Israël face aux missiles iraniens : portée, types et capacités restantes

Missiles Iran

Israël a visé les missiles iraniens, mais Téhéran conserve une large force balistique. Analyse technique de son arsenal et de sa portée régionale.

Après les frappes israéliennes contre des cibles militaires et scientifiques en Iran, dont les sites de lancement de missiles et des hauts responsables du programme balistique, la question centrale est : que reste-t-il de la capacité de riposte iranienne ? Téhéran dispose d’un large éventail de missiles balistiques à courte et moyenne portée, utilisant des propulseurs liquides et solides, issus de collaborations ou de développement local. L’attaque d’avril 2024, lors de l’opération « Promesse Véritable », a démontré la capacité de l’Iran à combiner missiles, drones et croisière. Malgré les frappes israéliennes, son arsenal reste le principal moyen stratégique de frapper à plus de 1 000 km, en particulier vers Israël.

Missiles Iran

La portée stratégique des missiles balistiques iraniens

L’arsenal iranien repose principalement sur des missiles balistiques de moyenne portée (MRBM), capables d’atteindre Israël depuis le territoire iranien. Pour couvrir les 1 200 à 1 800 km séparant Téhéran de Tel-Aviv, des vecteurs de portée supérieure à 1 000 km sont nécessaires. À ce jour, l’Iran possède une dizaine de modèles compatibles.

Parmi eux, le Ghadr-110, dérivé du Shahab-3, est un missile à carburant liquide d’une portée de 1 600 km, capable de transporter une ogive d’environ 750 kg. Dérivé de technologies nord-coréennes (No-dong), il reste vulnérable à la détection en phase de lancement, du fait de sa longue phase de préparation.

À l’opposé, des systèmes plus récents comme le Kheibar Shekan utilisent un carburant solide, ce qui réduit le temps entre déploiement et lancement. Ce missile affiche une portée estimée de 1 450 km, avec une vitesse de croisière supérieure à Mach 4, et peut manœuvrer en phase terminale grâce à des ailettes de guidage et un système de navigation satellitaire. Cette combinaison augmente la probabilité de pénétration des défenses antimissiles israéliennes comme le Dôme de Fer ou Arrow-3.

En 2023, l’Iran a également annoncé le développement du Fattah, présenté comme un missile à trajectoire hypersonique, donc non balistique. Bien que son statut opérationnel soit incertain, Téhéran affirme qu’il peut atteindre Mach 13 à Mach 15 sur des distances de 1 400 km, et exécuter des manœuvres atmosphériques en phase finale. Cela poserait des difficultés aux systèmes d’interception classiques.

Ces vecteurs constituent le socle de la dissuasion iranienne contre Israël. En l’absence d’une aviation stratégique comparable à celle des grandes puissances, l’Iran s’est tourné vers une force balistique diversifiée, intégrant à la fois des missiles de précision et des effets de saturation.

Le rôle central du programme balistique des Gardiens de la révolution

L’ensemble du programme balistique est sous le contrôle direct du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (IRGC), et plus précisément de sa branche aérospatiale. Le commandement de cette force, notamment sous Hossein Salami et Mohammad Hossein Bagheri, a supervisé les progrès rapides dans les technologies de guidage, la solidification des carburants, et les capacités de manœuvre terminale.

Ces progrès sont issus de plusieurs décennies d’adaptation, notamment après la guerre Iran-Irak (1980–1988), où l’Iran a ressenti l’absence d’une force de frappe à distance. L’alliance avec la Corée du Nord a joué un rôle important dans les années 1990, avec des transferts de technologie, notamment autour des Scud-B/C et du No-dong. Le Khorramshahr, l’un des missiles les plus lourds de l’arsenal, dérivé du Musudan nord-coréen, peut porter une charge utile de plus de 1 000 kg sur environ 2 000 km.

Les ingénieurs iraniens ont aussi fortement investi dans les systèmes de navigation inertielle, les guidages GNSS (Global Navigation Satellite Systems), et les fins de trajectoire manœuvrables. Ces innovations permettent à l’Iran de prétendre à une précision inférieure à 10 mètres, ce qui reste à confirmer sur le terrain mais témoigne d’un changement d’approche : viser la frappe chirurgicale plutôt que la saturation.

La décapitation ciblée des chefs du programme balistique pourrait ralentir le développement à court terme. Toutefois, les structures industrielles, souvent redondantes et souterraines, permettent à Téhéran de conserver une capacité de production même sous pression.

Un arsenal de missiles à courte portée numériquement dominant

L’Iran possède un grand stock de missiles balistiques à courte portée (SRBM), dont la portée se situe entre 300 et 1 000 km. Ces systèmes sont conçus pour des frappes régionales contre des bases militaires en Irak, Syrie, Bahreïn ou Koweït. La plupart de ces SRBM utilisent des propulseurs solides, donc prêts à tirer en quelques minutes.

Le Fateh-110, l’un des modèles les plus courants, affiche une portée de 300 à 500 km et une précision estimée à moins de 100 mètres grâce à un système de navigation inertielle couplé à un GPS régional. La version Fateh-313 étend la portée à 500 km, avec une réduction de masse et des matériaux composites.

D’autres modèles incluent le Zolfaghar (700 km), le Dezful (1 000 km) ou encore le Tondar-69, basé sur le Scud-B. Beaucoup de ces missiles ont été utilisés en Syrie, en Irak, ou contre les bases américaines d’Ain al-Assad (2020), ce qui prouve leur capacité de déploiement en environnement réel.

Dans l’opération « Promesse Véritable » de 2024, l’Iran a tiré 110 missiles balistiques, accompagnés de drones suicides et de missiles de croisière. Si l’efficacité opérationnelle a été contenue par les défenses israéliennes, cette action souligne la volonté iranienne de combiner différents vecteurs pour saturer les défenses adverses.

Israël, de son côté, déploie plusieurs couches défensives : Iron Dome pour les roquettes courtes, David’s Sling pour les missiles de théâtre, et Arrow-2/3 pour les MRBM. Cependant, aucun système n’est infaillible face à des attaques coordonnées sur plusieurs axes, notamment si elles incluent des missiles manœuvrables ou hypersoniques.

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État résiduel et perspectives d’évolution de la menace balistique iranienne

Les frappes israéliennes contre Tabriz (site de lancement du 13 avril 2024) et contre des figures de commandement visent à désorganiser l’appareil balistique iranien. Toutefois, l’évaluation de leur efficacité reste difficile : la dispersion géographique, l’architecture souterraine et le cloisonnement du commandement protègent une grande partie des moyens.

Même si certains stocks ont pu être détruits, l’Iran conserve des centaines de vecteurs, dont une partie mobile, déployable depuis des rampes sur camions (TEL – Transporter Erector Launcher). Ces systèmes sont conçus pour être invisibles aux satellites et difficiles à intercepter avant le lancement.

D’un point de vue industriel, le pays dispose d’unités de production à Shahroud, Parchin, Khojir, souvent enterrées ou protégées. Le rythme de fabrication estimé varie entre 50 et 100 missiles par mois, selon les modèles.

Les sanctions occidentales ralentissent l’importation de certains composants critiques, mais Téhéran bénéficie toujours de filières d’approvisionnement en Chine, Russie et Corée du Nord, notamment pour les matériaux thermorésistants ou l’électronique de guidage.

Enfin, Israël doit anticiper la mutation des menaces, avec des missiles de croisière furtifs (comme le Soumar, dérivé du Kh-55 soviétique) et une possible intégration à terme de charges multiples indépendantes (MIRV) sur les MRBM. Cela compliquerait encore l’interception.

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