Un rêve à construire soi-même : est-ce possible de fabriquer un avion expérimental

avion expérimental

Construire un avion expérimental est accessible aux amateurs, mais exige de respecter normes, certification, construction et réglementation. On explique comment et pourquoi.

En résumé

Construire un avion expérimental est une aventure sérieuse mais réalisable. On parle d’un appareil classé « expérimental » ou « amateur-built » confirmé par un registre aéronautique, destiné à un usage privé, non commercial. Le pilote-constructeur doit réaliser plus de 51 % des travaux de fabrication et d’assemblage pour pouvoir prétendre à une immatriculation dans cette catégorie. Le processus inclut la planification, l’achat ou réalisation d’un kit ou de pièces, jusqu’à la demande de certificat de navigabilité spécial et une phase de vol d’essai. En Europe, le régime dépend des états membres et de l’EASA pour certains appareils certifiés, outre les règles nationales (France : décret du 8 janvier 2018). L’avion expérimental permet liberté de construction, adaptation, mais implique des limitations d’exploitation, des contrôles rigoureux et une maintenance spécifique. Le coût, la durée (souvent 1 000 à 3 000 heures) et les responsabilités sont élevés. Avant de se lancer, il est essentiel de maîtriser les normes, assurances, procédures de vol et contraintes de mise en œuvre.

Le concept d’avion expérimental : définitions et fondements

Un avion expérimental amateur-built (souvent « homebuilt ») est un aéronef construit par un amateur, pour ses propres objectifs de loisir ou d’éducation, et non à des fins commerciales. Aux États-Unis, la Federal Aviation Administration (FAA) définit cette catégorie par la section 14 CFR 21.191(g) : l’aéronef doit avoir été assemblé pour plus de 51 % par l’amateur-constructeur. Ce régime existe depuis plus de cinquante ans et concerne plus de 33 000 appareils enregistrés.
En Europe, la situation varie : certains États autorisent les « amateur-built » sous des régimes nationaux, mais il n’existe pas de régime unique EASA pour tous. En France, le décret du 8 janvier 2018 transpose les règles sur les aéronefs construits par amateurs. Cette catégorie n’est pas conçue pour le transport commercial de passagers contre rémunération.
Ainsi, la construction d’un avion expérimental offre liberté et innovation, mais s’inscrit dans un cadre réglementaire strict.

Les opportunités : pourquoi construire son avion expérimental

Construire son propre avion procure plusieurs atouts :

  • Un coût potentiellement réduit comparé à un avion neuf « usine » : aux États-Unis, certains homebuilts sont construits pour moins de 10 000 USD, d’autres dépassent 100 000 USD selon les performances.
  • Une personnalisation complète ou partielle : choix du moteur, des commandes, des matériaux composites ou métalliques, des avioniques.
  • Une expérience unique d’ingénierie, d’éducation et de pilotage : le constructeur acquiert une connaissance intime de l’appareil.
  • Une catégorie qui permet de voler en privé et d’expérimenter des configurations non commerciales.
    Mais cette liberté s’accompagne d’un engagement technique, d’une documentation sérieuse, d’une phase d’essai prolongée et d’une limitation substantielle des opérations.

La construction : étapes et exigences techniques

La construction d’un avion expérimental se décompose en plusieurs phases :

Choix du projet et acquisition

Le futur constructeur sélectionne soit un kit complet fourni par un fabricant, soit un plan complet pour une construction « scratch ». Le kit doit permettre de vérifier que le constructeur réalise au minimum 51 % des travaux, pour correspondre à la « 51 % rule ».

Fabrication et assemblage

Le constructeur effectue soudure, rivetage, assemblage des ailes, pose des commandes, intégration moteur, avionique. Le suivi doit être rigoureux, avec logs, photos, factures, car ces données seront examinées lors de l’inspection.

Inspection initiale et certification

Une fois la construction terminée, l’aéronef doit être inspecté par l’autorité compétente (FAA, DGAC, etc.) pour obtenir un certificat de navigabilité spécial dans la catégorie expérimentale amateur-built. Le constructeur doit démontrer que l’avion est contrôlable sur sa plage de vitesses, qu’il ne présente pas de caractéristiques dangereuses.

Phase de vol d’essai

Aux États-Unis la FAA impose souvent 25 à 40 heures d’essais en zone non peuplée avant transport de passagers. L’avion reste soumis à des limitations d’opération (jour, VFR sauf dérogation) pendant cette phase.

Exploitation et maintenance

Après la certification initiale, l’aéronef est soumis à un programme de maintenance. Bien que plus libre, l’exploitant doit respecter des inspections périodiques (souvent annuelles). En Europe, les opérateurs doivent aussi tenir compte des règles nationales de maintenance et d’assurance.
La durée moyenne de construction d’un avion amateur-built se situe entre 1 000 et 3 000 heures de travail.

