La Corée du Sud choisit le Global 6500 de L3Harris pour sa défense aérienne

La Corée du Sud choisit le Global 6500 de L3Harris pour sa défense aérienne

La Corée du Sud opte pour le Global 6500 de L3Harris doté du radar EL/W-2085 pour son programme AEW&C, renforçant sa surveillance aérienne.

En résumé

La Corée du Sud a sélectionné le Global 6500 modifié par L3Harris, équipé du radar israélien EL/W-2085, comme nouvel avion de surveillance aéroportée (AEW&C) dans le cadre de son programme dit AEW&C II. Le contrat porte sur l’achat de quatre appareils à livrer d’ici 2032 pour un coût d’environ 3 100 milliards de wons (≈ 2,2 milliards de dollars US). La décision intervient après une compétition où L3Harris a devancé Saab (GlobalEye) en cumulant de meilleurs scores sur l’adaptation opérationnelle, les coûts de maintenance et la participation industrielle domestique. Ce choix marque un tournant stratégique dans la capacité de la Corée à assurer une surveillance aérienne constante face aux menaces régionales.

Le contexte : besoin et contraintes de la Corée du Sud

Depuis plusieurs années, la Corée du Sud cherche à renforcer ses capacités de détection et de contrôle aérien, en particulier face aux menaces croissantes posées par les missiles, drones et activités aériennes adverses. Son relief montagneux rend les radars au sol moins efficaces dans certaines zones d’ombre, ce qui motive le recours à des solutions aéroportées.

Actuellement, la force aérienne sud-coréenne dispose de quatre Boeing E-7 (version locale E-737) acquis dans le cadre du programme Peace Eye (livrés entre 2011 et 2012) pour un montant d’environ 1,6 milliard de dollars. Toutefois, ces appareils ont été affectés par des taux de disponibilité insuffisants : des rapports remontant à 2019 évoquent des pannes fréquentes, un objectif de disponibilité à 75 % non atteint, et des lacunes dans la couverture radar aérienne qui compromettent la permanence opérationnelle.

Le programme AEW&C II, lancé officiellement en 2020, vise donc à acquérir quatre nouveaux appareils pour 2032 afin d’étendre et diversifier la couverture aérienne, corriger les déficiences du parc existant et renforcer les capacités ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, Reconnaissance).

Parmi les concurrents, on trouvait Saab (avec son système GlobalEye basé aussi sur le Global 6500) et Boeing (avec une offre E-7 étendue). Mais Boeing semble avoir été éliminé ou marginalisé plus tôt dans la sélection.

Le choix de L3Harris : éléments techniques et stratégiques

Plateforme et radar sélectionnés

L3Harris propose une version modifiée du Bombardier Global 6500, baptisée « Phoenix ». Ce jet d’affaires est transformé pour accueillir le radar EL/W-2085, développé par la firme israélienne IAI/ELTA, avec une architecture AESA (active electronically scanned array).

La configuration retenue est dite conforme (conformal), c’est-à-dire que les antennes sont intégrées aux flancs de l’avion plutôt que portées sur un dôme classique. On ajoute des antennes frontales et caudales pour une couverture à 360°.

Le radar EL/W-2085 est dual-bande, avec technologie GaN (nitrure de gallium), ce qui lui confère de meilleures performances en portée, résolution, et efficacité énergétique.

Dans sa documentation, L3Harris met en avant que le Global 6500 est déjà bien éprouvé dans les milieux civils et militaires, avec des coûts par heure de vol relativement bas, ce qui est un avantage opérationnel.

Critères d’évaluation et résultats

Selon les déclarations de l’agence d’acquisition sud-coréenne (DAPA), les critères de sélection incluaient :

  • l’adéquation opérationnelle (capacité à remplir les missions requises)
  • la contribution à l’industrie locale (transfert de technologie, production nationale)
  • les coûts de fonctionnement et de maintenance
  • les termes contractuels et coûts d’acquisition

L3Harris a obtenu de meilleurs scores dans les trois premiers critères, tandis que Saab était plus favorable sur les coûts d’achat et certaines clauses contractuelles. Au final, la synthèse des évaluations a donné l’avantage à L3Harris.

Un aspect clé du projet est la participation de l’industrie coréenne : Korean Air est impliqué pour la modification des appareils (sur les troisième et quatrième unités) et assurera la maintenance sur le territoire. Le plan prévoit un transfert de savoir-faire, intégration locale, certification et support à long terme.

