Un entraînement Top Gun pour les drones FPV : la contre-offensive technologique du Pentagone

Top Gun drones

L’armée américaine lance un entraînement Top Gun pour drones FPV dans le cadre du programme T-REX, combinant IA, guerre électronique et innovation rapide.

Le Pentagone transforme ses exercices d’expérimentation technologique en véritables laboratoires de guerre numérique. En août, l’exercice T-REX 25-2 inclura un entraînement intensif pour pilotes de drones FPV, inspiré de l’école Top Gun. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie visant à rattraper le retard face à la production de masse de drones par des puissances adverses. Les drones FPV, initialement conçus pour les compétitions sportives, sont devenus des armes de précision bon marché. Pour en tirer pleinement parti, l’armée américaine investit dans la formation de pilotes, dans des systèmes de défense antidrone à courte portée, et dans la guerre électronique assistée par intelligence artificielle. L’objectif est clair : accélérer le cycle de développement militaire en impliquant le secteur privé dans un processus d’expérimentation rapide. Cette méthode permet déjà de réduire de plusieurs années les délais de mise en service des nouveaux systèmes.

Une formation tactique Top Gun pour drones FPV

Le lancement d’une école Top Gun dédiée aux drones FPV représente un tournant majeur dans la stratégie d’entraînement de l’armée américaine. Contrairement aux simulateurs de vol traditionnels, les FPV (First Person View) sont contrôlés à l’aide de casques de réalité virtuelle, offrant aux opérateurs une vision embarquée directe à travers les capteurs du drone. Cette immersion nécessite un entraînement réflexe et intensif, à la fois en offensive et en défensive, pour manœuvrer efficacement des appareils très sensibles, souvent armés d’explosifs.

L’exercice T-REX d’août 2025 verra l’affrontement d’équipes “Red vs Blue” dans un format qui simule des scénarios de guerre réelle, notamment en zone urbaine. Ces combats d’entraînement permettront de tester les compétences des jeunes opérateurs face à des systèmes de défense antidrone de dernière génération. Cette approche vise à générer rapidement une élite d’opérateurs capables de rivaliser avec les tactiques développées par les forces ukrainiennes et russes, où les drones FPV ont causé une part significative des pertes récentes.

L’enjeu stratégique est immédiat : former des dizaines, puis des centaines d’opérateurs capables de piloter des drones à bas coût mais à haute efficacité, dans un contexte où les adversaires potentiels produisent des millions d’unités par an. À 400 € l’unité en moyenne, les drones FPV sont des missiles improvisés redoutables, à condition d’avoir des opérateurs formés. D’où l’intérêt du Pentagone à structurer l’instruction de ces pilotes comme pour l’aviation de chasse.

Le concept de défense multi-capteurs : une guerre électronique intégrée

Le programme T-REX intègre l’expérimentation de la chaîne de destruction passive multispectrale, un concept reposant sur la combinaison de plusieurs capteurs — acoustiques, infrarouges, radars — pour identifier et neutraliser les menaces aériennes, en particulier les drones. Ces capteurs dits “passifs” n’émettent pas d’ondes, ce qui réduit le risque de détection par l’adversaire. La fusion des données collectées permet de dresser une cartographie instantanée du champ de bataille.

Cette intégration technologique est essentielle dans un contexte où les menaces évoluent rapidement. Les drones FPV, par exemple, volent à très basse altitude et à grande vitesse. Ils échappent ainsi aux systèmes radar conventionnels. Le recours à des capteurs multiples, couplés à des logiciels d’analyse en temps réel et à l’intelligence artificielle, permet de construire une défense capable de réagir en quelques secondes.

Le lieutenant-colonel Matt Limeberry, responsable des exercices T-REX, insiste sur le caractère prioritaire de ces technologies dites “low-cost, short-range air defense”. Ces systèmes doivent être suffisamment simples pour être déployés en masse, mais suffisamment performants pour stopper un essaim de drones. Des modèles comme le système Coyote Block 3 de Raytheon, ou encore les canons à micro-ondes THOR, ont été évoqués dans ce type de configurations.

