Patrouilles furtives du J-20 chinois autour de Taïwan : la pression chinoise s’intensifie

J-20 Chine

Les chasseurs furtifs J-20 de la PLAAF patrouillent autour de Taïwan et s’entraînent au tir longue portée. Taipei y voit un signal stratégique adressé aux alliés régionaux.

En résumé

La Chine a accru la pression militaire sur Taïwan en multipliant les incursions aériennes autour de l’île, dont certaines incluent désormais le J-20, chasseur furtif de cinquième génération. Pékin met en scène des « patrouilles de préparation au combat » et des scénarios de « frappes de précision » contre des cibles clés à Taïwan. Ces vols passent régulièrement la ligne médiane du détroit de Taïwan, longtemps considérée comme une limite tacite, et pénètrent dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan. Taipei a comptabilisé plusieurs milliers de sorties chinoises autour de son espace aérien depuis le début de l’année 2025, avec jusqu’à 26 appareils détectés en une seule vague et plus des deux tiers franchissant cette ligne médiane. Les chasseurs de la PLAAF (People’s Liberation Army Air Force) ne se contentent plus d’exercer une pression psychologique : ils s’exercent désormais à des profils de frappe longue portée, en cohérence avec les capacités missiles de très grande portée du missile PL-15 et des munitions guidées air-sol. Pour Taïwan, mais aussi pour Washington et Tokyo, ces patrouilles ne sont plus une simple provocation : elles testent la capacité réelle de l’île à détecter, suivre et engager un avion furtif moderne avant qu’il ne puisse neutraliser ses radars, ses pistes et ses centres de commandement.

La montée en puissance des patrouilles furtives chinoises

La stratégie aérienne chinoise autour de Taïwan a changé d’échelle en 2025. Taipei affirme avoir détecté plus de 4 000 incursions dans son ADIZ entre janvier et septembre 2025, un chiffre supérieur à la même période l’année précédente. Le volume n’est pas le seul signal. Pékin envoie des paquets aériens de plus en plus structurés : chasseurs multirôles J-16, avions de guerre électronique, avions de ravitaillement YY-20, bombardiers H-6 capables d’emporter des missiles de croisière, et désormais des chasseurs furtifs J-20 intégrés comme éclaireurs de haute valeur.

Ces patrouilles ne se contentent plus de longer la côte chinoise. Le ministère taïwanais de la Défense (Ministry of National Defense, MND) signale régulièrement des groupes de 20 à 30 aéronefs franchissant la ligne médiane du détroit de Taïwan et pénétrant dans l’ADIZ taïwanaise au nord, au centre et au sud-ouest. Le 8 octobre 2025, par exemple, Taipei a détecté 26 appareils de l’Armée populaire de libération (APL), dont 18 ont traversé cette ligne médiane pour évoluer dans ces secteurs aériens sensibles. Cette bascule est importante : la ligne médiane était traditionnellement respectée, même dans les phases de tension. Pékin efface désormais publiquement cette ligne, ce qui revient à contester l’idée même d’une zone tampon aérienne entre les deux rives du détroit.

Dans cette dynamique, la présence affichée ou suggérée de la PLAAF avec des cellules furtives J-20 joue un rôle politique autant qu’opérationnel. Les médias militaires chinois mettent en avant des « patrouilles de préparation au combat » impliquant le J-20, y compris dans des espaces aériens à très forte surveillance, et affirment que l’appareil a opéré sans être immédiatement détecté par les réseaux de radars régionaux alliés. Le message est clair : Pékin veut montrer que son chasseur de cinquième génération peut approcher Taïwan – et donc ses centres militaires – en réduisant la fenêtre d’alerte.

La portée opérationnelle du J-20 dans l’ADIZ taïwanaise

Le J-20 furtif, aussi appelé « Mighty Dragon », est devenu l’outil de prestige de l’aviation chinoise pour imposer une dissuasion régionale crédible. La flotte dépasserait désormais les 300 exemplaires en service opérationnel fin 2025, ce qui en ferait la plus grande flotte de chasseurs furtifs de cinquième génération au monde après les F-35 américains. Le passage d’une poignée d’appareils prototypes à plusieurs centaines d’unités change la donne militaire autour de Taïwan. Une masse critique de 300 avions permet non seulement des rotations soutenues, mais aussi la présence simultanée sur plusieurs théâtres : détroit de Taïwan, mer de Chine orientale, mer de Chine méridionale.

