La Belgique met en ligne le MQ-9B : un saut capacitaire assumé

La Belgique met en ligne le MQ-9B : un saut capacitaire assumé

La Composante Air belge met en service le MQ-9B SkyGuardian à Florennes. Capacités, calendrier, armement et intégration civile : décryptage d’un RPAS de nouvelle génération.

En résumé

La Belgique franchit une étape majeure avec la mise en service du MQ-9B SkyGuardian. Premier appareil reçu le 18 août 2025 à Florennes, premier vol en Belgique le 23 septembre : le calendrier s’accélère. Choisi en 2020, le MQ-9B offre une endurance de 40 heures, une capacité multi-capteurs et un standard d’aéronautique « certifiable » conforme STANAG 4671, avec Detect and Avoid pour l’intégration dans l’espace civil. Le programme belge comprend quatre vecteurs aériens et deux stations sol, avec l’ambition annoncée d’étendre la flotte. Les équipages s’entraînent au centre international de Waddington aux côtés du Protector RG1 britannique. Sur le plan opérationnel, l’appareil promet une ISR persistante sur le territoire, les approches maritimes et en opérations alliées. La question de l’armement progresse, avec des options étudiées, tout en gardant des règles d’emploi strictes. Ce choix place la Belgique dans le peloton européen des utilisateurs de RPAS MALE de dernière génération.

Le contexte belge et le calendrier de mise en service

La Composante Air a officialisé la réception du premier MQ-9B à la Base aérienne de Florennes (province de Namur) le 18 août 2025. L’appareil a effectué son premier vol en espace aérien belge le 23 septembre, quelques semaines après ses vols d’acceptation en Californie. L’acquisition, notifiée via procédure FMS américaine en 2019, porte sur quatre aéronefs et deux stations de contrôle certifiables, avec armement, capteurs et soutien associés. Signé en 2020, le contrat a été planifié pour permettre une montée en puissance opérationnelle dès 2026, avec patrouilles régulières sur le territoire national et en déploiement OTAN.

Le système MQ-9B : une architecture certifiable

Le MQ-9B SkyGuardian est un RPAS MALE (Medium Altitude Long Endurance) conçu pour opérer durablement au-dessus de zones d’intérêt et s’insérer dans l’espace aérien contrôlé. Il se distingue par sa conformité STANAG 4671, son architecture tolérante à la foudre et au givre, et par le kit Detect and Avoid (TCAS/DAA et radar de « due regard ») qui autorise des transits au-dessus de zones peuplées selon les autorisations. L’appareil affiche une endurance de 40 heures, un plafond opérationnel de 12 200 m (40 000 ft), une envergure de 24 m et une charge utile externe maximale de 2 155 kg répartie sur neuf points d’emport. La station sol « certifiable » modernise l’ergonomie : quatre consoles (pilotage, capteurs, renseignement et chef de mission) et des liaisons de données durcies.

La charge utile : capteurs et liaisons pour l’ISR persistante

Le SkyGuardian emporte un ensemble de capteurs électro-optiques et infrarouges à haute définition, un radar à ouverture synthétique/indicateur de cibles terrestres (SAR/GMTI), ainsi que des pods spécialisés selon mission (maritime, guerre électronique, relais de communications). La combinaison capteurs-liaisons permet de produire du renseignement en temps réel, avec vidéo plein mouvement et produits SAR géoréférencés. La Belgique vise des missions d’appui à la sécurité intérieure (surveillance d’infrastructures, environnement), des patrouilles des approches maritimes, et des déploiements en coalition (NATO ISR) où la capacité multi-capteurs et la ISR persistante font la différence.

Le choix de Florennes : infrastructures et organisation

Le choix de Florennes s’explique par l’écosystème existant, l’expérience du 2e Wing Tactique et la disponibilité d’emprises pour construire les hangars, shelters et antennes nécessaires aux opérations RPAS. À l’occasion de l’inauguration, la Force Aérienne a réactivé le 2e Escadron « La Comète », dissous en 2001, désormais dédié aux opérations MQ-9B : une décision symbolique qui ancre la filière RPAS dans la durée. Les travaux incluent une zone de roulage dédiée, des protections électromagnétiques, des moyens de dégivrage et des sas d’accès pour la sécurité des liaisons sol-air.

La Belgique met en ligne le MQ-9B : un saut capacitaire assumé

La formation et l’interopérabilité européennes

Les premiers équipages belges ont suivi un cursus mixte : formation constructeur aux États-Unis, puis entraînement tactique au centre international MQ-9B de RAF Waddington (Lincolnshire), aux côtés des équipages britanniques du Protector RG1. Ce schéma garantit l’interopérabilité des procédures, des formats de données et des liaisons de mission. L’intérêt est double : standardiser rapidement les savoir-faire et bénéficier d’une base de retour d’expérience issue du « certifiable MQ-9B » britannique, pionnier européen pour l’intégration civile.

