Comment les F-35 italiens ont intercepté un An-124 russe grâce à l’EOTS et au DAS

Comment les F-35 italiens ont intercepté un An-124 russe grâce à l’EOTS et au DAS

Des F-35 italiens interceptent un An-124 russe au-dessus de la Baltique. Focus technique sur l’usage de l’EOTS et du DAS pour l’identification.

Deux F-35A de l’Aeronautica Militare, déployés à Ämari (Estonie) pour la police du ciel de l’OTAN, ont intercepté un Antonov An-124 “Ruslan” évoluant en espace aérien international près de la région de Kaliningrad. L’alerte QRA a conduit à un décollage en moins de 15 minutes, puis à une identification visuelle contrôlée. Les pilotes ont combiné la détection passive du système d’ouverture distribuée (DAS) — imagerie infrarouge 360° — et la haute résolution de l’Electro-Optical Targeting System (EOTS) pour confirmer le type de l’appareil, son comportement et son respect des règles aéronautiques. Le radar AESA AN/APG-81 est resté en soutien, la fusion de capteurs et la liaison de données assurant le partage temps réel avec le CAOC de l’OTAN. L’An-124 est un transporteur stratégique de 69 m de long et 73,3 m d’envergure, croisant autour de 800 km/h à 10–11 km d’altitude. L’usage combiné DAS + EOTS permet une identification à distance limitant les rapprochements risqués, tout en restant neutre et proportionné dans l’espace aérien de la Baltique.

Le contexte opérationnel et la posture OTAN

L’interception d’un An-124 russe par des F-35 italiens s’inscrit dans la mission Baltic Air Policing. Deux appareils basés à Ämari ont été scramblés à la demande du Combined Air Operations Centre (CAOC) après détection d’un trafic militaire russe proche de l’espace OTAN. Le vol s’est déroulé en dehors des frontières, dans l’espace aérien international au-dessus de la Baltique. Les équipages ont appliqué les règles d’engagement de la QRA : décollage immédiat, montée rapide vers 10–12 km, interception stabilisée, contact radio sur 121,5 MHz, identification et suivi à distance de sécurité. La QRA 24/7 impose une disponibilité permanente ; l’objectif est double : dissuasion et sécurité aérienne en Europe, sans générer d’incident. En 2024, l’OTAN a rapporté plus de 400 décollages sur alerte en Europe ; dans la région baltique, les interceptions liées à des vols russes sans plan de vol ou transpondeur irrégulier sont fréquentes et documentées par les autorités nationales.

Le profil de l’An-124 “Ruslan” et les indices d’identification

L’Antonov An-124 est un transport lourd quadriréacteur. Long de ≈69 m, doté d’une envergure ≈73,3 m et d’une hauteur ≈21 m, il emporte jusqu’à 150 t de charge utile et affiche un masse au décollage qui peut atteindre 405 t. Sa vitesse de croisière avoisine 800 km/h avec un plafond opérationnel proche de 11–12 km. Sa silhouette est caractéristique : aile haute, quatre turboréacteurs Lotarev D-18 de ≈230–250 kN chacun, nez articulé pour le chargement frontal, train principal à 24 roues, empennage classique. Pour des équipages de F-35, ces attributs offrent des points d’identification à distance : empreinte thermique intense des quatre réacteurs, signature IR du bord d’attaque et des zones de frottement aérodynamique, rapport longueur/envergure et halo thermique des zones de freinage après descente. Les interceptions d’An-124 sont moins courantes que celles de chasseurs Su-27 ou d’avions d’attaque Su-24, ce qui renforce l’intérêt de l’identification électro-optique pour documenter le type, la trajectoire et la conduite du vol.

Comment les F-35 italiens ont intercepté un An-124 russe grâce à l’EOTS et au DAS

Le système DAS du F-35 et la détection infrarouge 360°

Le DAS (AN/AAQ-37) équipe chaque F-35 avec six capteurs infrarouges répartis sur la cellule. Il fournit une couverture sphérique (4π stéradians) en continu, sans pointage manuel. Dans une mission de police du ciel, les pilotes privilégient souvent une approche passive : le DAS détecte et suit l’aéronef d’intérêt grâce à son énergie infrarouge (échappements, échauffements de peau), puis affiche l’imagerie directement sur le Helmet Mounted Display. La sensibilité du système a été démontrée par des essais ayant montré la détection et le suivi d’objets énergétiques à très longue distance (jusqu’à plus de 1 200 km pour des tirs de fusées lors de démonstrations). Concrètement, sur un An-124 en croisière, le DAS produit une piste passive exploitable à grande distance, cue le radar AN/APG-81 si nécessaire, et alimente la fusion de capteurs pour stabiliser l’interception sans émission active prolongée. Cette surveillance infrarouge 360° détecte également des anomalies (chauffes asymétriques, traînée inhabituelle), utiles pour juger d’un éventuel état technique ou d’un profil de vol non conforme.

