avant la mise en service vers la fin de la décennie. Ce chantier est clé pour la tenue des températures et marges thermiques exigées par les capacités Block 4, ainsi que pour la soutenabilité à long terme.

Les mesures anti-pénurie et DMSMS

Outre le contrat principal, le Pentagone finance des actions ciblées contre les pénuries et la « diminishing manufacturing sources and material shortages » (DMSMS), notamment des achats anticipés de pièces exposées et des re-designs électroniques. Objectif : éviter des goulets qui gripperaient la cadence et préserver les performances de coût/qualité/délai.

Le Pentagone commande 148 F-35 (12,5 Md$) pour 12,5 Md$

L’allocation budgétaire et les mécanismes de prix

Les ordres de grandeur et la structure de coût

La valeur unitaire « flyaway » varie selon la variante et le lot. À titre indicatif, des références récentes situent l’F-35A autour de 82,5 M$, l’F-35B vers 109 M$ et l’F-35C vers 102 M$, niveaux sensibles à l’inflation, aux contenus TR-3/Block 4 et aux effets d’apprentissage. Le contrat agrège cellules, moteurs, pièces, documentation, essais et services initiaux. Les économies d’échelle sur les volumes Lots 18-19 et la stabilisation de la supply chain visent à contenir la hausse unitaire sous l’inflation.

Les incitations à la performance

Le schéma fixed-price incentive encourage l’industriel à maîtriser ses coûts et délais, tout en partageant les gains/écarts selon des formules prédéfinies. Les volets firm-fixed-price verrouillent les prix sur des éléments matures (cellules, certains sous-systèmes). Les segments cost-plus-fixed-fee prennent en charge des travaux plus incertains (modifs d’ingénierie, re-conception cartes électroniques), sans exposer l’industriel à un risque illimité, mais avec une pression de reporting et d’audits sur les coûts.

Les effets opérationnels pour les forces et les alliés

La densification de la flotte de 5e génération

Pour l’US Air Force, l’augmentation du parc F-35A soutient la posture en Europe et dans l’Indo-Pacifique, la génération d’alertes QRA et l’entraînement avancé. L’US Marine Corps gagne en flexibilité expéditionnaire avec le F-35B (opérations depuis ponts courts et pistes sommaires), tout en renforçant l’aviation embarquée avec le F-35C. L’US Navy accroît la masse de chasseurs furtifs embarqués, utile pour la pénétration et la suppression de défenses. Les partenaires et clients FMS, de leur côté, consolident une base commune de doctrine, de formation et de soutien.

L’interopérabilité et la maintenance

La standardisation F-35 favorise l’interopérabilité OTAN : procédures communes, échanges de données, mutualisation de la maintenance lourde et des stocks. Les centres régionaux (FACO, dépôts moteurs, hubs de pièces) réduisent les temps d’immobilisation et l’empreinte logistique en opérations. Le bénéfice se mesure aussi sur la préparation opérationnelle, avec des simulateurs et logiciels de mission harmonisés entre flottes.

Les points de vigilance à moyen terme

La maturité TR-3/Block 4

La livraison des incréments TR-3 et la montée vers Block 4 conditionnent une partie des performances promises (capteurs, armements, guerre électronique). Les audits publics ont souligné les retards 2023-2024 et la nécessité de sécuriser le calendrier logiciel/matériel et la capacité d’essais. Les indicateurs 2025 se redressent, mais la tenue des jalons jusqu’au plein potentiel reste à surveiller.

La soutenabilité et les coûts de possession

Au-delà du prix d’achat, la disponibilité technique, le coût à l’heure de vol et la robustesse de la supply chain détermineront le rendement opérationnel réel. Les mesures DMSMS, l’ECU F135 et les investissements numériques sur la maintenance prédictive doivent converger pour stabiliser les taux de disponibilité et abaisser la facture de soutien sur 30 ans.

Un contrat qui verrouille capacité et industrie

Ce lot de 148 F-35 sécurise une trajectoire claire : masse critique pour les forces, socle industriel transatlantique, et feuille de route technico-logistique mieux bornée. Reste à convertir ces avions en heures utiles et en effets opérationnels, via doctrine, entraînement et campagnes d’essais rigoureuses. La prochaine étape se jouera autant dans les bancs d’intégration et les dépôts moteurs que sur les lignes d’assemblage, preuve qu’un programme de 5e génération se gagne aussi dans l’ombre de la supply chain.

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