
Un quadcoptère armé d’une mine Claymore abat un drone en vol à Fort Rucker : tactique à coût réduit et signal d’une guerre drone contre drone en formation.
La guerre drone contre drone n’est plus théorique. Elle s’installe comme un front autonome, avec ses armes, ses tactiques et ses unités dédiées. Le test mené début août 2025 à Fort Rucker par l’US Army en est l’illustration directe : un drone Claymore a abattu un autre drone en plein vol. Les forces qui n’acceptent pas ce tournant se condamnent à subir des pertes évitables et à dépenser trop pour intercepter des cibles bon marché.
Le test de Fort Rucker et son cadre
Le test a réuni la 173e brigade aéroportée, la Garde nationale de Pennsylvanie et le DEVCOM Armaments Center (DEVCOM AC). L’action s’inscrit dans Project Shank, un effort visant à fournir aux petites unités des moyens offensifs simples contre des menaces légères. La vidéo officielle montre un quadcoptère FPV s’approchant de la cible puis une mise à feu à très courte distance. Le drone porteur perd brièvement la liaison, puis revient en contrôle, ce qui ouvre la voie à un emploi réutilisable selon le scénario.
Les acteurs et l’objectif
Les Sky Soldiers de la 173e ont assuré le pilotage, avec appui du DEVCOM AC. L’objectif est clair : valider une interception drone à bas coût, reproductible, et transférable à l’échelon compagnie/section, sans dépendre de systèmes lourds. Ce n’est pas un gadget : c’est une réponse à la saturation par drones commerciaux et aéronefs tactiques de faible gabarit.
Le scénario d’interception
Le quadcoptère porteur approche la cible sur un axe favorable. L’opérateur stabilise, met à feu la charge, puis récupère la plateforme. Le résultat : une neutralisation confirmée, un porteur survivant, et une séquence compatible avec un entraînement court de pilotes FPV.
La mine Claymore : principes et effets
La mine Claymore est une charge directionnelle mise au point dans les années 1950. Elle projette environ 700 billes d’acier dans un cône d’environ 60°. La portée utile se situe autour de 100 m, avec un effet maximal jusqu’à 250 m selon le contexte. Sur une cible agile, ce volume d’éclats compense l’incertitude de trajectoire : une balle manque souvent, un cône de fragments couvre la manœuvre.
Les atouts opérationnels
Les coûts maîtrisés
L’interception drone par drone Claymore coûte peu, y compris face à des essaims. On évite d’employer des missiles dédiés ou des intercepteurs plus onéreux pour des cibles à faible valeur. C’est la réponse rationnelle à une menace à prix plancher.
Les gains tactiques immédiats
Le système est portable, discret, et déployable par des petites unités. Il ferme l’écart entre détection et neutralisation, surtout en zone urbaine ou boisée. Il peut aussi frapper au sol : personnel, véhicules non blindés, positions retranchées, voire attaques par le haut sur tranchées et toits. Cette polyvalence accroît l’intérêt pour des forces sous pression logistique.

Les limites et les risques
La distance d’engagement
La méthode impose une proximité avec la cible. Plus on s’approche, plus le porteur risque d’être vu ou perturbé. La détonation entraîne souvent une perte de liaison très brève. Il faut donc une cellule robuste, une antenne protégée et des procédures de récupération carrées.
La standardisation incomplète
Les points durs : montage de la charge, sécurité des opérateurs, mise à feu et neutralisation de la charge en cas d’abandon. Tant que ces éléments ne sont pas figés dans un kit validé, la diffusion à grande échelle reste prudente.
Les enseignements venus des fronts actifs
La guerre drone contre drone en Ukraine montre l’adaptation rapide des belligérants : caméras arrière, trajectoires d’évitement, algorithmes d’alerte. Dans un tel contexte, une charge à cône d’éclats augmente la probabilité de touché malgré les manœuvres d’esquive. Ne pas adopter ce type d’outil revient à laisser l’initiative à l’adversaire.
La place dans la défense anti-drone
La Claymore portée par drone n’est pas une solution unique. Elle vient compléter un millefeuille C-UAS : brouillage, intercepteurs dédiés, capteurs acoustiques et optiques, radars courte portée, filets tirés par drones. L’enjeu est l’intégration : capter, classer, prioriser, et engager au bon coût. Les armées qui traitent chaque alerte avec un missile se ruinent et saturent leur logistique.
Les implications pour les forces américaines
L’US Army a longtemps été prudente sur l’armement organique des micro-drones. Le test de Fort Rucker soutient un mouvement inverse : donner aux unités la capacité offensive immédiate contre les menaces légères. La communication officielle insiste sur un jalon tactique. Le message est simple : il faut des solutions rapides, scalables, et peu chères, sinon l’adversaire imposera le tempo.
Les recommandations pratiques pour unités
La standardisation du kit
Concevoir un kit de fixation robuste, avec sécurité passive, liaison électrique dédiée et mise à feu sécurisée. Tester le positionnement pour optimiser le cône d’éclats et réduire l’effet de souffle sur antennes et ESC.
La doctrine et l’entraînement
Former des binômes : pilote FPV et opérateur charge. Définir des distances seuils : approche, mise à feu, dégagement. Intégrer la manœuvre aux check-lists de patrouille et aux règles d’engagement locales.
La coordination C-UAS
Relier détection courte portée et équipes FPV via radio dédiée. Affecter des secteurs pour éviter les collisions amies. Prévoir un plan de récupération du porteur et un protocole d’abandon si la charge ne part pas.
La perspective opérationnelle
Le drone Claymore est une réponse directe à la prolifération des UAS légers. Il transforme un drone FPV en intercepteur à coût contenu, exploitable par des unités au contact. Ce n’est ni sophistiqué ni fragile : c’est pragmatique et orienté mission. La guerre drone contre drone s’installe ; ceux qui s’y préparent gagneront du temps, de la munitions et des vies. À ce stade, ignorer cette voie n’est pas une position neutre : c’est accepter d’être dépassé.
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