Top Gun drones

Une accélération de l’innovation militaire via le programme T-REX

Le programme T-REX (Technology Readiness Experimentation) constitue désormais le cadre institutionnel de l’innovation rapide au sein du département de la Défense. Initialement mis en place sous l’administration Biden via le Rapid Defense Experimentation Reserve (RDER), il a été pérennisé sous l’administration Trump et généralisé à toutes les branches de la recherche militaire américaine.

Son principe est clair : tester tous les 30 jours de nouveaux matériels sur le terrain, dans des conditions réelles, avec des retours directs des utilisateurs militaires. Ce rythme permet de raccourcir drastiquement le cycle de développement : certains équipements passent du prototype au déploiement en moins de 18 mois.

En parallèle, des exercices semestriels plus complexes, comme T-REX 25-2, permettent de tester l’interopérabilité des équipements, la résistance aux brouillages, et l’efficacité globale des chaînes de commandement intégrant humains et IA. Cette organisation repose aussi sur une collaboration étroite avec l’industrie, de startups spécialisées aux géants comme Amazon Web Services, qui analyse les données générées par les exercices pour en tirer des enseignements tactiques.

Des drones comme le Kratos XQ-58 Valkyrie, désormais utilisés par les Marines, sont issus de cette filière. Ils illustrent le potentiel de ce modèle à transformer le processus de recherche-développement-acquisition, longtemps critiqué pour sa lenteur et sa lourdeur bureaucratique.

L’enjeu capacitaire face à la production massive de drones par les adversaires

Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a souligné l’écart croissant entre la production américaine et celle de ses rivaux stratégiques, notamment la Chine et la Russie. Ces pays produisent des millions de drones bon marché chaque année, majoritairement dans la catégorie des FPV armés ou des quadricoptères de reconnaissance.

Face à cette dynamique, l’objectif n’est pas uniquement de produire plus, mais de produire mieux et plus intelligemment. Le Pentagone vise une approche qualitative, en misant sur des drones consommables à bas coût, associés à des réseaux de commandement réactifs et à des pilotes formés selon des protocoles standardisés. L’idée est de compenser le déséquilibre quantitatif par un avantage technologique et tactique, via l’intégration d’IA décisionnelle, de guerre électronique, et de formations intensives.

Ce tournant stratégique marque une rupture avec les cycles d’acquisition passés, souvent longs, inefficients et marqués par des projets avortés. La flexibilité permise par T-REX, en réduisant les barrières d’entrée pour les fournisseurs, permet d’élargir le vivier d’innovations disponibles, et d’éviter les impasses technologiques coûteuses.

Perspectives : vers une doctrine drone-native des forces armées américaines

L’ensemble de ces évolutions prépare une mutation doctrinale plus profonde des armées américaines, en particulier pour les engagements asymétriques et les conflits hybrides. À moyen terme, il est probable que chaque brigade mécanisée, chaque escadron de chasse, chaque base avancée déploie ses propres flottes de drones FPV ou loitering munitions, intégrées au commandement par réseaux tactiques autonomes.

Des unités FPV spécialisées, composées de jeunes opérateurs formés comme des pilotes de chasse, viendront appuyer les unités conventionnelles ou saturer les défenses adverses avant un assaut terrestre. Des capteurs au sol détecteront les drones ennemis ; des contre-mesures électroniques ou cinétiques (filets, lasers, micro-ondes) les neutraliseront. Le tout sera orchestré par des algorithmes capables d’agir en moins d’une seconde.

Cette convergence entre guerre électronique, robotique, IA et doctrine opérationnelle trace une nouvelle ligne de front dans la guerre moderne : celle des microdrones pilotés à distance mais pensés comme une extension des troupes au sol.

Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.

A propos de admin 1789 Articles
Avion-Chasse.fr est un site d'information indépendant dont l'équipe éditoriale est composée de journalistes aéronautiques et de pilotes professionnels.