La Thaïlande choisit le Gripen E/F pour moderniser son aviation de combat

JAS Gripen Thailande

La Thaïlande sélectionne le chasseur Gripen E/F pour renouveler sa flotte, visant indépendance stratégique et modernisation de ses capacités aériennes.

La Royal Thai Air Force (RTAF) a annoncé son intention d’acquérir le Saab Gripen E/F, remplaçant potentiel de sa flotte de Gripen C/D. Ce choix stratégique vise à renforcer les capacités opérationnelles de la Thaïlande face à la montée des tensions régionales et aux évolutions technologiques des forces aériennes voisines. Le contrat reste à formaliser, mais il devrait inclure un package industriel d’envergure, incluant transferts technologiques, soutien à la production locale et création d’emplois. Avec cette décision, la Thaïlande rejoint la Suède et le Brésil dans le cercle restreint des utilisateurs du Gripen E/F, un appareil conçu pour les conflits en environnement dégradé, à forte composante électronique et multithreat.

JAS Gripen Thailande

Une décision stratégique au cœur d’un contexte régional tendu

La sélection du Gripen E/F s’inscrit dans une logique de renforcement de la souveraineté aérienne de la Thaïlande. Depuis plusieurs années, Bangkok observe l’évolution rapide des flottes aériennes en Asie du Sud-Est. Le Vietnam a modernisé ses Su-30MK2V, l’Indonésie a officialisé une commande de Rafale, tandis que la Malaisie a retenu les FA-50 de KAI. Dans ce contexte, la Thaïlande doit préserver sa capacité de dissuasion et d’intervention.

Le Gripen E/F permet d’accéder à une architecture moderne, avec une mise à niveau des systèmes d’armes, un radar AESA Raven ES-05, un système de guerre électronique passif et actif, une capacité de liaison de données tactiques de dernière génération et une charge utile accrue. Saab affirme que le Gripen E/F est optimisé pour les conflits asymétriques et électroniques, ce qui répond aux nouvelles formes de guerre aérienne dans la région.

L’appareil suédois est réputé pour sa capacité à opérer sur routes courtes ou surfaces austères, ce qui offre une vraie souplesse en cas de conflit ou d’attaque sur les bases principales. Dans une région où les bases aériennes fixes peuvent rapidement devenir vulnérables, cette capacité d’opération dispersée est considérée comme essentielle.

Enfin, la sélection du Gripen permet à la Thaïlande de maintenir une indépendance technologique vis-à-vis des fournisseurs traditionnels comme les États-Unis ou la Chine, évitant ainsi une trop forte dépendance géopolitique.

Un programme industriel intégré et des enjeux économiques nationaux

Le contrat annoncé entre Saab et la Thaïlande ne se limite pas à une vente d’appareils. Il inclut un programme d’offsets d’envergure visant à renforcer les capacités industrielles locales. Si les détails restent confidentiels, ce type d’accord implique généralement :

  • Création d’emplois hautement qualifiés dans le secteur aéronautique,
  • Transfert de technologies vers les entreprises nationales,
  • Soutien à la formation et au développement de centres de maintenance MRO (Maintenance, Repair and Overhaul),
  • Investissements croisés dans des secteurs connexes (électronique, défense, cybersécurité).

Ce modèle est similaire à celui déjà mis en œuvre au Brésil avec Embraer, où Saab a co-développé des chaînes de production et transféré une partie de l’assemblage du Gripen localement. En Thaïlande, ce programme pourrait bénéficier à l’Aviation Industry and Development Corporation of Thailand (AIDC), et stimuler l’emploi dans le corridor économique de l’Est du pays.

Selon les précédents contrats du Gripen, chaque appareil coûte en moyenne 80 à 85 millions d’euros (environ 3,3 milliards THB, 72 millions £, 91 millions USD) selon la configuration, sans compter le soutien logistique et les infrastructures. La commande finale pourrait concerner entre 8 et 12 appareils, soit un contrat global approchant potentiellement 1 milliard d’euros.

Une évolution logique depuis le Gripen C/D

La Thaïlande exploite déjà depuis 2011 une flotte de 12 Gripen C/D basée à Surat Thani, dans le sud du pays. Ces appareils ont prouvé leur efficacité dans le contexte régional, avec des taux de disponibilité élevés et une interopérabilité constante avec les radars et systèmes d’alerte thaïlandais.

L’acquisition de la version E/F s’inscrit dans une démarche de continuité logistique et doctrinale. La maintenance, la formation des pilotes, et les stocks de pièces peuvent en grande partie être conservés ou adaptés, limitant les coûts associés à un changement de plateforme.

La différence majeure entre les deux générations réside dans l’architecture logicielle, la capacité d’emport, le radar et les capteurs. Le Gripen E embarque un système d’alerte passive à 360°, une capacité de fusion de données avancée, et peut emporter une charge utile de plus de 5 300 kg, soit 30 % de plus que la version précédente.

Cette amélioration permet l’emport de missiles à longue portée comme le Meteor, des bombes guidées de précision, et des pods ISR, répondant aux besoins d’une aviation de chasse multi-rôle dans un environnement de plus en plus complexe.

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Les conséquences géopolitiques de ce choix

Le choix du Gripen E/F envoie un signal politique clair. Il marque une volonté de la Thaïlande de diversifier ses partenariats de défense et de s’affranchir de l’influence chinoise ou américaine dans son domaine aérien.

Les États-Unis, qui avaient proposé le F-16V, n’ont pas été retenus. La Chine, quant à elle, avait fait la promotion du JF-17 Block III, moins cher mais jugé moins performant dans les critères techniques thaïlandais. Le Gripen est perçu comme neutre politiquement, tout en offrant des standards OTAN compatibles, ce qui facilite les coopérations avec des voisins non-alignés ou alliés.

Cette décision pourrait influencer d’autres pays de la région, notamment les Philippines ou le Bangladesh, qui cherchent eux aussi à moderniser leurs flottes à coût maîtrisé. Elle renforce aussi la position de la Suède dans le marché asiatique de la défense, un secteur encore dominé par les grands exportateurs américains, russes et chinois.

Une projection stratégique vers les deux prochaines décennies

L’arrivée du Gripen E/F devrait être étalée sur la période 2027–2032, selon le calendrier logistique typique de ce type de programme. Cette fenêtre permettra à la Thaïlande d’organiser la montée en compétence des équipages et la modernisation parallèle de ses infrastructures.

En parallèle, la RTAF envisage un rééquilibrage capacitaire, avec un retrait progressif des F-5 modernisés encore en service, et un redéploiement des moyens ISR aéroportés. Le Gripen E/F, en version biplace (F), pourrait également servir à des missions de commandement tactique, de guerre électronique et de coordination de drones.

À long terme, ce choix positionne la Thaïlande sur une trajectoire compatible avec des alliances multilatérales régionales ou internationales. Le Gripen E/F est conçu pour s’adapter à l’évolution rapide des doctrines de combat aérien, notamment avec l’intégration de systèmes autonomes, la guerre en réseau, et la confrontation en environnement GNSS-désactivé (sans GPS).

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