l’Armée de l’Air chinoise accélère les exercices autour de Taïwan

l’Armée de l’Air chinoise accélère les exercices autour de Taïwan

Tokyo alerte : l’Armée de l’Air chinoise accélère, multiplie les exercices autour de Taïwan avec des opérations conjointes avec la Russie.

En résumé

Le Japon qualifie la Chine de défi stratégique prioritaire et observe une accélération de l’activité de la PLAAF autour de la mer de Chine orientale et du Pacifique occidental. En 2024, le Japon a effectué 704 décollages d’alerte, dont 66 % face à des appareils chinois, et 157 sur le seul premier trimestre de l’exercice 2025, à 78 % contre la Chine. Pékin a conduit le 2 avril 2025 l’exercice Strait Thunder-2025A, mobilisant de nombreux moyens autour du détroit de Taïwan, tandis que les patrouilles sino-russes se sont intensifiées en mer du Japon et dans le Pacifique ouest. Fin septembre 2025, la marine chinoise a franchi un cap en lançant des J-15T/J-35 et un KJ-600 depuis le porte-avions Fujian à catapulte électromagnétique, accroissant la portée de ses groupes aéronavals. Cette dynamique s’appuie sur une modernisation de flotte (J-20, J-16) et de ses multiplicateurs (ravitailleurs YY-20, guets KJ-500), élargissant la profondeur d’action. Pour Tokyo, l’addition de ces facteurs, plus la coordination avec Moscou, constitue le principal défi opérationnel de l’Indo-Pacifique.

La mise en garde japonaise et le diagnostic stratégique

Le Livre blanc « Defense of Japan 2025 » place la Chine au rang de « plus grand défi stratégique » pour la sécurité du Japon. Il pointe l’extension des activités aériennes et navales depuis les côtes du sud-ouest du Japon vers le Pacifique, l’augmentation des incursions dans les zones d’identification aérienne, et la montée des opérations conjointes avec la Russie. Cette appréciation s’inscrit dans une trajectoire amorcée depuis 2022 mais actualisée à l’aune des exercices de 2024-2025, de la pression autour de Taïwan et de la densification des patrouilles combinées sino-russes.

La mesure de l’activité : les chiffres de la JASDF

Le Japon a enregistré 704 décollages d’alerte en année fiscale 2024, dont 464 imputés à des aéronefs chinois (65,9 %). La tendance se maintient : au premier trimestre de l’exercice 2025, 157 scrambles ont été réalisés, à 78 % contre la Chine. Les autorités signalent aussi 30 décollages d’alerte contre des drones chinois en 2024, un record depuis 1958. Ces données objectivent la pression aérienne, avec des effets d’usure sur la posture d’alerte japonaise et une complexification de l’identification de vecteurs de plus en plus variés (drones WL-10/GJ-2, Y-9 ISR).

La dynamique autour de Taïwan : un tempo plus élevé

Les exercices menés les 1-2 avril 2025, baptisés Strait Thunder-2025A, ont impliqué 59 aéronefs, dont 31 ayant franchi la ligne médiane du détroit, et 23 bâtiments à proximité de l’île. Taipei recense une hausse des traversées de la médiane depuis le début de l’année, y compris lors de périodes auparavant plus calmes. Cette densité d’activité confirme l’installation d’un « rythme de routine » de patrouilles de combat et d’enveloppement multi-domaines.

La modernisation qualitative de la PLAAF

La PLAAF combine montée en puissance et professionnalisation. Les chasseurs J-20 de 5e génération, livrés à un rythme soutenu depuis 2023, approchaient déjà les deux centaines mi-2024 selon des estimations ouvertes, tandis que les J-16 de 4,5e génération assurent le volume et l’endurance. Côté multiplicateurs, l’extension de la flotte de ravitailleurs YY-20 (au moins une quinzaine d’appareils en 2024) et la diffusion des KJ-500 renforcent la permanence opérationnelle sur des rayons plus profonds, jusqu’au Pacifique occidental. Ces moyens accroissent la capacité de présence et de saturation autour des archipels japonais et des détroits.

La rupture capacitaire du porte-avions Fujian

Le 22 septembre 2025, le porte-avions Fujian a réalisé des lancements et appontages avec catapultes électromagnétiques, mettant en œuvre un J-15T, un J-35 et un KJ-600. C’est un saut qualitatif : des catapultes EMALS autorisent décollages à pleine charge, meilleure cadence et emploi d’aéronefs lourds de guet aéroporté. Avec le KJ-600, la Chine se rapproche du standard d’un groupe aéronaval à alerte avancée, clé pour des opérations au-delà de la « première chaîne d’îles ». Pour les forces japonaises et alliées, cette bascule impose d’actualiser la planification anti-surface et anti-air sur des trajectoires plus longues et des profils d’approche plus discrets.

l’Armée de l’Air chinoise accélère les exercices autour de Taïwan

La coopération militaire Chine-Russie : volume, complexité et signal stratégique

Les patrouilles sino-russes ont gagné en régularité et en profondeur : cinquième patrouille navale annuelle achevée le 25 août 2025, exercices « Maritime Interaction-2025 » en mer du Japon début août, vols de Tu-95MS escortés par Su-35S et Su-30SM le 19 août au-dessus de la mer du Japon. Ces activités entraînent des scrambles et un suivi étroit par Tokyo, Séoul et Washington. L’intérêt opérationnel est double : entraînement à la coordination interarmées sur de longues distances et démonstration politique de cohésion.

