La Chine s’invite dans le conflit Iran-Israël : alerte stratégique à Pékin

Chine Air Force

Xi Jinping critique les frappes israéliennes contre l’Iran et propose une médiation pour stabiliser le Moyen-Orient, au nom des intérêts énergétiques chinois.

La Chine a exprimé publiquement sa préoccupation face à l’escalade militaire entre Israël et l’Iran. Lors d’un sommet à Astana, le président Xi Jinping a critiqué les frappes israéliennes, évoquant une menace pour la sécurité régionale et les intérêts internationaux. Pékin propose un rôle de médiateur pour stabiliser la situation, mais ses motivations sont aussi économiques. La Chine importe plus de 50 % de son pétrole via le Golfe et a investi massivement en Iran, notamment dans les infrastructures énergétiques liées à la Belt and Road Initiative. L’intervention diplomatique chinoise ne repose donc pas uniquement sur des principes de souveraineté, mais sur des intérêts énergétiques et stratégiques directs. En parallèle, Pékin cherche à apparaître comme une alternative au leadership américain au Moyen-Orient. Cependant, sa capacité réelle à influencer le cours du conflit reste limitée.

Une déclaration politique ouverte contre les frappes israéliennes

La prise de parole du président Xi Jinping, le 18 juin 2025 à Astana, constitue la première déclaration officielle de Pékin sur le nouvel épisode militaire entre Israël et l’Iran, déclenché quelques jours auparavant. Il a qualifié l’offensive israélienne de “violation de la souveraineté” et dénoncé une aggravation des tensions mettant en péril la stabilité régionale. Cette formulation est conforme au discours diplomatique chinois, qui privilégie les concepts de respect de la souveraineté, de non-ingérence et de sécurité collective.

Ces propos ont été tenus lors d’une réunion multilatérale avec des dirigeants d’Asie centrale, une région où la Chine étend son influence géopolitique et économique, notamment dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai. À travers ce canal diplomatique, Pékin cherche à établir un narratif alternatif à celui de Washington, en positionnant ses prises de position comme respectueuses du droit international et axées sur le dialogue.

En rencontrant spécifiquement le président de l’Ouzbékistan, Xi a poursuivi un objectif de consensus régional contre les approches unilatérales. La rhétorique adoptée suggère une volonté de désolidarisation vis-à-vis des actions israéliennes, sans pour autant exprimer un soutien militaire ou logistique à l’Iran. La Chine n’est pas signataire d’un pacte de défense avec Téhéran, mais maintient une coopération stratégique multidimensionnelle, y compris dans le domaine militaire.

Ce positionnement indique que Pékin cherche à neutraliser politiquement Israël, tout en évitant une confrontation directe. Le but est d’imposer sa légitimité diplomatique dans un espace où l’influence américaine recule, notamment après les tensions engendrées par les retraits partiels des troupes américaines de la région depuis 2021.

Les intérêts énergétiques de la Chine au cœur de l’équation

Derrière la posture officielle de neutralité et de médiation, la déclaration de Xi Jinping masque une préoccupation économique immédiate : la sécurité des approvisionnements énergétiques chinois. La Chine importe environ 10,6 millions de barils de pétrole brut par jour, dont plus de 50 % transitent par le Golfe persique. En 2024, près de 32 % du pétrole importé par la Chine provenait directement de l’Iran, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.

Un conflit ouvert entre Israël et l’Iran représente donc un risque stratégique pour l’économie chinoise, dont la croissance repose encore largement sur la disponibilité de ressources fossiles bon marché. Toute interruption de la circulation des tankers dans le détroit d’Ormuz – par lequel transite environ 20 % du pétrole mondial – aurait un impact direct sur le prix du baril, qui dépasse déjà les 95 euros (environ 102 dollars US) en juin 2025.

