AVIC dévoile le Wing Loong X à Dubaï, premier drone anti-sous-marin revendiqué au monde, doté de 40 heures d’endurance et d’algorithmes d’IA pour traquer les sous-marins.
En résumé
Au Dubai Airshow 2025, l’industriel chinois AVIC a présenté le drone Wing Loong X, un appareil de type MALE (Medium Altitude Long Endurance) capable, selon Pékin, de détecter, suivre et engager des sous-marins de manière autonome. Avec une endurance de 40 heures, un plafond annoncé de 10 000 mètres (32 808 pieds) et une envergure dépassant 20 mètres (66 pieds), ce drone anti-sous-marin se positionne comme une alternative aux avions de patrouille maritime classiques, plus coûteux et plus limités en temps de vol. Configuré pour larguer des bouées acoustiques, analyser les signaux via une intelligence artificielle embarquée et, le cas échéant, lancer des torpilles légères, le Wing Loong X ambitionne de transformer la lutte ASM (anti-sous-marine) en mission de haute altitude et de longue durée. Derrière cette démonstration technologique se profile un objectif clair : offrir à la Chine un outil de surveillance maritime persistante dans des zones contestées comme la mer de Chine méridionale, tout en élargissant l’offre export de drones de combat. Reste une inconnue majeure : la performance réelle de cette lutte anti-sous-marine autonome dans un environnement acoustique complexe et face à des sous-marins discrets.
La présentation du Wing Loong X à Dubai Airshow 2025
Au Dubai Airshow 2025, AVIC a exposé pour la première fois hors de Chine une maquette à l’échelle 1 du Wing Loong X, en insistant sur sa capacité à mener des missions complètes de lutte anti-sous-marine sans équipage à bord.
Selon les informations diffusées par la presse spécialisée, le drone Wing Loong X est présenté comme :
- le « premier appareil sans pilote au monde » capable de détecter, suivre et engager des sous-marins de façon autonome ;
- un UCAV (Unmanned Combat Aerial Vehicle) de grande taille, doté d’une envergure supérieure à 20 mètres (plus de 65,6 pieds) ;
- un drone MALE conçu pour voler jusqu’à 10 000 mètres, avec une endurance pouvant atteindre 40 heures.
L’appareil n’est pas totalement nouveau : il avait déjà été montré à Zhuhai lors d’Airshow China 2024, où AVIC avait mis en avant ses capacités anti-surface et anti-sous-marine. La nouveauté de Dubaï tient à la mise en récit : la Chine assume désormais une ambition explicite de guerre anti-sous-marine autonome, en ciblant directement le marché des marines qui cherchent des moyens moins coûteux que les patrouilleurs de type P-8 Poseidon.
La conception d’un drone de lutte anti-sous-marine de longue endurance
Un drone MALE lourd pensé pour la mer
Le Wing Loong X s’inscrit dans la continuité de la famille Wing Loong, mais en change l’échelle. Décrit comme le plus grand drone de reconnaissance-frappe chinois, il adopte une configuration classique MALE : fuselage élancé, grande voilure droite, empennage en V ou en T, propulsion par turboréacteur ou turbopropulseur selon les variantes.
Ses caractéristiques clés :
- envergure : > 20 mètres (≈ 66 pieds) ;
- plafond opérationnel : 10 000 mètres (32 808 pieds) ;
- endurance : jusqu’à 40 heures en configuration de patrouille ;
- charge utile importante pour intégrer capteurs, bouées, armements.
Cette endurance est significative : certains articles soulignent qu’elle dépasse largement celle d’un avion de patrouille maritime de type Boeing P-8A Poseidon, dont l’autonomie opérationnelle est d’environ 10 heures.
Une architecture de capteurs dédiée à la chasse aux sous-marins
Le cœur de la capacité anti-sous-marine d’un drone comme le Wing Loong X réside dans sa suite capteurs-effets :
- pods de largage de sonobuoys acoustiques (bouées sonar) ;
- radar de surveillance maritime à ouverture synthétique pour la détection de surfaces ;
- capteurs électro-optiques / infrarouge pour l’identification visuelle ;
- liaisons de données pour coopérer avec navires, avions et autres drones.