Certification et réglementation : ce qu’il faut respecter

Aux États-Unis

  • Règle des 51 % : le constructeur amateur doit réaliser la majorité de l’assemblage.
  • 14 CFR 91.319 impose les limitations opérationnelles : pas de transport rémunéré, information au passager, vols VFR jour sauf autorisation spéciale.

En Europe / France

  • Chaque État membre impose des règles nationales spécifiques : en France, le décret 8 janvier 2018 fixe les conditions des avions construits par amateurs.
  • Il n’existe pas de standard EASA unifié pour tous ; l’immatriculation, l’inspection et les limitations dépendent de l’État de registre.

Autres contraintes

  • Assurance et immatriculation : l’aéronef doit être immatriculé, assuré pour les vols privés.
  • Infrastructure : l’aéronef doit respecter les exigences de sécurité, d’aérodrome, et dans certains cas ne peut pas effectuer de vol de nuit ou en conditions IMC selon le pays.
  • Exploitation privée uniquement : pas de rémunération, pas de transport de passagers payants ou de fret commercial.
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Comment faire voler son avion expérimental : exploitation et limitations

Une fois immatriculé, votre avion est opérationnel sous réserve de respecter les conditions d’exploitation.

  • La phase de test : elle impose une période d’essai avec restrictions (zone géographique, altitude, passagers).
  • Limites d’exploitation : souvent VFR jour uniquement, pas de vol commercial.
  • Maintenance : le constructeur ou propriétaire peut souvent effectuer la maintenance lui-même (dans certaines juridictions), mais doit respecter les inspections périodiques et tenir un dossier de santé de l’avion.
  • Transfert international : voler à l’étranger avec un avion amateur-built peut être complexe. Dans certains cas, un avion immatriculé aux États-Unis mais basé en Europe doit respecter des limitations d’exploitation spécifique (par exemple en France, les homebuilts peuvent être limités à 28 jours de séjour).
  • Sécurité : selon le National Transportation Safety Board (NTSB), les avions amateurs-built ont représenté environ 10 % de la flotte générale aux États-Unis mais 21 % des accidents mortels en un an donné, ce qui impose une vigilance renforcée.

Les possibilités pratiques et les coûts estimés

Le coût varie fortement selon l’ambition du projet : un kit simple peut coûter quelques dizaines de milliers d’euros, tandis qu’un avion performant à moteur puissant et avions complexes peut dépasser 100 000 euros. Aux États-Unis certains homebuilts démarrent sous 10 000 USD, d’autres dépassent 100 000 USD.
Le temps de construction : de 1 000 à 3 000 heures de travail. Si vous travaillez 10 heures par semaine, cela représente environ 2 à 6 ans de construction.
Les matériaux : aluminium, composites, bois selon le design. Le moteur souvent certifié pour réduire le travail de certification.
L’avantage technique : personnalisation, apprentissage, potentiel de hautes performances. L’inconvénient : responsabilité, maintenance, limitations réglementaires, documentation à jour.

Les précautions et défis à anticiper

  • Qualité de fabrication : un constructeur amateur ne dispose pas du support d’un industriel, ce qui peut impliquer des risques structurels si les méthodes ne sont pas rigoureuses.
  • Documentation : logs, photos, journal de construction, certificat de navigabilité spécial sont essentiels.
  • Assurance : les assureurs exigent souvent un historique, une phase d’essai achevée, et certains types plus risqués peuvent voir les primes augmenter.
  • Réglementation locale : voler dans un autre pays avec un avion amateur-built est soumis aux limitations du pays d’immatriculation et du pays d’opération.
  • Exploitation limitée : pas de compensation, passagers parfois limités, risque accru en phase d’essai.
  • Communauté et support : rejoindre une association spécialisée (par exemple l’Experimental Aircraft Association aux États-Unis) permet d’accéder à des ressources, des conseils et de la formation.

Envisager la construction : est-ce fait pour vous ?

Si vous êtes motivé, disposé à consacrer du temps, de la patience, un budget et accepter des contraintes, la construction d’un avion expérimental peut être un projet très gratifiant. Si vous recherchez simplement un appareil clé en main pour transport privé sans compromis, un avion certifié d’usine peut être plus adapté.
Avant de vous engager : vérifiez les exigences de votre pays, planifiez l’infrastructure d’atelier, anticipez le temps et le budget, compromettez-vous à la documentation sérieuse et assurez-vous d’une formation suffisante.

L’aventure « avion expérimental » ne se limite pas à construire une machine volante : c’est une immersion dans l’ingénierie aéronautique, l’entretien, la réglementation et le pilotage privé. Si les barrières sont réelles, elles sont surmontables avec rigueur, réseau et passion.

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