Techniquement, le J-20 est conçu pour pénétrer des bulles de défense aérienne adverses. Sa cellule à angles cassés, ses entrées d’air en S et l’emploi intensif de matériaux absorbants visent à réduire sa surface équivalente radar. Son radar à antenne active (AESA), donné pour une portée de détection de plus de 200 km, fusionne les données avec d’autres capteurs infrarouges et électro-optiques pour offrir au pilote une image tactique complète sans allumer en permanence un radar émetteur détectable.

L’appareil emporte en soute des missiles air-air longue portée comme le missile PL-15, crédité d’une portée annoncée supérieure à 200 km, voire plus, ce qui lui permettrait d’engager un avion de guet aérien (AWACS) ou un appareil ravitailleur sans s’exposer aux défenses de courte portée. Le même volume interne peut être adapté à des munitions air-sol guidées, ce qui ouvre la voie à une frappe longue portée sur des infrastructures fixes, par exemple les radars au sol, les centres C2 ou les pistes aériennes taïwanaises.

Lorsqu’un J-20 approche de l’ADIZ taïwanaise, même sans franchir l’espace aérien souverain, il ne s’agit pas d’un simple survol symbolique. Il s’agit d’une démonstration qu’un vecteur furtif peut, en théorie, lancer des armements guidés contre l’appareil radar taïwanais depuis l’extérieur de la bulle de défense, tout en restant difficile à suivre. Cette capacité est la base des scénarios de « frappes de décapitation » et de neutralisation de l’alerte avancée que Pékin diffuse désormais via ses médias militaires officiels.

Les exercices de frappe de précision contre Taïwan

Pékin ne masque plus l’objectif des exercices. Lors de grandes manœuvres aéronavales autour de l’île, l’APL a diffusé des séquences vidéo montrant des pilotes s’entraînant à frapper des « cibles clés » sur Taïwan, présentées comme des centres gouvernementaux ou des nœuds militaires. Ces images ont été décrites comme des « frappes de précision conjointes » menées par plusieurs branches des forces chinoises.

Ce langage importe. Pendant des années, la rhétorique chinoise parlait surtout de « patrouilles de routine » ou de « protection de la souveraineté ». En 2025, la narration officielle parle désormais de « blocus », « encerclement », « neutralisation de cibles stratégiques » et « capacité à isoler l’île ». L’extension géographique des vols chinois à l’est de Taïwan – au-delà du détroit – vise explicitement à montrer que l’APL peut menacer les voies aériennes et maritimes par lesquelles les alliés pourraient ravitailler l’île en munitions, carburant aviation ou pièces critiques, en cas de crise prolongée.

Dans ce schéma, le J-20 n’est pas seulement un chasseur de supériorité aérienne. Il devient un éclaireur furtif capable d’ouvrir la voie. Sa combinaison furtivité / capteurs / missiles longue portée en fait l’outil idéal pour dégrader la défense aérienne taïwanaise avant l’entrée des vagues plus lourdes : bombardiers H-6K porteurs de missiles de croisière air-sol et chasseurs multirôles J-16 chargés de munitions guidées classiques.

J-20 Chine

Les limites de la défense taïwanaise face au J-20

Taïwan n’est pas sans défense. Taipei déploie une défense multicouche : avions de chasse F-16V modernisés, radars longue portée, batteries sol-air Patriot PAC-3, systèmes Tien Kung (Sky Bow) nationaux, et missiles antinavires. Le MND dit activer systématiquement des patrouilles aériennes de combat, des bâtiments de la marine et des systèmes missiles côtiers dès qu’un groupe aérien chinois s’approche.

Mais l’arrivée d’un avion furtif de cinquième génération change l’équation du temps de réaction. Détecter un J-20 à distance nécessite soit des radars basse fréquence moins précis, soit l’appui de moyens alliés (avions de veille radar, satellites, réseaux passifs). Or Taïwan doit assumer ce suivi en continu, parfois face à des vagues de plus de 20 appareils détectés en quelques heures.

