Destruction d’un avion émirati au Soudan: tensions et mercenaires au Darfour

Nyala Darfour

Le 6 août 2025, l’armée soudanaise détruit un avion émirati à Nyala, tuant 40 mercenaires colombiens. Analyse des tensions géopolitiques et du conflit au Darfour.

Le 6 août 2025, un événement marquant a secoué le conflit soudanais : l’armée de l’air soudanaise a détruit un avion cargo émirati à l’aéroport de Nyala, dans le Darfour-Sud, tuant au moins 40 mercenaires colombiens, selon la télévision d’État soudanaise. Cet incident, survenu dans une zone contrôlée par les Forces de soutien rapide (FSR), met en lumière l’intensification des hostilités entre l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires commandés par Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemetti. Depuis avril 2023, cette guerre civile a causé des dizaines de milliers de morts et déplacé 13 millions de personnes, exacerbée par des ingérences étrangères. Les accusations d’implication des Émirats arabes unis (EAU) dans le soutien aux FSR, via des livraisons d’armes et de mercenaires, soulignent les complexités géopolitiques d’un conflit où les intérêts internationaux se mêlent aux luttes locales, transformant le Darfour en un théâtre d’influences globales.

Le contexte du conflit soudanais

Le Soudan est plongé dans une guerre civile depuis le 15 avril 2023, opposant l’armée régulière (SAF) aux Forces de soutien rapide (FSR), une milice issue des Janjawids, tristement célèbre pour ses exactions lors du génocide du Darfour au début des années 2000. Ce conflit, qui a débuté à Khartoum, s’est rapidement propagé au Darfour, région stratégique de l’ouest du pays. Les combats ont causé une crise humanitaire sans équivalent, avec 25 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë et 12 millions de déplacés, selon les Nations unies. Le Darfour, déjà marqué par des décennies de violence, est devenu un point focal en raison de son contrôle par les FSR, qui dominent quatre des cinq États de la région.

L’aéroport de Nyala, situé dans le Darfour-Sud, est un enjeu stratégique. Contrôlé par les FSR, il sert de hub logistique pour l’acheminement d’armes, de drones et de renforts, notamment des mercenaires étrangers. L’armée soudanaise, sous le commandement d’al-Burhane, accuse depuis longtemps les EAU de fournir un soutien militaire aux FSR, une allégation étayée par des rapports d’experts de l’ONU et des images satellites du Humanitarian Research Lab de l’université Yale, révélant la présence de drones longue portée chinois à Nyala. Cet incident du 6 août 2025, où un avion émirati a été détruit, marque une escalade dans les efforts de l’armée pour couper les lignes d’approvisionnement des FSR, tout en exposant les ramifications internationales du conflit.

L’incident de l’avion émirati

Le 6 août 2025, l’armée de l’air soudanaise a ciblé un avion cargo émirati lors de son atterrissage à l’aéroport de Nyala. Selon une source militaire anonyme citée par l’Agence France-Presse, l’appareil a été bombardé et complètement détruit, entraînant la mort d’au moins 40 mercenaires colombiens à bord. La télévision d’État soudanaise a diffusé des images de la frappe, bien que celles-ci n’aient pas été vérifiées indépendamment. Cet avion, loué par les EAU, transportait également du matériel militaire, renforçant les accusations de soutien émirati aux FSR.

L’aéroport de Nyala est un point stratégique pour les paramilitaires, utilisé pour acheminer des armes, évacuer les blessés et coordonner les opérations. Les bombardements répétés de cet aéroport par l’armée, notamment en juin 2025 où un autre avion cargo avait été visé, témoignent de l’intensité des efforts pour neutraliser cette infrastructure. Le président colombien, Gustavo Petro, a réagi en annonçant une enquête pour identifier le nombre exact de victimes colombiennes et organiser le rapatriement des corps, confirmant implicitement la présence de ses ressortissants dans le conflit.