Les sonobuoys sont des bouées jetées à la mer qui embarquent un ou plusieurs hydrophones. Elles écoutent le milieu sous-marin et renvoient, par liaison radio, les signaux acoustiques vers la plateforme aérienne. C’est cette chaîne sonar-radio-analyse qui est transposée du monde des avions habités (P-3, P-8, Atlantique, etc.) vers un drone de lutte anti-sous-marine.
Le fonctionnement d’une chasse aux sous-marins autonome
Une boucle “détection-analyse-engagement” automatisée
La promesse du Wing Loong X est de passer d’un soutien partiel à une guerre anti-sous-marine autonome, où l’appareil prendrait en charge une part importante de la boucle opérationnelle :
- Patrouille à haute altitude au-dessus d’une zone d’intérêt (mer fermée, goulot, route stratégique).
- Largage de sonobuoys passifs ou actifs, selon le profil de mission, en formant un champ acoustique.
- Réception des données acoustiques via les liaisons UHF/VHF ou satellites.
- Traitement par IA embarquée : filtrage du bruit, détection d’anomalies, classification de signatures possibles de sous-marins.
- Suivi de cible : fusion des données de plusieurs bouées, éventuellement de plusieurs drones, pour affiner la localisation.
- Décision d’engagement : soit transmission de la piste à des moyens navals, soit attaque directe par l’emport d’armes.
AVIC affirme que le Wing Loong X peut non seulement détecter, mais aussi « coordonner des attaques » avec des plateformes navales ou aériennes, voire lancer lui-même des torpilles légères ou des munitions adaptées.
L’intégration d’armes : torpilles, missiles et munitions guidées
Les maquettes exposées et les descriptions officielles évoquent un emport modulable :
- torpilles légères anti-sous-marines (probablement de 200 à 300 kg) ;
- missiles antinavires de petit calibre ;
- bombes guidées pour des cibles de surface ;
- éventuellement missiles air-air pour l’auto-protection ou la défense locale.
Cette modularité place le Wing Loong X dans la catégorie des “multi-mission” : surveillance, drone anti-sous-marin chinois, lutte de surface, voire contribution à la défense aérienne locale.
La dimension “essaim” et la coopération entre drones
AVIC met aussi en avant la capacité du Wing Loong X à fonctionner en réseau, voire en essaim, avec d’autres drones et plateformes. Des articles mentionnent une mise en commun des données sonar et radar entre plusieurs appareils, afin de couvrir des zones maritimes étendues et de réduire les angles morts.
Cette approche s’inscrit dans une tendance lourde : multiplier des plateformes relativement peu coûteuses pour saturer le théâtre, plutôt que dépendre d’un petit nombre de gros avions habités.
Les performances annoncées et leurs limites probables
Des chiffres flatteurs sur le papier
Les performances mises en avant par la communication chinoise sont impressionnantes :
- endurances de 40 heures, soit quatre fois un P-8 typique ;
- plafond de 10 000 mètres, permettant une large couverture radar ;
- envergure de plus de 20 mètres, offrant de la portance et de la place pour les capteurs ;
- capacité théorique à combiner plusieurs types de capteurs (sonar, radar, EO/IR) et d’armes.
Pour des marines disposant de budgets limités, un drone MALE à endurance de 40 heures capable de surveiller un détroit ou une ZEE pendant plusieurs jours d’affilée représente un argument commercial fort.
Les contraintes de l’acoustique sous-marine et du réel opérationnel
Dans la réalité, la lutte anti-sous-marine autonome est l’une des missions les plus complexes qui soient :
- l’environnement acoustique est bruyant, variable, fortement dépendant de la température, de la salinité, de la bathymétrie ;
- la discrimination entre un sous-marin discret, un navire civil, un banc de poissons ou un phénomène naturel exige des algorithmes robustes et des bases de données de signatures très riches ;
- le risque de fausse alerte, ou au contraire de non-détection, reste élevé.