Taïwan reconnaît aussi l’épuisement que provoque cette pression permanente. Le ministère de la Défense évoque désormais des priorités claires : renforcement de la défense anti-drone, dispersion des moyens, durcissement des sites critiques, entraînement au tir nocturne, et augmentation de la résilience des réseaux de commandement. Taipei travaille à accélérer la capacité de ses forces à absorber un premier choc tout en maintenant une capacité de riposte crédible durant plusieurs jours, pas seulement durant quelques heures.

Cette approche suppose des choix budgétaires lourds. Washington pousse Taïwan à porter ses dépenses de défense vers 5 % du PIB, contre environ 3 % aujourd’hui, en insistant sur la préparation d’un scénario de blocus et de frappes coordonnées plutôt qu’une invasion amphibie immédiate. Les patrouilles furtives autour de l’île servent précisément à rendre ce scénario crédible.

Les messages stratégiques adressés aux alliés de Taïwan

Chaque survol est un message. À Taïwan, le signal est direct : Pékin veut montrer que sa supériorité aérienne locale devient structurelle. À Washington, le message est différent. Pékin veut tester la capacité américaine à tenir un pont aérien de soutien vers Taïwan si la première salve chinoise détruit ou neutralise les bases aériennes taïwanaises. Les séquences de « frappes de précision » ont pour but d’indiquer que les centres politiques et militaires taïwanais seraient visés en priorité, avant l’intervention américaine.

À Tokyo, le message concerne la profondeur stratégique. Le J-20 a déjà été présenté par les médias chinois comme capable d’évoluer dans des zones très surveillées, comme le détroit de Tsushima entre le Japon et la Corée du Sud, sans être immédiatement repéré. Cela signifie, pour le Japon, que les approches aériennes du sud de l’archipel et l’accès vers Okinawa sont désormais exposés à un intrus furtif chinois opérant loin des côtes continentales. Pour les États-Unis, cela complique le rôle des bases américaines du Pacifique occidental, déjà considérées comme des cibles prioritaires de missiles balistiques et de croisière chinois.

Autrement dit, ces patrouilles au large de Taïwan ne sont pas uniquement un dossier bilatéral. Elles s’inscrivent dans une démonstration de portée régionale : la dissuasion régionale de Pékin ne se limite plus au détroit de Taïwan mais s’étend à la mer de Chine orientale, à la mer de Chine méridionale et jusqu’aux lignes logistiques alliées.

La trajectoire d’escalade aérienne

Le rythme observé fin 2025 laisse penser que la pression ne va pas diminuer. Le volume des sorties chinoises, la banalisation du franchissement de la ligne médiane du détroit de Taïwan, et la mise en avant du J-20 comme plate-forme furtive apte à la frappe longue portée indiquent une normalisation du harcèlement aérien autour de l’île.

Pour Taïwan, l’enjeu immédiat est l’endurance de sa défense aérienne taïwanaise, au sens matériel (usure des cellules F-16V, consommation des heures de vol, tension sur les équipages) mais aussi politique : comment maintenir le moral de la population si les incursions deviennent quotidiennes, tout en évitant l’incident qui offrirait à Pékin un prétexte militaire ? Pour les alliés, l’enjeu est d’empêcher que ces patrouilles furtives, répétées sans réponse ferme, finissent par devenir une nouvelle norme stratégique dans le détroit.

Dans ce climat, chaque apparition d’un J-20 près de l’ADIZ n’est pas un simple geste technique. C’est une répétition générale d’un premier jour de guerre dans lequel Pékin chercherait à paralyser l’île avant même que ses partenaires extérieurs aient le temps d’entrer dans le jeu.

Sources
– Ministry of National Defense (Taiwan), communiqués quotidiens sur les incursions aériennes et navales autour de Taïwan en octobre-novembre 2025.
– Données agrégées sur le nombre d’incursions dans l’ADIZ taïwanaise sur les neuf premiers mois de 2025.
– Déclarations et images de l’APL sur les patrouilles de préparation au combat, les frappes de précision conjointes et l’encerclement de Taïwan (avril 2025 – novembre 2025).
– Éléments techniques connus du chasseur furtif J-20 (furtivité, radar AESA, armement longue portée PL-15, capacité multirôle air-air / air-sol) et estimation d’une flotte excédant 300 appareils fin 2025.
– Orientations récentes de la défense taïwanaise : défense anti-drone, hausse des dépenses de défense, priorité à la résilience après une frappe initiale.

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