La Chine a investi, dans le cadre de sa Belt and Road Initiative, plus de 20 milliards d’euros dans des projets pétroliers, gaziers et portuaires liés à l’Iran. Ces projets incluent notamment l’exploitation des champs de South Pars et la construction d’un terminal énergétique à Chabahar, destiné à contourner les routes maritimes dominées par les puissances occidentales.

Une escalade militaire prolongée fragiliserait ces investissements, réduirait la marge de manœuvre de Pékin sur le marché pétrolier et aggraverait les tensions internes liées au ralentissement de la croissance économique, dont le taux officiel est tombé sous les 4,5 % en glissement annuel. Cela explique pourquoi Pékin adopte une ligne diplomatique proactive : il s’agit avant tout de préserver ses intérêts énergétiques vitaux, tout en maintenant une image de stabilité.

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Une stratégie de contre-influence face aux États-Unis

La déclaration de Xi Jinping doit également être analysée dans un cadre géopolitique plus large. Depuis 2022, la Chine renforce ses relations bilatérales avec les pays du Golfe et entend proposer un modèle de médiation alternatif à celui exercé par les États-Unis depuis les accords de Camp David jusqu’aux Abraham Accords.

En mars 2023, Pékin avait déjà réussi à rapprocher diplomatiquement l’Iran et l’Arabie saoudite, démontrant sa capacité à intervenir sur les grands dossiers régionaux. Cette dynamique est aujourd’hui prolongée par des contacts intensifiés avec Oman, qui entretient des relations à la fois avec Israël, les États-Unis et l’Iran, et dont le territoire accueille des installations stratégiques pour la surveillance maritime.

L’objectif est clair : proposer une stabilisation régionale sans intervention militaire occidentale. La Chine soutient une approche multilatérale, alignée sur les positions de l’ONU, mais en réalité façonnée par ses propres priorités. En se présentant comme arbitre, Xi cherche à marginaliser l’influence américaine, affaiblie par les critiques adressées à sa politique étrangère depuis le retrait chaotique d’Afghanistan et les divisions internes sur le soutien à Israël.

Cependant, plusieurs analystes soulignent les limites structurelles de l’influence chinoise. Pékin n’a ni les alliances militaires, ni les bases régionales nécessaires pour exercer un effet de dissuasion comparable à celui des États-Unis. En outre, son rôle dans les processus de paix est souvent perçu comme passif, faute d’engagements concrets ou de pressions crédibles sur les belligérants.

Le discours de Xi Jinping s’inscrit donc davantage dans une stratégie d’image internationale que dans une capacité réelle à transformer les équilibres militaires au Moyen-Orient. Toutefois, la volonté de médiation chinoise n’est pas sans conséquence : elle pourrait inciter certains pays non-alignés à réévaluer leurs partenariats, au profit de nouveaux équilibres multipolaires.

Risques d’escalade et fragilités des positions chinoises

L’escalade militaire entre Israël et l’Iran représente un scénario critique pour la sécurité énergétique mondiale, mais également pour la crédibilité des puissances qui prétendent agir en médiateurs. En s’exprimant publiquement, la Chine prend un risque diplomatique calculé, mais non négligeable.

En cas de conflit généralisé, Pékin ne pourrait probablement pas intervenir militairement pour protéger ses infrastructures ou ses intérêts commerciaux. Cela affaiblirait son image de garant de stabilité, notamment dans les pays africains ou d’Asie du Sud qui dépendent également de ses investissements dans l’énergie.

En outre, la relation sino-iranienne n’est pas exempte de tensions. Si les deux pays partagent une opposition commune aux sanctions américaines, les attentes stratégiques divergent : l’Iran souhaite un soutien plus concret sur les dossiers sécuritaires, tandis que la Chine veut éviter toute implication directe dans un conflit à haute intensité.

Enfin, le positionnement chinois pourrait irriter Israël, dont les relations économiques avec la Chine ont connu un ralentissement depuis 2022 sous l’effet de pressions américaines. Pékin devra donc équilibrer sa posture, sans trop heurter l’un ou l’autre camp, sous peine de perdre son statut d’interlocuteur crédible.

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