Les systèmes occidentaux les plus avancés s’appuient encore massivement sur l’expertise humaine (opérateurs sonar, analystes ASM). L’idée qu’un seul drone puisse, dès aujourd’hui, remplacer complètement ce savoir-faire doit donc être regardée avec prudence. Les annonces d’AVIC peuvent relever autant de l’ambition que de la capacité pleinement démontrée.
Vulnérabilité, guerre électronique et météo
Un drone de grande taille volant à 10 000 mètres reste exposé :
- aux missiles air-air ou sol-air longue portée ;
- au brouillage et aux cyberattaques visant ses liaisons de données ;
- aux conditions météo dégradées en mer (vents forts, couvert nuageux, givrage).
En cas de conflit de haute intensité, la survie du Wing Loong X dépendra de son intégration dans une bulle de défense aérienne et de sa capacité à rester en dehors des zones les plus contestées tout en conservant sa pertinence opérationnelle.

Les implications stratégiques pour la guerre navale
Un outil de surveillance maritime persistante dans les zones contestées
Pour la Chine, le drone Wing Loong X est d’abord un outil de surveillance maritime persistante dans des zones sensibles : mer de Chine méridionale, détroit de Taïwan, mer de Chine orientale, voire au-delà dans le Pacifique occidental.
En couplant plusieurs drones capables de couvrir chacun des centaines de kilomètres carrés pendant près de deux jours, Pékin peut :
- suivre plus finement les patrouilles de sous-marins adverses ;
- surveiller les approches de ses bases et de ses routes maritimes ;
- réagir plus vite à des incursions perçues comme hostiles.
Une pression supplémentaire sur les sous-marins adverses
Si le Wing Loong X tient ses promesses, il complétera les moyens classiques de lutte ASM (frégates, avions de patrouille, hélicoptères). Les sous-marins opérant à proximité des eaux contestées pourraient se retrouver plus fréquemment sous la menace combinée de bouées, de capteurs multi-plateformes et de drones armés.
Cette pression accrue peut :
- compliquer la liberté d’action des sous-marins ennemis dans les mers proches de la Chine ;
- forcer les marines adverses à investir davantage dans la discrétion acoustique, la profondeur d’immersion, les contre-mesures.
Un signal adressé aux marchés export et aux puissances régionales
Enfin, le lancement du Wing Loong X a aussi une dimension commerciale : la Chine se positionne comme fournisseur de drone anti-sous-marin pour des marines émergentes qui n’ont ni les moyens ni le savoir-faire pour opérer des P-8 ou des flottes ASM complètes.
Dans un contexte où la maîtrise des fonds marins devient un enjeu majeur (câbles, ressources, dissuasion), offrir un “ASM prêt à l’emploi” sous la forme d’un drone séduit potentiellement plusieurs clients en Asie, au Moyen-Orient ou en Afrique.
Le Wing Loong X marque une étape importante : la bascule de la lutte anti-sous-marine vers le monde des drones de longue endurance. La Chine ne se contente plus d’exporter des UCAV de frappe terrestre ; elle investit désormais le segment très technologique de la chasse aux sous-marins. Reste à vérifier si la réalité opérationnelle rejoindra les promesses affichées à Dubaï. Entre vraie rupture capacitaire et vitrine high-tech, ce drone anti-sous-marin chinois pourrait surtout accélérer une course à l’innovation où les sous-marins et les drones se disputeront, dans le silence des profondeurs et le ciel au-dessus, la maîtrise des mers de demain.
Sources
– Army Recognition, article sur la présentation du Wing Loong X au Dubai Airshow 2025 et ses capacités anti-sous-marines.
– DefenseMirror, “China Presents 40-hour Endurance Anti-submarine Drone at Dubai Airshow”.
– Global Times et Janes, analyses sur le Wing Loong X à Airshow China 2024 et sur ses capacités ASW/ASuW.
– Interesting Engineering, NextGenDefense, The Defense Post, articles sur l’IA embarquée, les sonobuoys et l’endurance de 40 heures du Wing Loong X.
– Military Watch Magazine et Vietbao, synthèses sur le positionnement stratégique du drone et la comparaison avec les avions de patrouille maritime classiques.
Avion-Chasse.fr est un site d’information indépendant.