Ordre exécutif Trump : accélération des drones BVLOS et eVTOL

BVLOS et eVTOL

Trump signe un ordre renforçant les drones BVLOS et eVTOL : nouvelles règles FAA, soutien industriel, IA pour approbations.

Le 6 juin 2025, Donald Trump a promulgué un ordre exécutif majeur pour positionner les États-Unis à la pointe des drones à usage civil et aéronefs eVTOL. L’objectif : déployer les vols Beyond Visual Line of Sight (BVLOS) à grande échelle via la FAA, appuyer la fabrication nationale, intégrer l’intelligence artificielle dans les approbations réglementaires, lancer un programme pilote eVTOL et sécuriser la chaîne d’approvisionnement. Ces mesures visent à stimuler l’innovation, renforcer la sécurité, dynamiser l’industrie domestique et contrer la domination chinoise dans ce marché de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

BVLOS et eVTOL

Lancement d’une révolution BVLOS

L’ordre exécutif signé en juin 2025 impose à la Federal Aviation Administration (FAA) de publier sous 30 jours une proposition réglementaire visant à autoriser les opérations Beyond Visual Line of Sight (BVLOS) pour les usages commerciaux et de sécurité publique. Cette mesure vise à remplacer le système actuel fondé sur des dérogations spécifiques (Part 107 waivers), lesquelles constituent aujourd’hui un goulet d’étranglement pour l’innovation. En 2024, 809 waivers ont été accordés aux États-Unis, dont 203 exclusivement pour des vols BVLOS, soit près d’un quart des autorisations. Cela traduit une demande croissante pour ce type d’opérations, pourtant encore encadrées de manière restrictive.

Les vols BVLOS sont particulièrement adaptés aux grandes zones rurales ou industrielles : surveillance d’oléoducs, inspection de lignes électriques, cartographie agricole ou missions de recherche et de sauvetage. La valeur ajoutée repose sur la capacité d’exécuter des missions sans que l’opérateur garde l’aéronef en vue directe, ce qui permet une automatisation accrue et des rayons d’action élargis.

Les données de marché confirment cette dynamique : le marché mondial des drones commerciaux est estimé à 30 milliards de dollars (environ 28 milliards d’euros) en 2024, avec une croissance annuelle de 10,6 %. Le sous-segment BVLOS progresse encore plus rapidement, à 11,2 % par an, tandis que les drones autonomes BVLOS pèsent 1,2 milliard de dollars et devraient croître de 25,9 % par an jusqu’en 2034.

L’expérience de Pacific Gas & Electric, qui a utilisé plus de 40 waivers BVLOS pour surveiller les zones à haut risque d’incendie en Californie, illustre les gains opérationnels : moins de vols habités, temps de réaction plus court, et coûts réduits.

Cette généralisation réglementaire pourrait marquer un tournant vers des opérations massives, avec un impact direct sur les chaînes logistiques, les modèles économiques et l’emploi dans l’aéronautique légère.

Intégration eVTOL : vers une mobilité aérienne urbaine

L’ordre exécutif introduit un programme pilote eVTOL chargé de tester au moins cinq projets expérimentaux autour de la logistique de fret, des interventions médicales d’urgence et de la mobilité aérienne avancée en environnement urbain. L’objectif est d’accélérer l’adoption des aéronefs à décollage et atterrissage verticaux électriques, une technologie en phase de pré-commercialisation, mais déjà soutenue par des investissements publics et privés majeurs. Cette approche vise à encadrer les premiers essais opérationnels dans des conditions réelles, tout en établissant une base de données sur les performances, la sécurité et l’acceptabilité sociale des eVTOL.

Le contexte économique est favorable : en 2024, le marché mondial des drones, y compris les eVTOL, est estimé à 73 milliards de dollars (environ 68 milliards d’euros), avec une projection à 163 milliards de dollars d’ici 2030, soit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 14,3 %. Le marché américain représente à lui seul 10,9 milliards de dollars avec une progression attendue de 10,4 % par an jusqu’en 2034. Le segment spécifique de la mobilité aérienne urbaine (UAM) affiche les ambitions les plus marquées, avec une estimation située entre 1 000 et 9 000 milliards de dollars à l’horizon 2050, selon plusieurs scénarios financiers.