Le système EOTS et l’identification positive à distance

L’EOTS (AN/AAQ-40), intégré sous le nez du F-35, combine FLIR haute résolution, capacité IRST, suivi automatique, télémétrie laser et désignation. Son spectre infrarouge principal (bande moyenne 3–5 µm) optimise la lecture des contrastes thermiques. Dans une interception de transport lourd, la tactique typique est la suivante : l’EOTS est asservi à une piste DAS ou radar ; le pilote bascule en champ étroit avec zoom numérique pour affiner la silhouette de l’appareil ; il compare longueur apparente, rapport largeur/longueur, position des moteurs, forme du nez et implantation du train. À courte distance réglementaire, l’imagerie EOTS peut permettre de relever des marquages ou de confirmer une version (ex. An-124-100). Par météo défavorable, l’imagerie thermique apporte un gain net par rapport à une simple optique TV. L’EOTS agit donc comme un capteur d’identification à distance, complémentaire du DAS. L’Advanced EOTS en cours de diffusion améliore encore la définition et étend les bandes spectrales, mais le capteur de base demeure déjà adapté à la reconnaissance électro-optique aérienne.

La fusion de capteurs et la conduite d’interception

Le F-35 capitalise sur une fusion de capteurs poussée : DAS et EOTS (infrarouge), AN/APG-81 (radar AESA), AN/ASQ-239 (guerre électronique) et CNI (MADL/Link 16). En police du ciel, le flux passif prime pour minimiser les émissions ; le radar prend le relais en mode air-air longue portée pour raffiner vitesse et altitude et sécuriser l’évitement. Les données corrélées sont partagées au CAOC et au n°2 de la patrouille. L’approche reste mesurée : échelon vertical ou latéral, séparation réglementaire, communication sur 121,5 MHz, puis accompagnement si requis. Avec un An-124 croisant ≈ 800 km/h vers 10–11 km, un F-35A peut stabiliser la jonction en quelques minutes grâce à sa vitesse (≈ Mach 1,6 en pointe) et à un taux de montée élevé, tout en gardant l’initiative capteurs. Cette méthode évite les rapprochements brusques, limite l’usure et préserve la sécurité aérienne des tiers.

Les usages pratiques de l’EOTS et du DAS contre un An-124

Sur un transporteur stratégique, l’empreinte infrarouge est massive : quatre D-18 délivrent chacun ≈230–250 kN ; l’EOTS isole les points chauds (tuyères, bords d’attaque, zones ventrées) et reconstruit une silhouette fidèle. Le DAS, en parallèle, conserve la piste quand l’avion manœuvre : virage en montée, palier ou descente. En champ étroit, l’EOTS aide à distinguer un An-124 d’un Il-76 par la forme du nez, la répartition des trains, la géométrie de l’empennage et la distance entre nacelles. À moyenne distance, les vibrations thermiques de volets et bords de fuite deviennent des indices supplémentaires. Si l’aéronef vole sans transpondeur ou hors créneau ATC, le CAOC peut demander une accompagnement plus prolongé, toujours en dehors de l’espace souverain. Le résultat attendu : identification de type, photo/vidéo thermiques horodatées, compte-rendu aux autorités OTAN et levée de doute sur la nature du vol. Cette méthode privilégie la preuve objective issue des capteurs plutôt que des hypothèses, et renforce la traçabilité des interactions.

Les enjeux opérationnels et stratégiques

La sécurité aérienne en Europe repose sur une posture crédible et prévisible. En Baltique, les F-35 italiens démontrent la capacité de surveiller des vols militaires se rendant ou revenant de Kaliningrad. Les interceptions de gros porteurs sont rares mais sensibles : elles testent la discipline radio, la coopération avec les contrôles civils et la capacité d’identification à distance. Le duo DAS + EOTS réduit le besoin de rapprochement et abaisse le risque pour les équipages. Au plan macro, l’OTAN a observé en 2024 une hausse des scrambles de 20–25 % en Baltique au premier trimestre, reflet des activités et exercices accrus. Les rotations Baltic Air Policing fêtent leurs 20 ans ; l’arrivée d’appareils de 5e génération standardise des procédures où la détection passive, la fusion et le partage l’emportent sur la course à la force. Pour l’Aeronautica Militare, c’est un retour d’expérience précieux : intégration OTAN, maîtrise de la QRA en climat balte, et validation d’une interception mesurée face à des plateformes stratégiques.

La portée technico-opérationnelle pour les forces européennes

Au-delà de l’événement, l’usage rigoureux de l’EOTS et du DAS impose des exigences : maintenance capteurs au niveau ligne, calibrations régulières, formation à l’interprétation IR et discipline EMCON (gestion des émissions). Le coût unitaire d’un missile air-air moderne se compte en centaines de milliers d’euros ; chaque interception évitée grâce à une identification à longue distance économise des ressources et réduit l’attrition. Côté coordination, la liaison Link 16 connecte avions, navires et radars ; la MADL relie les F-35 entre eux sans dégrader la discrétion. L’objectif est clair : détecter tôt, classifier juste, identifier proprement, puis documenter et partager. Cette approche factuelle et sobre convient aux cieux densifiés de l’Europe du Nord. Elle répond aussi à une réalité : l’interception n’est pas un duel, mais une procédure de sûreté, où le capteur préserve autant qu’il surveille. À ce titre, l’EOTS et le DAS constituent un avantage européen concret dès lors qu’ils sont exploités méthodiquement et sans excès de confiance.

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