
Le budget militaire chinois atteint possiblement 400 milliards $. En tenant compte de la parité de pouvoir d’achat, Pékin rattrape Washington.
Les chiffres officiels sous-estiment potentiellement les dépenses militaires chinoises, qui pourraient atteindre 400 milliards de dollars par an. Comparée au budget américain de 916 milliards, cette somme semble inférieure, mais la parité de pouvoir d’achat (PPA) change complètement l’analyse. En tenant compte de la PPA, la Chine atteindrait plus de 70 % de la capacité militaire américaine. De plus, le nombre de militaires chinois (2 millions) dépasse celui des États-Unis (1,3 million). Cependant, des limites structurelles — comme la corruption, la hausse des coûts internes et le vieillissement démographique — menacent cette progression. Au-delà des budgets, la qualité du commandement et de la formation reste un facteur clé d’efficacité militaire, souvent ignoré dans les comparaisons internationales.

Les écarts comptables dans l’évaluation des budgets militaires
Comparer les budgets militaires chinois et américains soulève d’importantes difficultés. Le budget officiel de la Chine est estimé à 296 milliards de dollars, mais plusieurs analyses suggèrent qu’il inclut des fonds cachés affectés à la défense, ce qui porterait le total à environ 400 milliards de dollars par an. À titre de comparaison, le budget militaire américain atteint 916 milliards de dollars pour maintenir une armée de 1,3 million de soldats, contre 2 millions pour la Chine.
Les écarts comptables sont fondamentaux : la Chine, comme l’ex-URSS, fonctionne dans un système autoritaire où les données financières ne sont ni auditables, ni transparentes. Les estimations sont donc inévitablement entachées d’incertitude. De plus, la structure salariale et logistique des deux pays diffère : les soldats chinois sont moins bien rémunérés, les équipements sont produits localement à moindre coût, et les charges sociales sont largement inférieures.
Un missile chinois, par exemple, coûte en moyenne entre 30 % et 50 % moins cher que son équivalent occidental. Cela signifie que le budget nominal ne reflète pas la capacité réelle d’achat et de production. Les écarts de coût structurel doivent donc être ajustés pour obtenir une comparaison efficace.
L’effet de la parité de pouvoir d’achat (PPA) sur la puissance militaire
La parité de pouvoir d’achat (PPA) est une méthode qui permet d’estimer le nombre réel de biens et services qu’un pays peut acheter avec sa monnaie. Dans un contexte militaire, cela signifie que la Chine obtient davantage avec moins d’argent, car le coût du matériel, du personnel et de la logistique est inférieur à celui des États-Unis.
Sans tenir compte de la PPA, les cinq plus grands budgets militaires sont : États-Unis, Chine, Russie, Inde et Arabie Saoudite. Avec la PPA, la Chine se rapproche de 70 % de l’effort américain, alors qu’elle ne représente qu’un tiers en valeur nominale. En ajustant les chiffres, les dépenses chinoises apparaissent beaucoup plus importantes et plus efficaces, du moins sur le papier.
Cela pose une question stratégique essentielle : quelle est l’efficacité réelle des dépenses militaires ? Si un char américain coûte 10 millions d’euros, mais un char chinois aux performances proches coûte 4 millions, la valeur opérationnelle du budget américain baisse fortement en comparaison.
Ce modèle bénéficie aussi à des pays comme l’Iran ou le Pakistan, dont le budget militaire représente environ 6 % et 4 % du budget américain respectivement, mais qui entretiennent de larges effectifs à bas coût, potentiellement capables de constituer une menace locale crédible.
Les limites internes du modèle militaire chinois
La progression du budget militaire chinois s’appuie sur des bases fragiles. Plusieurs facteurs internes compromettent l’efficacité de la dépense.
Premièrement, la corruption dans les armées chinoises est structurelle. Depuis les années 1980, Pékin tente de limiter les détournements, mais les succès sont marginaux. Selon plusieurs études, 20 % des fonds militaires chinois seraient perdus ou mal utilisés, affectant directement la qualité des équipements, de la formation et des infrastructures. Le rapport du Centre for Strategic and International Studies (CSIS) indique que des achats d’armements sont souvent surgonflés ou détournés à des fins personnelles par des officiers supérieurs.
Deuxièmement, l’évolution démographique de la Chine est défavorable. Le pays subit une baisse rapide de la population active, due à la combinaison du vieillissement et des effets de la politique de l’enfant unique. Selon les prévisions officielles, la Chine perdra 70 millions d’actifs d’ici 2035. Or, un effectif militaire dépend directement de la disponibilité d’une population jeune et mobilisable.
Troisièmement, les tensions commerciales avec les États-Unis affectent directement les revenus d’exportation chinois. La Chine a vu ses exportations chuter de 14,5 % en 2023, entraînant une contraction des revenus publics et une pression sur le financement militaire. Le taux de chômage urbain des jeunes dépasse désormais 20 %, ce qui alimente une spirale déflationniste et complique le maintien d’un effort militaire soutenu.

L’illusion du budget : efficacité opérationnelle et qualité du commandement
Un budget élevé n’est pas garant d’efficacité opérationnelle. Le facteur décisif, souvent négligé dans les débats publics et médiatiques, est la qualité du commandement, de l’encadrement et de la formation des troupes.
Les armées qui privilégient l’entraînement constant, le contrôle rigoureux des unités et la promotion au mérite affichent des performances nettement supérieures en combat réel, même avec moins de ressources. À ce titre, les États-Unis conservent une longueur d’avance grâce à un système de formation militaire basé sur l’expérience opérationnelle, l’interopérabilité et l’innovation.
La Chine, à l’inverse, souffre d’un manque d’expérience au combat depuis la guerre sino-vietnamienne de 1979. Les exercices à grande échelle sont récents, et les officiers supérieurs sont souvent nommés sur des critères politiques plutôt que stratégiques.
Un soldat bien équipé mais mal dirigé reste inefficace face à une unité bien commandée. La structure de commandement et la doctrine opérationnelle jouent un rôle déterminant dans la capacité de projection. Cela explique pourquoi des armées comme celles de l’Iran ou de la Corée du Nord, bien que nombreuses, échouent face à des forces mieux organisées et entraînées.
La projection de puissance : un défi budgétaire asymétrique
Enfin, l’un des aspects les plus méconnus du budget militaire est le coût de la projection de puissance. Défendre son territoire est bien moins coûteux que de projeter une force à l’étranger. Pour une offensive régionale, il faut compter au moins 25 % de dépenses supplémentaires, et jusqu’à 100 % de plus pour une intervention globale.
La Chine, encore peu impliquée dans des opérations militaires extérieures, n’a pas encore construit l’infrastructure logistique nécessaire à une projection globale. En comparaison, les États-Unis disposent de plus de 750 bases militaires à l’étranger, capables de soutenir une offensive rapide partout dans le monde.
Ce déséquilibre montre que, malgré un budget élevé, la Chine reste encore essentiellement une puissance continentale, tandis que les États-Unis conservent un avantage stratégique global, difficilement égalable sans bouleversement profond des équilibres économiques et politiques mondiaux.
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