Sur le plan industriel, Joby Aviation, Archer, Volocopter et Wisk Aero mènent la course au développement. Joby, en partenariat avec Delta Airlines, expérimente déjà ses vols à New York et Los Angeles, tandis qu’Archer a sécurisé un contrat de 500 millions de dollars avec Japan Airlines, signe d’un intérêt croissant des opérateurs historiques du transport aérien.

Les effets attendus sont multiples :

  • Démarrage des premiers vols contrôlés dès 2025, principalement dans des zones urbaines à densité moyenne.
  • Construction des premiers vertiports, incluant des stations de recharge électrique, maintenance et contrôle opérationnel.
  • Émergence d’un secteur économique parallèle, incluant formation des pilotes, maintenance spécialisée, assurance, cybersécurité, et normes aériennes dédiées.

À terme, ce développement pourrait redistribuer les équilibres entre transport urbain terrestre et aérien, avec des implications fortes pour les politiques de mobilité des métropoles.

Soutien à l’industrie nationale et sécurité

L’ordre exécutif impose une priorisation claire des drones conçus et fabriqués aux États-Unis, dans une logique de souveraineté industrielle et de réduction de la dépendance technologique étrangère. L’administration américaine vise une triple action : allègement réglementaire, sécurisation des chaînes d’approvisionnement critiques et promotion des exportations de drones civils et militaires made in USA. Cette orientation découle d’un constat stratégique : aujourd’hui, plus de 70 % du marché mondial des drones civils est dominé par DJI, entreprise chinoise. Or, cette domination représente un risque de sécurité pour les systèmes critiques et les données sensibles, notamment en matière d’infrastructures, d’énergie et de sécurité publique.

L’exécutif américain demande donc aux agences fédérales de privilégier les fournisseurs nationaux dans leurs achats, et annonce des instruments de soutien : facilitation des procédures de certification, incitations fiscales à l’investissement local et financements à l’exportation via Ex-Im Bank et d’autres organismes.

Les réactions des marchés ont été immédiates. À l’annonce de l’ordre, les valeurs des industriels américains ont bondi : +13 % pour Joby Aviation, +10,5 % pour Archer, +13 % pour Vertical Aerospace. Pourtant, ces entreprises sont encore très déficitaires : Joby Aviation, valorisé à plus de 7 milliards de dollars, a généré seulement 136 000 dollars de chiffre d’affaires en 2024. De son côté, Archer a enregistré une perte nette de 458 millions de dollars en 2023, mais dispose encore d’une trésorerie dépassant un milliard de dollars, ce qui lui offre une certaine résilience à court terme.

Conséquences attendues :

  • Une restructuration de la base industrielle américaine des drones, avec des investissements orientés vers l’assemblage local, l’outillage et la certification.
  • Une montée en gamme technologique, rendue possible par une réduction de la dépendance vis-à-vis de composants critiques importés (capteurs, batteries, systèmes de communication).
  • Une réduction progressive de la présence de matériel étranger, notamment chinois, dans les réseaux sensibles comme les sites nucléaires, les réseaux électriques ou les forces de l’ordre.

Ce volet industriel complète la stratégie aérienne et technologique globale : au-delà de l’innovation, il s’agit de bâtir un écosystème souverain, sécurisé et compétitif, capable de s’inscrire durablement dans les chaînes de valeur mondiales de l’aéronautique légère.

Volet numérique : intelligence artificielle et écosystème réglementaire

L’ordre exécutif impose à la Federal Aviation Administration (FAA) l’intégration de solutions basées sur l’intelligence artificielle (IA) pour accélérer l’ensemble du processus de validation des dérogations pour systèmes aériens sans équipage (UAS). Cette décision vise à remédier à la lenteur actuelle des procédures d’approbation, jugée incompatible avec le rythme d’innovation du secteur. Les nouvelles directives exigent de la FAA qu’elle mette en place, dans un délai de 180 jours, une feuille de route nationale sur l’intégration des UAS dans l’espace aérien, accompagnée de données de sécurité actualisées et exploitables.