Les mercenaires colombiens, souvent d’anciens soldats ou guérilleros, sont recrutés par des sociétés de sécurité privées basées aux EAU. Leur présence au Darfour, signalée dès décembre 2024 par des experts onusiens, s’élèverait à plus de 80 combattants, selon la coalition pro-armée Forces conjointes. Ces mercenaires apportent une expertise en coordination d’artillerie et en opérations de drones, renforçant les capacités des FSR dans des zones clés comme El-Fasher, dernière capitale régionale sous contrôle de l’armée.

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Les implications géopolitiques

L’incident met en lumière les ingérences étrangères dans le conflit soudanais, avec les EAU au centre des accusations. Le gouvernement soudanais, aligné sur l’armée, affirme détenir des documents prouvant le financement et le recrutement de mercenaires colombiens par Abou Dhabi. Ces allégations s’appuient sur des rapports antérieurs, notamment celui d’Amnesty International de juillet 2024, qui documente des circuits d’acheminement d’armes depuis les EAU via le Tchad et la Libye. L’aéroport d’Amdjarass, dans l’est du Tchad, serait un point de transit clé pour les livraisons émiraties.

Les EAU, cependant, démentent catégoriquement ces accusations. Le 7 août 2025, un responsable émirati a qualifié les allégations soudanaises de fausses et de campagne de désinformation, tout en soulignant l’absence de preuves concrètes. Malgré ces démentis, des images satellites et des rapports de l’ONU confirment la présence de drones chinois à Nyala, renforçant les soupçons d’un soutien émirati aux FSR. Cette implication s’inscrit dans un contexte plus large où les EAU cherchent à étendre leur influence en Afrique, notamment via des alliances avec des acteurs comme Khalifa Haftar en Libye, également accusé de faciliter l’acheminement d’armes aux FSR.

D’autres puissances, comme l’Iran, la Russie et la Turquie, sont également impliquées dans le conflit, alimentant une guerre par procuration. Par exemple, des combattants sud-soudanais et centrafricains, environ 5 000 hommes côté FSR, participent aux combats, tandis que la Russie, via le groupe Wagner, a été liée à des livraisons d’armes aux paramilitaires. Ces dynamiques internationales complexifient la résolution du conflit et aggravent la crise humanitaire, avec des attaques contre les civils et des blocus d’aide humanitaire signalés à El-Fasher et ailleurs.

Les conséquences humanitaires et stratégiques

Le conflit au Darfour a des répercussions dévastatrices. Les massacres de Masalit, qualifiés de génocide par les États-Unis en janvier 2025, ont causé des milliers de morts. L’ONU rapporte que 14 civils ont été tués en août 2025 lors d’une attaque des FSR sur le camp de déplacés d’Abou Chouk. La région, déjà fragilisée par des décennies de violence, est au bord de l’effondrement, avec une épidémie de choléra touchant les deux tiers du pays et causant plus de 1 700 morts en mai 2025.

L’incident de l’avion émirati pourrait intensifier les tensions diplomatiques entre le Soudan et les EAU. Khartoum a déjà porté plainte contre Abou Dhabi devant la Cour internationale de justice en avril 2025, accusant les EAU de complicité dans les exactions des FSR. Bien que la plainte ait été rejetée pour manque de compétence, elle illustre l’hostilité croissante entre les deux pays. Sur le plan stratégique, la destruction de l’avion pourrait affaiblir les FSR en perturbant leurs approvisionnements, mais elle risque aussi de provoquer une escalade militaire, avec des frappes de représailles potentielles.

Pour l’armée soudanaise, cet incident est une victoire symbolique, démontrant sa capacité à frapper des cibles stratégiques. Cependant, la dépendance des FSR à des soutiens extérieurs, notamment via des bases en Libye et au Tchad, suggère que l’impact à long terme pourrait être limité. Les mercenaires colombiens, par leur expertise, restent un atout clé pour les paramilitaires, et leur remplacement pourrait être rapide, étant donné les réseaux de recrutement bien établis des EAU.

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