Coût, calendrier, et livraisons

Le programme est estimé à 3 0975 milliards de wons, soit environ 2,2 milliards USD pour les quatre appareils. Certains médias sud-coréens parlent d’un montant de 3,87 trillions de wons (≈ 2,82 milliards USD), mais cela peut inclure des marges ou des phases supplémentaires.

La livraison est prévue d’ici 2032. Les deux premières unités seront probablement modifiées à l’étranger, tandis que les deux suivantes seront transformées et testées en Corée du Sud. ([Flight Global][8])

Le système Phoenix repose aussi sur une architecture ouverte modulaire (MOSA) permettant des mises à jour ultérieures du radar, de l’avionique, ou du logiciel afin de s’adapter à de nouvelles menaces.

La Corée du Sud choisit le Global 6500 de L3Harris pour sa défense aérienne

Impacts, conséquences et enjeux

Du point de vue stratégique et opérationnel

L’addition de quatre avions Phoenix permet une mise en œuvre de surveillance continue et un renforcement de la couverture radar, notamment dans les secteurs sensibles (mer Jaune, mer de l’Est, frontière nord). Ceci améliore la posture de dissuasion contre les missiles, drones, et incursions aériennes venant de la Corée du Nord ou de pays voisins.

La diversification du parc (E-7 + Phoenix) réduit le risque lié à la dépendance à une seule famille d’aéronefs, et offre une architecture plus résiliente.

L’architecture radar conformale présente un avantage aérodynamique : moindre traînée, meilleures performances à haute altitude, tout en assurant une couverture globale. Cela rend le système plus efficace pour des missions de longue durée sans ravitaillement.

Pour l’industrie nationale et les transferts technologiques

L’inclusion de Korean Air et d’acteurs locaux dans l’intégration, les tests, la maintenance, et la certification crée une valeur industrielle locale. Le transfert de technologie permettra la montée en compétences dans les systèmes aéronautiques et radars avancés.

À long terme, cela pourrait conduire à une plus grande autonomie opérationnelle, moins dépendante des fournisseurs étrangers, et soutenir le secteur de la défense sud-coréenne.

Les contraintes et défis potentiels

La modification d’un jet civil en plate-forme radar militaire est complexe : l’intégration du radar, du refroidissement, de l’alimentation électrique, des consoles, de la liaison de données, et la certification doivent être gérées avec soin. Le programme doit prouver la fiabilité opérationnelle et la compatibilité dans des environnements militaires.

Le calendrier est exigeant : livrer quatre avions d’ici 2032 implique des étapes de conception, test, certification, et du rythme. Les retards pourraient impacter la couverture souhaitée.

De plus, les coûts de maintenance, de modernisation et de support sur la durée devront être maîtrisés pour que l’investissement reste durable.

Impacts pour Boeing

La décision de la Corée constitue un revers pour Boeing, qui avait été candidat avec ses E-7 Wedgetail. La firme pourrait perdre un marché important dans la région.

Analyse comparative : GlobalEye vs Phoenix

Saab proposait le GlobalEye, système AEW&C également sur base Global 6000/6500, avec son radar Erieye Extended Range (ER). L’offre de Saab était réputée plus favorable en coût d’acquisition et certaines conditions contractuelles.

Mais la compétition a donné l’avantage à L3Harris grâce à son score élevé sur les critères industriels, coûts de maintenance, et adéquation opérationnelle. En d’autres termes, même si l’entrée de Saab était compétitive, elle n’apportait pas le même niveau de soutien local ni de garanties de performance à long terme.

Il est intéressant de noter que les deux offres rivalisaient techniquement : les évaluations indiquent qu’il n’y avait pas de différence significative sur les performances radar dans les critères de base selon DAPA.

Cette comparaison montre que, dans ce type de projet, l’écosystème industriel national et les coûts d’exploitation deviennent des leviers aussi importants que les performances pures.

Perspective et signification

Ce contrat Sud-Coréen est la première exportation confirmée de l’avion AEW&C Phoenix de L3Harris. L’initiative marque une montée en puissance des plates-formes bizjet converties pour des missions militaires ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance).

Cette sélection pourrait inspirer d’autres pays qui évaluent des options pour leurs capacités radar embarquées, en montrant que des jets plus compacts, plus flexibles, à coûts d’exploitation réduits, peuvent concurrencer des configurations plus traditionnelles.

Pour la Corée du Sud, c’est une indication claire : l’avenir de sa surveillance aérienne ne se limite pas aux grandes plateformes classiques, mais s’oriente vers des solutions plus modularisées, plus intégrées, et plus résilientes.

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