La nouveauté de septembre : formation et équipements russes pour la Chine

Fin septembre 2025, des documents révélés par la presse américaine indiquent un programme russe d’équipement et de formation d’une unité aéroportée chinoise, incluant des véhicules BMD-4M et des canons antichars Sprut-SDM1, pour un montant d’environ 584 M$. S’ils se confirment, ces transferts élargiraient la palette capacitaire chinoise en assaut aéroporté, domaine où l’expérience opérationnelle russe de ces dernières années pourrait accélérer l’apprentissage chinois. Pour Tokyo, cela s’ajoute à un faisceau d’indices d’une interopérabilité croissante.

La sécurité aérienne : des interactions plus rapprochées et plus risquées

Le 15 juillet 2025, Tokyo a dénoncé plusieurs rapprochements dangereux au-dessus de la mer de Chine orientale, dont un JH-7 chinois passé à environ 30 m d’un YS-11EB japonais. Ce type d’incident augmente le risque de collision et d’escalade non désirée. Parallèlement, l’espace aérien japonais a été violé par un Y-9 chinois au-dessus des îles Danjo (incident inaugural côté chinois), tandis que les forces japonaises avaient déjà dû employer des leurres infrarouges face à un Il-38 russe en 2024. Le cumul de frictions tactiques et de volumes d’activité accroit l’aléa stratégique.

La lecture opérationnelle pour Tokyo et ses alliés

Pour le Japon, la principale conséquence est l’obligation de tenir une posture de haute disponibilité le long des axes menant à l’océan Pacifique, tout en durcissant l’archipel Nansei face aux trajectoires venant de la mer de Chine orientale. Les chiffres de scrambles, la hausse des drones, et la multiplication des patrouilles combinées imposent un ajustement capacitaire : détection plus lointaine, défense aérienne multicouche, stocks de missiles remis à niveau, et coordination tri-alliée resserrée avec les États-Unis et l’Australie. La perspective de groupes aéronavals chinois équipés d’aéronefs de guet KJ-600 exige aussi de reconsidérer les distances d’engagement et les fenêtres de vulnérabilité.

Les implications régionales : Taïwan comme centre de gravité
Autour de Taïwan, la normalisation d’exercices de grande ampleur et de franchissements de la médiane rebat le calendrier de crise. Les 356 traversées recensées par Taipei durant les premiers mois de 2025, et les 248 passages de janvier 2025, témoignent d’un seuil de pression inédit. Le couplage de cette pression aérienne avec des déploiements navals et coast-guard resserre la fenêtre d’alerte des forces taïwanaises et détourne des moyens de leur posture de défense en profondeur. Pour Tokyo, cela signifie plus de surveillance au sud de Kyūshū et autour de Yonaguni, et une synchronisation accrue avec les moyens ISR alliés.

La trajectoire à surveiller en 2025-2026

Trois indicateurs méritent une attention prioritaire. D’abord, l’industrialisation du J-20 et le nombre d’unités pleinement opérationnelles, car ils conditionnent la masse de 5e génération face aux patrouilles japonaises. Ensuite, la cadence d’arrivée des YY-20 et l’intégration doctrinale du ravitaillement en vol, qui allongent les profils de mission dans le Pacifique occidental. Enfin, la maturation du Fujian et la qualification des cycles aériens (lancements/arrestages) avec J-35 et KJ-600 : la bascule d’une capacité technique vers une capacité opérationnelle se mesurera au nombre de jours de mer et au volume d’appontages certifiés. À ces paramètres s’ajoute la variable russo-chinoise : si les patrouilles combinées incluent davantage de sous-marins ou d’aviation stratégique coordonnée, la complexité pour la JASDF et la JMSDF s’accroîtra encore.

Au-delà de la dissuasion, l’enjeu de l’endurance

Pour Tokyo, l’équation n’est pas seulement technologique ; elle est aussi logistique. Les 704 scrambles de 2024 et la poursuite du rythme en 2025 impliquent maintenance, disponibilité et rotation des équipages. Or la Chine, en multipliant les exercices autour de Taïwan et les patrouilles lointaines, cherche à tester l’endurance adverse. La réponse japonaise passe par des capteurs plus résilients, l’interopérabilité alliée, et une gestion fine des stocks. Dans cet environnement, toute amélioration de la coordination Chine-Russie aura un effet démultiplicateur sur la charge opérationnelle de la région.

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