Les performances en chiffres : persistance, altitude, charge utile

Sur mission de surveillance, le MQ-9B peut rester en zone plus d’une journée, avec des profils d’optimisation carburant qui combinent haute altitude et « racetracks » resserrés au-dessus de la zone d’intérêt. Le plafond de 12 200 m autorise des couvertures radar SAR étendues, tandis que l’envergure de 24 m et les winglets limitent la consommation spécifique. La charge utile interne/externe permet d’embarquer simultanément optronique, radar, liaisons et, le cas échéant, des pods spécialisés. Le système est conçu pour résister aux conditions IMC, avec dégivrage et paratonnerres, un impératif pour des transits en Europe occidentale l’hiver.

La question de l’armement : options et doctrine

Par conception, le MQ-9B est « weaponization-ready » : neuf points d’emport, intégration possible de missiles guidés et de bombes à guidage laser/INS. La Belgique a privilégié une montée en puissance ISR, mais les autorités ont ouvert la porte à une dotation en armements de précision, étudiée dans le respect des règles d’engagement nationales et alliées. Parmi les options discutées figurent des effets air-sol de précision à faible dommage collatéral, compatibles avec les bibliothèques d’armes déjà en service. La doctrine associera contrôle politique, ciblage rigoureux et traçabilité complète des décisions.

L’intégration dans l’espace aérien civil : un changement d’échelle

Le saut qualitatif du MQ-9B tient autant à ses capteurs qu’à sa certifiabilité. Les essais et certifications obtenus sur la famille MQ-9B (dont le Protector britannique) permettent, à terme, des transits plus réguliers hors zones ségréguées, sous contrôle des navigateurs aériens civils. Le Detect and Avoid constitue le cœur de cette intégration, avec des algorithmes de prévention de conflit, une perception coopérative et non coopérative, et une interface homme-machine normalisée. Pour la Belgique, État densément peuplé, cette faculté conditionne l’emploi quotidien du système sans peser indûment sur le trafic civil.

Les coûts, la flotte et la montée en puissance

La notification FMS américaine de 2019 évaluait à environ 600 millions de dollars le paquet initial : quatre aéronefs, deux stations sol certifiables, capteurs, formation et soutien. Le contrat signé en 2020 a lancé les travaux industriels et les adaptations d’infrastructure à Florennes. À court terme, l’objectif est d’atteindre une capacité de patrouille soutenue (six jours sur sept, seize heures par jour) avec une flotte de quatre vecteurs. Des déclarations récentes projettent un format cible supérieur (six vecteurs, trois systèmes) une fois les livraisons complètes et la doctrine stabilisée.

Les gains opérationnels pour la Belgique et l’OTAN

Face aux crises hybrides, aux flux maritimes sensibles et aux engagements alliés, l’atout d’un MALE certifiable est clair : couverture étendue, permanence, interopérabilité et coût à l’heure de vol maîtrisé par rapport à un avion de chasse. En coalition, le MQ-9B apporte des produits ISR normalisés, des relais de communications et une capacité de désignation de cibles pour d’autres effecteurs. En gestion de crise nationale, il fournit l’œil persistant indispensable à la coordination interministérielle (sécurité civile, environnement, police fédérale), avec un cadre d’emploi et de protection des données définis en amont.

Les limites et points de vigilance

Le MQ-9B reste un aéronef turbopropulsé subsonique : sa survivabilité dépend d’une planification soignée, de l’altitude et de la distance de sécurité vis-à-vis des menaces sol-air modernes. La résilience des liaisons SATCOM et la cybersécurité des chaînes de mission constituent des priorités permanentes. La Belgique devra aussi garantir des effectifs qualifiés sur la durée : pilotes, opérateurs capteurs, analystes image et maintenanciers. Enfin, l’éventuelle arme-mentisation du système exige une clarté doctrinale, des règles d’engagement strictes et une communication publique précise.

Ce que ce choix révèle

En adoptant un RPAS certifiable de nouvelle génération, la Belgique investit dans la supériorité informationnelle tout en se dotant d’un outil adaptable : ISR, maritime, relais, et potentiellement frappe de précision. L’effet d’entraînement européen (partage d’instruction avec le Royaume-Uni, standards communs) réduit les risques et accélère l’appropriation. La mise en ligne du MQ-9B ne remplace pas les chasseurs ; elle redistribue les rôles et libère des heures de vol là où la ISR persistante crée la valeur opérationnelle. Reste à transformer l’essai : consolider la flotte, sécuriser l’intégration civile et, si la décision politique l’entérine, maîtriser l’emploi d’armements avec l’exigence éthique attendue d’un État européen.

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