Lockheed Martin avance son F-35 « 5+ », une évolution vers la 6e génération

F-35 « 5+ »

Lockheed Martin propose une version « 5+ » du F-35, intégrant moteurs avancés, furtivité renforcée et armements modernisés. Washington étudie cette option.

En résumé

Lockheed Martin travaille sur une version améliorée du F-35 Lightning II, qualifiée de « cinquième génération plus ». Cette déclinaison, encore sans contrat officiel, intégrerait des éléments développés dans le cadre des études américaines pour un avion de sixième génération. Le concept repose sur trois axes principaux : un moteur modernisé inspiré du programme AETP, une furtivité renforcée pour réduire la signature radar et infrarouge, et une intégration d’armements plus performants. Le Département de la Défense américain a marqué un intérêt stratégique pour ce projet, qui permettrait de prolonger la compétitivité du F-35 jusqu’aux années 2060. Cette proposition s’inscrit dans une logique budgétaire et industrielle : conserver une flotte modernisée tout en retardant une transition complète vers une nouvelle génération, plus coûteuse et plus risquée. L’approche de Lockheed Martin vise donc à offrir une solution intermédiaire, pragmatique et technologiquement crédible.

Le concept du F-35 « cinquième génération plus »

Lockheed Martin présente la version « F-35 5+ » comme une évolution naturelle de l’actuel F-35 Lightning II. L’objectif est d’introduire des technologies dérivées des travaux sur le futur programme de sixième génération (Next Generation Air Dominance – NGAD). Plutôt que d’attendre la disponibilité d’un nouvel appareil vers les années 2040, cette déclinaison améliorerait la plateforme existante.

Le F-35 est déjà au cœur de la puissance aérienne américaine et alliée, avec plus de 1 000 exemplaires livrés dans le monde. Les projections tablent sur un total supérieur à 3 000 appareils d’ici 2045. Une modernisation profonde permettrait de prolonger la durée de vie opérationnelle au-delà des 8 000 heures de vol prévues par cellule, et de maintenir un écart technologique avec les concurrents chinois et russes.

Cette approche rappelle les mises à jour passées du F-16, dont certaines versions Block 70/72 ont intégré des capacités comparables à des avions de génération ultérieure. Le F-35 5+ suivrait cette logique d’évolution incrémentale, mais avec un saut plus marqué sur la propulsion, la furtivité et l’armement.

Le moteur avancé : une rupture de performance attendue

L’un des volets majeurs concerne la motorisation. Le F-35 actuel utilise le Pratt & Whitney F135, qui fournit environ 191 kilonewtons de poussée maximale avec postcombustion. Mais ce moteur est jugé limité face aux besoins croissants en puissance électrique et en refroidissement des capteurs.

Le programme américain AETP (Adaptive Engine Transition Program) a permis à General Electric et Pratt & Whitney de développer des prototypes capables de générer jusqu’à 25 % de poussée supplémentaire et 30 % de rendement énergétique en plus. Ces moteurs adaptatifs disposent d’un troisième flux d’air, optimisant la consommation en croisière et la poussée en combat.

Intégrer ce type de moteur sur le F-35 5+ offrirait une autonomie accrue de près de 30 %, ce qui correspondrait à environ 400 km supplémentaires sur un rayon d’action de base de 1 100 km. Cela permettrait aussi de prolonger le temps de fonctionnement des capteurs et des armes énergétiques à venir, comme les lasers de défense rapprochée.

Cette évolution est jugée cruciale par l’US Air Force, qui a signalé un besoin urgent de propulsion plus performante pour soutenir les futures mises à niveau Block 4 du F-35.

F-35 « 5+ »

Les améliorations furtives envisagées

La furtivité du F-35 Lightning II repose sur une conception aérodynamique optimisée, des matériaux absorbants et un traitement de surface spécifique. Mais la prolifération des radars à basse fréquence et des réseaux passifs remet en cause son efficacité à long terme.

