L’Ukraine identifie un drone iranien Shahed-136 modifié avec ciblage IA

drone autonome avec ciblage thermique IA

Un drone iranien Shahed-136 équipé d’un ciblage thermique et d’une IA embarquée a été utilisé en Ukraine, posant de nouveaux défis tactiques.

L’armée ukrainienne a confirmé l’identification d’un nouveau modèle de drone iranien Shahed-136, modifié avec une caméra thermique et un système de ciblage automatisé par intelligence artificielle. Désigné Shahed-136 MS, ce drone est doté de quatre antennes CRPA pour résister au brouillage GPS, d’un module de vision thermique et d’un ordinateur embarqué Jetson de Nvidia. L’engin est capable d’identifier une signature thermique ou visuelle au sol sans dépendre exclusivement des signaux satellitaires. Cette évolution vise à contrer les mesures de guerre électronique déployées par l’Ukraine. Kyiv estime que l’Iran fournit directement ces drones à la Russie, en échange d’équipements militaires russes. Ce développement technique témoigne d’un tournant vers des drones semi-autonomes, difficilement neutralisables par les moyens classiques.

Un drone kamikaze iranien à guidage thermique et reconnaissance IA

Le drone retrouvé par les autorités ukrainiennes appartient à la série Shahed-136, largement utilisée par la Russie depuis 2022. Cette version baptisée MS intègre des modifications techniques significatives par rapport aux modèles précédents.

L’appareil dispose :

  • d’un module de vision thermique intégré à la cellule
  • d’une caméra visible, couplée à un ordinateur Jetson de Nvidia
  • d’un ensemble de quatre antennes CRPA pour la navigation
  • d’un algorithme embarqué permettant une reconnaissance de formes ou de signatures thermiques

Le module Jetson est une plateforme d’intelligence artificielle à faible consommation électrique, initialement conçue pour des applications robotiques et industrielles. Il permet un traitement local d’image en temps réel. Le Shahed-136 MS peut ainsi adapter sa trajectoire en fonction d’éléments visuels ou thermiques identifiés sur le champ de bataille. L’objectif est d’améliorer la précision terminale du drone sans dépendre entièrement des signaux GPS, facilement brouillés ou usurpés.

La présence de quatre antennes CRPA (Controlled Radiation Pattern Antenna) confirme cette stratégie. Ces antennes permettent de filtrer les signaux parasites et de maintenir la trajectoire même dans un environnement de guerre électronique. C’est une réponse directe aux tactiques ukrainiennes, qui reposent sur le brouillage massif des signaux GNSS (Global Navigation Satellite Systems).

drone autonome avec ciblage thermique IA
Drone autonome avec ciblage thermique IA

Un changement de doctrine dans la conception iranienne des drones

Jusqu’ici, les drones Shahed-136, d’une longueur de 3,5 m et d’une envergure de 2,5 m, étaient propulsés par un moteur à piston dérivé de modèles civils. Ils suivaient des trajectoires préprogrammées sur des points GPS, avec peu de capacité à modifier leur route une fois lancés. Cette version MS, dotée d’un système de reconnaissance visuelle, représente une mutation conceptuelle : le drone peut désormais ajuster sa cible à la dernière minute, en fonction de données perçues localement.

Cette évolution rapproche les Shahed de drones plus avancés comme le Switchblade 600 américain ou le Lancet russe, qui sont capables de réagir en vol aux changements de situation tactique. Le Shahed-136 MS s’inscrit dans une stratégie de ciblage autonome, fondée sur la recherche de signatures thermiques ou optiques d’objectifs prioritaires : blindés, systèmes radar, batteries antiaériennes.

Ce type d’engin n’a pas besoin de retour vidéo vers l’opérateur ni de guidage externe. Il peut être lancé depuis un camion ou une rampe fixe, suivre un itinéraire général, puis activer sa recherche finale sur les derniers kilomètres. Il s’agit d’un pas important vers des drones dits “fire and forget” pour des cibles au sol, et non plus uniquement pour les missiles air-air.

Cette autonomie finale est précieuse pour pénétrer dans des zones fortement protégées, où le brouillage, la désinformation GNSS ou l’interception des communications rendent les systèmes classiques inefficaces. L’Ukraine dispose notamment de brouilleurs portables polonais, américains et indigènes déployés sur la ligne de front.

Impacts tactiques sur la guerre électronique et la défense ukrainienne

La mise en service d’un drone comme le Shahed-136 MS soulève des préoccupations opérationnelles concrètes. Sa capacité à localiser une cible visuelle ou thermique sans lien GPS le rend moins vulnérable aux systèmes anti-drones classiques. De nombreuses armes de défense utilisées aujourd’hui, comme le SkyWiper ou le Bukovel-AD, sont conçues pour interrompre les liaisons radio, mais pas pour intercepter un drone entièrement autonome en phase terminale.

Sur le plan militaire, cela contraint l’Ukraine à repenser ses priorités de défense antiaérienne :

  • Augmenter le recours à l’artillerie antiaérienne classique (canons de 30 mm à 57 mm)
  • Développer des moyens de détection acoustique ou thermique, car le drone devient silencieux et non émissif à l’approche finale
  • Renforcer la protection physique des cibles (hôpitaux de campagne, radars, véhicules SAM) à l’aide de filets ou structures résistantes aux attaques descendantes

Le Shahed-136 MS semble destiné à frapper des cibles à haute valeur ajoutée, là où les versions précédentes visaient surtout des infrastructures civiles (centrales électriques, entrepôts). L’évolution vers un ciblage intelligent pourrait refléter une coordination russo-iranienne sur les tactiques de précision, avec une adaptation progressive aux défenses ukrainiennes.

Le coût unitaire estimé d’un drone Shahed-136 standard est de 20 000 à 30 000 euros. La version MS, avec capteur thermique et Jetson, pourrait se situer autour de 40 000 à 50 000 euros. Ce montant reste très inférieur à celui d’un missile de croisière (≈1 million d’euros), pour une efficacité potentiellement équivalente en conditions favorables.

drone autonome avec ciblage thermique IA
Drone autonome avec ciblage thermique IA

Une coopération militaire russo-iranienne de plus en plus intégrée

L’apparition de ce modèle avancé dans les cieux ukrainiens laisse penser que l’Iran fournit non plus seulement des composants ou des kits, mais bien des drones complets et prêts à l’emploi, avec des modules électroniques sophistiqués intégrés. Kyiv soupçonne des livraisons récentes effectuées sans phase de test sur le territoire russe, ce qui implique une confiance technique dans la maturité du produit.

La compensation en nature (drones contre systèmes d’armement russes) semble se confirmer. Plusieurs sources militaires ukrainiennes affirment que l’Iran a reçu des équipements russes :

  • systèmes de défense anti-aérienne de type Tor-M1 ou Pantsir-S1
  • avions d’entraînement Yak-130
  • composants pour missiles balistiques

Cette coopération stratégique repose sur un double levier :

  • L’Iran cherche à consolider sa propre dissuasion régionale, notamment face à Israël
  • La Russie comble ses besoins industriels dans un contexte de sanctions et d’attrition élevée sur le front ukrainien

Si cette tendance se poursuit, l’Ukraine pourrait être confrontée à une vague de drones de 2e génération, capables d’identifier des objectifs spécifiques sans interaction humaine. Cela réduirait les possibilités de neutralisation anticipée et obligerait à adapter non seulement les moyens défensifs, mais aussi l’architecture du renseignement et de la guerre électronique.

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