L’IA permettra d’automatiser l’analyse des demandes de vol, notamment en environnement BVLOS, en croisant les données géographiques, météorologiques, techniques et réglementaires. Elle réduira également la dépendance aux analyses manuelles, souvent longues et sujettes à interprétation, notamment pour les vols assistés par flux vidéo, capteurs thermiques ou radars embarqués. En centralisant les informations opérationnelles, la FAA pourra ainsi standardiser les critères de performance, ce qui facilitera la création de corridors de vol certifiés, inspirés du modèle de l’aviation traditionnelle.

Les effets attendus sont multiples :

  • Une réduction substantielle des délais d’approbation, qui passeraient de plusieurs mois à quelques semaines, voire jours pour les cas les plus simples.
  • L’émergence de bases de données structurées pour analyser en continu les performances des drones sur les « Test Ranges » et les terrains d’essai certifiés.
  • Un signal positif aux investisseurs, qui verront dans cette automatisation une garantie de scalabilité et de rentabilité à moyen terme.

Enfin, ce volet réglementaire ouvre la voie à une interopérabilité plus fine entre acteurs, en permettant la mise en commun des données via des formats standards et des API certifiées. Cela constituera un levier d’accélération pour la cybersécurité, les systèmes de navigation embarqués et les outils d’évitement d’obstacles, aujourd’hui encore fragmentés. À terme, cette numérisation du processus réglementaire pourrait servir de modèle aux autres agences de l’aviation civile dans le monde.

BVLOS et eVTOL

Vers un écosystème compétitif mondial

La stratégie déployée par l’ordre exécutif de juin 2025 vise à construire un écosystème national intégré combinant réglementation simplifiée, soutien à l’industrie domestique, intelligence artificielle, sécurisation des chaînes logistiques et intégration des aéronefs de nouvelle génération, notamment BVLOS et eVTOL. L’objectif est clair : faire des États-Unis le centre de gravité technologique et industriel mondial dans le domaine des systèmes aériens sans équipage et de la mobilité aérienne avancée. Toutefois, la mise en œuvre de cette stratégie se heurte à plusieurs obstacles structurels et conjoncturels.

Premièrement, le calendrier réglementaire est particulièrement contraint : la publication d’une règle fédérale complète sur le BVLOS en 240 jours représente un défi sans précédent dans l’histoire de l’aviation civile américaine. Ce rythme accéléré nécessite des moyens techniques et humains massifs, dans un environnement administratif souvent marqué par l’inertie.

Deuxièmement, la soutenabilité financière du secteur eVTOL reste incertaine. La majorité des industriels accusent des pertes d’exploitation considérables et dépendent fortement de subventions, d’accords gouvernementaux ou de partenariats stratégiques avec les majors du transport aérien. À court terme, leur capacité à produire à échelle industrielle reste limitée.

Troisièmement, la concurrence chinoise demeure un facteur critique. DJI continue d’afficher des taux de croissance supérieurs à 20 % en 2025 sur le marché mondial, notamment grâce à des économies d’échelle, des prix très compétitifs et une politique industrielle centralisée. À cela s’ajoute l’essor des start-ups asiatiques spécialisées dans les capteurs, la navigation embarquée et les batteries haute densité.

Enfin, la complexité institutionnelle américaine constitue un frein. La coordination entre la FAA, le Département du Commerce, le Pentagone et les agences d’acquisition fédérales est loin d’être fluide. Chaque entité possède ses priorités, ses procédures et ses contraintes légales.

Dans ce contexte, des acteurs externes comme Tesla pourraient rebattre les cartes. Des analystes financiers évoquent un potentiel de 1 000 dollars de bénéfice par action pour l’entreprise si elle réussit à s’imposer dans le segment de la mobilité basse altitude, un domaine techniquement proche des véhicules autonomes terrestres. Un tel mouvement redistribuerait les forces entre industriels historiques de l’aéronautique, start-ups disruptives et conglomérats technologiques.

Pour les États-Unis, l’enjeu n’est pas seulement économique, mais géopolitique. Il s’agit de s’assurer une autonomie stratégique dans l’un des secteurs les plus critiques du XXIe siècle, tout en maintenant une capacité d’exportation compétitive face aux puissances émergentes. La réussite de cette politique dépendra autant de sa rapidité d’exécution que de sa capacité à structurer durablement les filières industrielles nationales.

Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.

A propos de admin 1690 Articles
Avion-Chasse.fr est un site d'information indépendant dont l'équipe éditoriale est composée de journalistes aéronautiques et de pilotes professionnels.