Le projet F-35 5+ intègre de nouveaux revêtements radar absorbants, moins coûteux à entretenir et plus performants dans les gammes de fréquences basses. De plus, la gestion thermique de la cellule serait améliorée pour réduire la signature infrarouge, un élément clé face aux missiles air-air modernes dotés de capteurs avancés.

Ces évolutions visent à conserver un avantage dans un environnement saturé de capteurs, notamment face à la montée en puissance des radars AESA chinois et aux systèmes passifs européens. L’amélioration furtive aurait aussi l’avantage de réduire les coûts d’entretien, actuellement l’un des points faibles du F-35.

L’intégration de nouveaux armements

Le F-35 5+ serait conçu pour intégrer un arsenal élargi et plus performant. Parmi les priorités figurent des missiles air-air longue portée comme l’AIM-260 JATM, conçu pour remplacer l’AIM-120 AMRAAM à l’horizon 2030.

Côté air-sol, l’appareil pourrait embarquer des armes hypersoniques compactes et des bombes guidées de nouvelle génération. L’espace interne du F-35, limité à environ 2 600 kg, contraint aujourd’hui l’intégration de certaines munitions. Les ingénieurs de Lockheed Martin travaillent sur des systèmes compacts permettant de loger plus d’armements en soute, tout en préservant la furtivité.

Le Block 4 du F-35 prévoit déjà une intégration progressive de 17 nouvelles armes. La version 5+ servirait de banc d’essai pour les intégrer plus rapidement et préparer la transition vers les armements de sixième génération.

L’intérêt du Département de la Défense américain

Le Pentagone s’est montré attentif à la proposition de Lockheed Martin. L’idée d’un F-35 5+ séduit par sa flexibilité : elle permet de maintenir la flotte actuelle au meilleur niveau sans attendre le NGAD, dont le coût estimé par appareil dépasserait 250 millions d’euros.

Le F-35 5+ coûterait beaucoup moins cher que le développement d’un chasseur totalement nouveau. Actuellement, le prix unitaire d’un F-35A est d’environ 80 millions d’euros, mais son coût complet à l’heure de vol atteint près de 33 000 euros. L’amélioration de la motorisation et des systèmes furtifs pourrait réduire ces coûts d’entretien, renforçant l’argument économique.

Cependant, aucun contrat n’a encore été signé. Le Département de la Défense étudie les différentes options, entre le maintien d’un moteur F135 modernisé et l’adoption d’un moteur totalement nouveau.

Les conséquences stratégiques et industrielles

La mise en place d’un F-35 5+ aurait des répercussions au-delà des États-Unis. De nombreux pays alliés, comme le Royaume-Uni, l’Italie, le Japon ou la Pologne, dépendent du F-35 pour leur défense aérienne future. Une évolution vers une version 5+ pourrait nécessiter des modernisations lourdes des flottes existantes.

Sur le plan industriel, cela offrirait une charge de travail supplémentaire aux sites de Lockheed Martin, Pratt & Whitney et General Electric. Cela renforcerait aussi la cohérence du programme F-35 en évitant une fragmentation technologique entre utilisateurs.

Enfin, sur le plan stratégique, l’option 5+ permettrait de maintenir une avance crédible sur le Su-57 russe et le J-20 chinois, en attendant que le NGAD devienne opérationnel.

Une réflexion sur l’avenir aéronautique américain

Le concept du F-35 5+ soulève une question centrale : vaut-il mieux prolonger indéfiniment une plateforme existante ou investir massivement dans une rupture technologique ? Les États-Unis semblent vouloir suivre une double approche : d’un côté, financer le NGAD pour le long terme ; de l’autre, moderniser le F-35 pour maintenir une flotte nombreuse et compétitive dans l’intervalle.

Cette stratégie illustre une contrainte budgétaire et politique : le besoin de concilier innovation et maîtrise des coûts. Les prochains mois diront si le Pentagone donne son feu vert à ce projet intermédiaire. Une chose est sûre : la bataille de la supériorité aérienne ne se jouera pas uniquement sur les avions de sixième génération, mais aussi sur la capacité à faire évoluer efficacement ceux déjà en service.

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